PAR DOMINIQUE MEYLAN
Les infirmiers indépendants, comme les services de soins à domicile, sont très sollicités avec la réduction des durées d’hospitalisation, la multiplication des opérations ambulatoires et le nombre croissant de personnes âgées. Ils ne sont pas davantage rétribués pour autant.
Dans un communiqué, ils dénoncent une détérioration de leur situation depuis l’introduction du nouveau financement des soins. D’une part, les assurances rechignent à les payer au juste tarif. D’autre part, le canton ne leur offre aucun financement résiduel.
«Nous travaillons plus pour gagner moins», résume Denise Maradan, infirmière indépendante dans le canton. La pression exercée par certaines caisses maladie serait particulièrement forte. Les infirmiers voient leurs factures souvent remises en cause. Même s’ils en justifient le montant, le remboursement est parfois refusé ou ramené à un tarif plus bas.
Denise Maradan a dû engager un avocat. Elle n’est pas la seule: cinq procédures seraient actuellement en cours dans le canton.
L’aspect humain des soins est peu pris en compte. «Les assurances estiment que les personnes n’ont pas besoin de tous ces conseils», explique Gérard Villarejo, membre de la commission de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) Fribourg pour les indépendants. «Elles nous disent: vous avez le temps de parler quand vous faites un pansement.»
Crise d’angoisse
Denise Maradan prend pour exemple le cas d’une dame avec un problème cardiaque, qui vit seule. Un jour, elle panique. Ses enfants demandent l’intervention d’une infirmière. Cette dernière passe une heure à calmer la patiente, appelle le médecin, la famille. Au final, l’angoisse passe. «Nous n’osons pas facturer, parce que nous savons que nous ne serons pas remboursés, rapporte Denise Maradan. C’est pour notre poire. Nous faisons du bénévolat.»
Selon les infirmiers indépendants fribourgeois, plusieurs caisses sont concernées. Mais une assurance se montrerait particulièrement zélée. Il s’agit de la CSS. La situation se serait nettement dégradée depuis l’introduction du nouveau régime de financement des soins.
La CSS conteste. «Nous n’avons connaissance d’aucun cas», affirme Carole Sunier, chargée de communication. L’assurance, qui a des réunions régulières avec l’ASI, jure que la problématique n’a jamais été évoquée. L’ASI prétend le contraire. La CSS se dit prête à entrer en discussion sur des cas concrets. Elle estime ne pas être plus sévère que les autres caisses. «La CSS applique les mêmes prescriptions légales», souligne Carole Sunier.
Ce conflit pourrait finir par atteindre les assurés. Denise Maradan avoue réfléchir à deux fois avant d’accepter des patients assurés à la CSS. Cette volonté de rogner chaque minute de conseil dissuade de prendre du temps pour écouter et rassurer. «Il faut aimer son job, rapporte Denise Maradan. Heureusement que nous pensons d’abord au bien-être des patients.»
Discussions avec le canton
Les infirmiers indépendants dénoncent un autre point noir. Le canton de Fribourg ne leur octroie aucun financement résiduel. Selon les statistiques de l’ASI, les tarifs de l’assurance obligatoire des soins ne couvrent que 70% des coûts environ. Pour compenser cela, les cantons peuvent octroyer un financement résiduel.
Fribourg a décidé de ne pas le faire en 2011. Un recours a été déposé. Le Tribunal fédéral n’a pas donné tort au canton, mais il lui a malgré tout demandé de revoir sa copie.
«Nous sommes en train d’analyser la situation», affirme Anne-Claude Demierre, directrice de la Santé et des affaires sociales. Le canton serait prêt à réétudier sa position. Une première réunion a eu lieu en décembre avec des représentants des infirmiers indépendants.
Les discussions sur le montant de ce financement risquent d’être serrées. Canton modèle, Berne accorde 34 francs. L’ASI estime les besoins entre 20 et 40 francs de l’heure en moyenne suisse. Les infirmiers indépendants fribourgeois souhaitent également que le tarif soit rétroactif, à compter du 1er juillet 2012.
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