En aval des barrages, les rivières étouffent

| mar, 20. nov. 2012
Le barrage de Lessoc devra être assaini
Faute de débit, les rivières en aval des barrages sont souvent au bord de l'asphyxie. Les pêcheurs fustigent la lenteur des cantons dans l’assainissement des installations. Dans le Sud Fribourgeois, trois ouvrages doivent encore être mis aux normes.

PAR KATHARINA KUBICEK
Trop de ruisseaux et de rivières sont encore asphyxiés par des ponctions d’eau excessives, notamment en aval des barrages hydroélectriques et des stations de prélèvement. La sonnette d’alarme a été tirée récemment par la Fédération suisse de pêche (FSP). Celle-ci pointe du doigt la lenteur des cantons dans l’assainissement des installations de production hydro-électrique, un assainissement visant à redonner aux cours d’eau un débit suffisant, condition nécessaire à leur bonne santé.


Alors que les pêcheurs fustigent non seulement l’immobilisme des cantons, mais aussi la mauvaise volonté des producteurs d’énergie, ces derniers répliquent. «Le dossier est complexe, car les intérêts divergent», explique Claude Thurler, directeur général de Gruyère Energie SA, exploitant de l’usine de production hydraulique à Charmey. «Il faut aussi voir que ces mesures peuvent impliquer la baisse de la production d’énergies renouvelables, dans un contexte de sortie du nucléaire où l’on parle au contraire d’encourager ce type de production.»


Manque à gagner
Marcel Buchs, directeur d’EW Jaun Energie AG, usine hydroélectrique sur la Jogne, a chiffré la différence sur son domaine. «Pour notre petite fabrique, sur un rendement annuel de 2,4 millions de kilowattheures, la production diminuera de 104000 kWh, l’équivalent de la consommation annuelle moyenne de vingt-six ménages suisses.» Soit, avec un prix moyen de 10 ct./kWh, un manque à gagner de 10000 fr. pour l’exploitant. Un argument que réfutent les défenseurs de l’environnement. «Il s’agit de la santé des rivières. Le jour où elles ne seront plus là, il n’y aura plus de production du tout», rétorque Yolande Peisl-Gaillet, chargée d’affaires à Pro Natura Fribourg.


Cours d’eau asphyxiés
«Le débit résiduel est ce qui est laissé à la rivière après un prélèvement ou après un barrage, notamment en aval des usines hydrauliques», explique Bernard Jaquet, président de la Fédération fribourgeoise des sociétés de pêche. Si le débit est insuffisant, la vie du cours d’eau est en danger. «Cela devient une menace pour les poissons, les micro-organismes et la biodiversité. Un débit trop faible empêche la rivière de réguler sa température. Le risque de pollution est lui aussi accru, car la dilution est trop faible.»


Pourtant, la loi suisse garantit sa protection aux eaux résiduelles. Un article de 1975 avait inscrit – il y a de cela 37 ans – cette obligation dans la Constitution fédérale. Une disposition  confirmée par le peuple, qui acceptait en 1992 les dispositions précises sur les débits résiduels, dans la loi révisée sur la protection des eaux. Les cantons disposaient dès lors d’un délai de quinze ans, prolongé de cinq ans, pour se mettre en conformité avec la loi.


Assaini seulement à 21%
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Au sens figuré surtout, puisque, à l’échéance du délai fin 2012, plus de 60% des installations problématiques en Suisse n’ont pas encore été traitées. «Il s’agit d’une non-conformité avec la loi, et qui reflète la priorité que les cantons accordent à cette problématique», lâche Bernard Jaquet. Dans une étude menée fin 2011 par l’Office fédéral de l’environnement, Fribourg, Vaud et le Valais figuraient parmi les mauvais élèves, avec respectivement 21%, 36% et 4% des travaux d’assainissement accomplis.


Du côté de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC), c’est le silence radio, y compris sur l’état de la situation dans le canton. La Direction réserve toute information sur le sujet aux députés Christa Mutter (les Verts) et Markus Bapst (pdc), dépositaires d’une question sur le sujet fin septembre. D’ici la réponse aux parlementaires, dont le délai échoit le 24 novembre, on n’en saura pas plus.

 

La situation dans le Sud fribourgeois

Dans le canton, quatre des 19 barrages ou prises d’eau touchés par ces mesures sont assainis, ou en cours d’assainissement, selon une étude menée par l’Office fédéral de l’environnement l’année dernière. En aval du barrage de Rossens, le débit de la Sarine a été augmenté en 2002, et répond aujourd’hui aux normes, tout comme les ouvrages de Schiffenen et de la Maigrauge.


Dans le Sud, des travaux sont en cours depuis le mois d’août sur le barrage de Montsalvens. A cet endroit, la Jogne passera d’un débit de 80 à 500 litres/seconde. Sur la même rivière, le barrage d’EW Jaun Energie AG a également reçu une décision d’assainissement, qui doublera le débit d’ici à septembre 2013, le portant à 200 litres/seconde. Une décision est en cours de négociation pour l’usine de La Tzintre Energie SA, à Charmey.

Restent l’assainissement de la Sarine en aval du barrage de Lessoc ainsi qu’un captage d’eau sur le cours de la Glâne, entre Ecublens et Rue. «Il faudra vérifier dans quelle mesure certaines petites installations sont déjà proches des normes prévues par la loi», informe Christophe Joerin, chef de la section Lac et cours d’eau à la DAEC.

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