PAR CHRISTOPHE DUTOIT
Depuis une semaine, Silvio Kaeser (patronyme prédestiné pour un fromager!) fabrique ses gruyères et ses vacherins fribourgeois dans ses nouvelles installations sur le site de La Tzintre, à la sortie de Charmey. Retardée après l’explosion de la chaudière du bâtiment, la production fonctionne désormais normalement. «Durant trois mois, nous n’avons travaillé qu’avec une seule chaudière et une partie de notre lait a été vendu à l’industrie, explique Robert Repond, président de la Société coopérative de laiterie de Charmey. Les producteurs ont subi des pertes (le kilo de lait leur étant payé 50 centimes, contre 82 centimes pour le gruyère) et nous discuterons d’un remboursement du manque à gagner avec l’assurance. Quant à la production de meules de gruyère, elle sera compensée en 2013.»
La laiterie de Charmey est une coopérative qui réunit une vingtaine de producteurs, auxquels viennent s’ajouter une poignée de producteurs occasionnels (surtout durant l’estive). Sur les 2,5 millions de kilos produits, environ 2,2 mio sont transformés en gruyère. Par rapport à l’ancien bâtiment au Village-d’Enhaut, la nouvelle infrastructure permet le stockage de 900 fromages. «Après vingt ans de recherches, nous avons trouvé cette solution, rappelle Robert Repond. Certains producteurs regrettent de ne plus couler au village, mais ils finiront par s’habituer.»
Avec son installation de livraison couverte et sa grande place pour manœuvrer les véhicules, le site de La Tzintre paraît en effet bien plus accessible et parfaitement adapté aux exigences actuelles. «En revanche, le magasin va rester au Village-d’Enhaut et nous réfléchissons encore à l’affectation à donner aux bâtiments inutilisés. Quant aux anciennes installations de la laiterie, elles seront bientôt mises en vente.»
Très bonne qualité
Copropriétaire du site de La Tzintre, la Coopérative fribourgeoise des producteurs de fromages d’alpage n’a pas directement été touchée par l’explosion. «Nous avons souffert des problèmes de ventilation qui ont suivi le drame, indique son président André Remy. Nous avons vécu quatre semaines sans climatisation et nous avons connu de petits problèmes sur l’aspect extérieur des fromages, notamment à cause de l’apparition d’oïdium sur certains lots.» Des soucis qui n’ont cependant pas empêché la coopérative de passer haut la main la première pesée, en novembre, avec une moyenne exceptionnelle de 19,16 points (sur 20) et une proportion de 73% des fromages en dessus de 19 points.
Cette saison, la coopérative de La Tzintre a acheté aux producteurs environ 85 tonnes de gruyères d’alpage et 40 tonnes de vacherins fribourgeois d’alpage. «Près de 40% de la production de gruyère partira à l’exportation», note André Remy, qui relève une nouvelle collaboration avec le mouvement Slow Food (notamment pour le vacherin).
«Erreur humaine»
Répartis entre la laiterie (environ 60%) et la coopérative (40%), les investissements ne devraient pas dépasser les 10 millions de francs, comme prévu. Quant aux coûts liés à l’accident du 30 août, ils avoisinent 1,5 mio, pris en charge pour une part par l’ECAB et pour l’autre par l’assurance «travaux de construction» contractée par le maître d’ouvrage. Qui devrait se retourner contre l’entreprise fautive, car, comme le confirme Jean-Paul Meyer, président de la commission de bâtisse, «l’enquête semble confirmer qu’il s’agit d’une erreur humaine, commise par l’un des quatre rescapés de l’explosion».
Des rescapés qui connaissent des sorts bien différents. Si l’ouvrier fromager n’a subi qu’une «épilation du corps» et qu’il travaille normalement à la laiterie, deux autres blessés ont des séquelles aux mains et aux yeux. «Quant au sort de l’homme le plus grièvement touché, sa famille ne désire pas communiquer sur son état de santé», rapporte Jean-Paul Meyer.
Reportées en raison des circonstances, les portes ouvertes prévues en septembre seront reprogrammées au printemps. Enfin, il reste encore à la coopérative à trouver une solution financière pour réhabiliter ses anciennes caves, dont elle est locataire. «Nous voudrions en faire un lieu d’accueil pour les clients et les touristes, explique André Remy. Nous allons approcher l’Office du tourisme et diverses autres personnes pour trouver le financement nécessaire.»
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