PAR JEAN GODEL
Le 30 août, la veille de l’inauguration des caves de la Tzintre, une explosion due au gaz endommageait le complexe commun à la Société de laiterie de Charmey et à la Coopérative fribourgeoise de producteurs de fromages d’alpage. Surtout, elle tuait un ouvrier de 33 ans et en blessait quatre autres, dont trois grièvement. Rapidement, il a pu être établi que l’accident était dû à une erreur humaine. Le point sur la situation.
L’enquête
Deux des quatre blessés ont pu rentrer chez eux. Un troisième est toujours hospitalisé à Lausanne alors qu’il est question de transférer le dernier de Zurich à Sion. Porte-parole du Ministère public (MP), Raphaël Brenta précise qu’une procédure pénale a été ouverte contre inconnu ainsi que contre une personne déterminée (il ne peut pas s’agir du défunt) pour homicide par négligence, lésions corporelles graves par négligence et explosion par négligence.
Le MP ajoute que plusieurs auditions de témoins, nécessaires à la clôture de l’enquête, n’ont pas encore pu être menées. Par ailleurs, la Société de laiterie de Charmey s’est portée partie civile de même que la famille d’une victime en qualité de lésée. Des démarches qualifiées de moins importantes par Raphaël Brenta, les infractions retenues étant poursuivies d’office.
Sur le plan humain, tous les acteurs se disent marqués par le décès de l’ouvrier fribourgeois et les souffrances des blessés et de leurs proches. Au nom de la Coopérative qu’il préside, André Remy a écrit à la famille du défunt pour lui dire son émotion et sa sympathie. «On lui a aussi envoyé un petit peu d’argent.»
Les réparations
Les travaux vont bon train et le lancement de la fromagerie est confirmé pour décembre: «Entre le 5 et le 10, estime Jean-Paul Meyer, président de la commission de bâtisse. Jusqu’à présent, tout le monde a dit pouvoir tenir les délais.»
Les plus gros travaux concernent la chaufferie, mais aussi la ventilation et des éléments inox pour la production de fromage attaqués par la fumée. Toutefois, le nettoyage a été rapidement exécuté. Et le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) a procédé à de nombreux prélèvements sur les tôles. «Ainsi, tout n’a pas dû être remplacé», explique Jean-Paul Meyer.
Dans la chaufferie où l’explosion a eu lieu, on procède à l’installation de la nouvelle chaudière à gaz qui servira à régler la température des locaux et à alimenter en chaleur la fabrication du fromage. Les derniers éléments de la fromagerie sont eux aussi en cours d’installation.
Toutes les pièces commandées à la suite de l’accident ont été livrées. Le bâtiment étant terminé, il a fallu adapter les plus gros éléments dont l’accès n’était plus possible – le cas pour un récupérateur de chaleur et un boiler. La cuve transférée en juillet de la fromagerie de Charmey ainsi qu’une autre, d’occasion, pour le vacherin n’ont pas été touchées. Mais la neuve, posée sur des pieds ancrés au sous-sol, a été soulevée. Elle est aujourd’hui réparée.
Une incertitude demeure et concerne le toit: des tôles porteuses ont été descellées de même qu’une poutre fixée dans le béton. Les sondages de l’Empa n’ont rien révélé. «Mais il faudra examiner certaines structures cachées», reconnaît Jean-Paul Meyer. Pour garantir l’étanchéité, il faut attendre le retour du printemps. «Mais cela ne remet pas le lancement de la fabrication en question.»
Qui paie quoi?
Vu la complexité du cas, le mandat du bureau Chardonnens et Corminboeuf Ingénieurs Conseils à Domdidier a été prolongé. C’est lui qui a conçu le bâtiment. Guy Chardonnens estime pour l’heure les dégâts entre 1,2 et 1,3 million. L’ECAB devrait prendre à sa charge la moitié de la facture (bâtiment et chauffage), le solde incombant à l’assurance construction, le chantier n’étant pas terminé.
«Sans cette dernière assurance, non obligatoire mais que nous imposons lors de grands chantiers, nous n’aurions pas pu entamer les réparations», estime Guy Chardonnens. Les assurances privées des différents acteurs du chantier pourraient aussi être sollicitées.
Demeureront sans doute quelques «bagarres» accessoires, comme pour le matériel endommagé des entreprises ou le château gonflable prévu pour l’inauguration, criblé de verre. Tout le monde attend aussi que les responsabilités soient établies. Un expert en assurances a d’ailleurs été engagé en vue d’un éventuel règlement global.
Les caves à fromage
Rapidement, il a pu être établi que les quelque 7000 meules des producteurs d’alpage et les 150 autres de la laiterie de Charmey déjà stockées le 30 août n’ont souffert ni de la fumée ni de la chaleur: «Les portes coupe-feu et la ventilation indépendante ont rempli leur rôle», confirme Silvio Kaeser, fromager de la laiterie de Charmey.
Seule l’interruption durant deux semaines des climatiseurs a donné quelques sueurs froides. Mais au final, rien de grave, assure Silvio Kaeser: les fromages se présentent bien avant la taxation de la fin novembre. «Toutes les analyses effectuées sont en ordre», complète André Remy.
Le manque à gagner
Avec une seule cuve opérationnelle, les agriculteurs associés à la laiterie de Charmey livrent chaque jour environ 4000 kilos à Milco au prix du lait d’industrie (autour de 51 ct par kilo contre 81 ct pour le lait de fromagerie). «A la fin 2012, il manquera environ 600 gruyères», estime Silvio Kaeser. Soit moins de 22 tonnes sur les 180 du quota de la laiterie. Heureusement, l’Interprofession du gruyère vient de confirmer le report à l’an prochain du quota non fabriqué cette année.
La laiterie livre aussi un peu moins de 300000 kilos de lait hors quota par an à l’industrie. Pour 2012, ce chiffre sera logiquement revu à la hausse: rien que pour octobre, ce sont 95000 kilos de lait qui ont suivi cette filière. Silvio Kaeser avance un total de 250000 kilos supplémentaires d’ici à la fin de l’année.
La fromagerie risque donc de tourner très vite à plein régime, même si l’exercice est risqué. Histoire de combler un peu son retard. Jusqu’à 24 meules pourront sortir de ses cuves, contre 16 auparavant et huit depuis le transfert d’une cuve dans les nouveaux locaux. Enfin, aucune inauguration n’est prévue, par respect pour les victimes.
Ajouter un commentaire