PAR THIBAUD GUISAN
L’athlète a changé de nom et de nationalité, mais pas de tempo. Maryam Jamal – Tola Zenebech de son nom éthiopien – a remporté samedi sa troisième Corrida bulloise, après ses succès de 2003 et de 2004. L’athlète qui défend les couleurs de Barhein depuis 2005 a coupé la ligne d’arrivée exactement dans le même temps qu’en 2004: 19’37!
Revenue à Bulle avec un nouveau statut – double championne du monde du 1500 mètres, médailllée de bronze aux jeux Olympiques de Londres – Maryam Jamal, 28 ans, était attendue dans les contours du centre-ville. Après avoir posé à côté de la vachette Flavia, promise à la lauréate, elle s’excusait presque de ne pas avoir fait davantage le spectacle. Calée dans les pattes de ses concurrentes durant neuf des dix tours (de 600 m), la gazelle a placé une attaque décisive à l’entame de la dernière boucle. «Je n’avais pas le choix, il fallait jouer tactique», souriait-elle dans l’aire d’arrivée.
Maryam Jamal, qui réside plusieurs mois par année à Lausanne et à St-Moritz, relègue à six secondes ses deux premières poursuivantes, les Kényanes Cynthia Kosgei et Jane Muia (lauréate de 2009 à 2011). Détentrice du record (19’05 en 2006), Caroline Chepkowu termine 5e en 19’53. «Cette victoire était plus dure à obtenir que celles de 2003 et de 2004, glisse Maryam Jamal. Cette année, je n’avais pas préparé spécifiquement la Corrida. Je ne suis pas à 100%. Après les jeux Olympiques, j’ai pris une pause. J’ai repris l’entraînement il y a deux mois, à la mi-septembre.»
Priorité à l’Europe de l’Est
Maryam Jamal, qui restera en Suisse jusqu’à la fin de l’année, fait du cross sa priorité. «Pour entraîner l’endurance, c’est une discipline très importante. Cela aide sur la piste.» Le 24 mars prochain, elle participera aux championnats du monde de la spécialité en Pologne, avec l’objectif de terminer «au moins parmi les dix premières». Une autre grande échéance l’attend: les championnats du monde d’athlétisme de Moscou (10 au 18 août 2013). Après ses titres mondiaux de 2007 et de 2009, elle visera un triplé historique sur 1500 mètres.
Valérie Lehmann 10e
Seule Fribourgeoise de la course élites dames, Valérie Lehmann a fait sa course derrière le peloton de tête. A la clé, une belle 10e place. «Maryam Jamal n’a peut-être pas le plus beau style de course, notamment avec les bras, mais elle est tellement rapide…», souffle la Singinoise, elle aussi spécialiste du 1500 mètres sur piste.
Vice-championne de Suisse cette année, Valérie Lehmann tentera de reconquérir l’or en 2013. Un titre qu’elle avait obtenu en 2007 et en 2010. «Cette saison, j’ai été gênée par plusieurs blessures, notamment à la cuisse», note la Singinoise, déjà en phase d’entraînement foncier pour la prochaine saison de piste.
A 32 ans, Valérie Lehmann a encore un dernier grand objectif dans sa carrière: décrocher une qualification pour les championnats d’Europe 2014, à Zurich. «Les minima n’ont pas encore été fixés. Ils devraient se situer entre 4’13 et 4’12. Mon record est à 4’13’83.» La Singinoise, qui suit une formation d’entraîneur à Macolin (à 60%) sait qu’elle a du pain sur la planche.
Chez les élites hommes
Tadesse Abraham devra revenir s’il entend s’imposer une troisième fois dans la Grand-Rue bulloise.Vainqueur l’an dernier et en 2008, l’Erythréen de 30 ans a dû se contenter d’une troisième place samedi. Ce n’est donc pas en 2012 qu’il deviendra le deuxième coureur le plus titré de la Corrida bulloise (derrière Pierre Délèze et ses sept succès).
Après huit boucles d’un kilomètre, la victoire est revenue à un surprenant Ethiopien de 17 ans, Tsegaye Mekonnen (photo), vainqueur en 23’07. Le champion faisait partie d’un drôle de convoi parti la veille du Portugal et arrivé en Gruyère vers une heure du matin, après quinze heures de route. Au volant de la voiture, le manager et athlète Hugo Pinto. Autre passager: son épouse, Clarisse Cruz. Spécialiste du 3000 mètres steeple – elle a participé aux jeux Olympiques de Pékin et de Londres – l’athlète de 34 ans prendra la septième place de la course élites dames.
Si le manager Pinto, 28 ans, a abandonné après deux kilomètres, son poulain Mekonnen a forcé la décision dans le dernier tour. «Ce n’est pas étonnant, coupe Hugo Pinto. Tsegaye est un grand talent. Dans deux à trois ans, ce sera le meilleur. Cet été à Barcelone, il a terminé 5e du 5000 m des championnats du monde juniors d’athlétisme (en 13’44’’43). C’était sa première course internationale. La semaine dernière, il a couru en Espagne, sur 10 km. Il s’est facilement imposé face à de nombreux Ethiopiens.» Après la course gruérienne, le convoi reprenait la route. Direction Paris, où Mekonnen devait courir un cross dimanche.
Le défi japonais de Röthlin
A Bulle, le titre de meilleur Suisse est revenu au Bernois Philipp Bandi, 11e en 23’45 (lire ci-contre). Viktor Röthlin termine sur ses talons, en 13e position (23’46). «Je suis content, car j’ai couru juste en dessous de trois minutes au kilomètre, commente le champion d’Europe de marathon 2010. Actuellement, c’est ma limite.» L’Obwaldien de 38 ans s’est fixé un objectif japonais pour le début de l’année prochaine: «Je participerai soit au marathon de Tokyo (le 24 février) soit à celui de Lake Biwa (4 mars), aussi au Japon. J’ai beaucoup de travail. L’autre objectif de la saison sera le Marathon de New York (3 novembre), si l’inscription est possible.»
Pour rappel, le marathon des championnats d’Europe de Zurich, en 2014, constitue le dernier objectif de la carrière de l’Alémanique.
En cette fin d’année, Viktor Röthlin courra à Bâle, à l’Escalade de Genève et à Zurich. Avant de partir trois semaines au Kenya début 2013. «Je suis à un stade de préparation où je fais surtout de la vitesse. Je peux m’entraîner seul dans la forêt. Mais c’est plus facile de le faire avec un dossard devant un public nombreux et chaleureux.»
Michel Brügger déçu
Côté fribourgeois, Andreas Kempf (Heitenried) s’est montré le plus rapide (24e, 24’52), devant Michel Brügger (TV Bösingen), 27e en 25’20. «Je suis un peu déçu, car je suis une minute plus lent que l’année dernière», note celui qui a terminé 7e et meilleur Suisse du dernier Morat-Fribourg. «Je manque de vitesse. Il me faudra une ou deux courses pour retrouver mes sensations.»
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