PAR THIBAUD GUISAN
«Même ma famille au Canada en a entendu parler.» Kiwi a la banane. Mais il ne cache pas son étonnement. Posément, Joel Kwiatkowski – de son nom complet – sourit du buzz qu’il a créé.
Car la Kiwi Dance, c’est lui. Cette chorégraphie que les joueurs de Fribourg-Gottéron entreprennent désormais après chaque victoire à domicile. Le dandinement des Dragons fait désormais le tour du pays, voire du monde, depuis qu’il a été présenté à la Coupe Spengler de Davos. «Il ne faut pas voir ça comme une provocation, s’excuse presque le défenseur. C’est juste une danse pour nos fans.»
Arrivé cet été du CP Berne – que Gottéron affronte demain soir à Fribourg – Kiwi s’est d’abord produit en solitaire, avant d’entraîner ses coéquipiers dans la danse, dès la fin novembre. «Tout est parti de notre première victoire à domicile. J’ai entendu cette chanson et j’ai vu Bykov et Mauldin bouger dans le rythme. Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire.»
Clown du vestiaire, jovial et un brin déjanté, le chorégraphe est loin de faire le singe sur la glace. Pour preuve, les ravages de son tir surpuissant, décoché de la ligne bleue.
A 159 km/h à 18 ans
Le Canadien de 35 ans a déjà trouvé la faille à onze reprises, dont huit fois en supériorité numérique. Ironie de l’histoire, c’est le 2 octobre, lors d’une victoire à domicile contre… Berne, qu’il a marqué son premier but. Le dernier est tombé samedi dernier lors de la victoire sur Ambri-Piotta. «Il n’y a pas de secret. J’entraîne simplement ce tir depuis tout petit. L’été, je participais à des camps de gardiens. J’ai dû balancer des dizaines de millions de pucks. A 18 ans, lors d’une compétition en juniors, on avait mesuré mon shoot à 98,7 miles par heure (n.d.l.r.: soit près de 159 km/h). Mais c’était avec une canne en bois…»
Partenaire de défense de Kiwi depuis novembre, Marc Abplanalp apprécie. «Il a un bon slap shot. On le voit rarement tirer du poignet, mais il ne faut surtout pas qu’il change (rires).»
Joel Kwiatkowski a retrouvé la confiance après deux dernières saisons en demi-teinte à Berne. Kiwi tente d’expliquer sa métamorphose. «Sur le plan technique, la seule chose qui a changé c’est que j’ai pu réutiliser ma marque de canne habituelle. Pour le reste, j’ai davantage de liberté. A Berne, la tactique reposait sur un jeu défensif assez strict. Le hockey était moins créatif. A Fribourg, nous avons d’excellents joueurs offensifs qui aiment prendre des risques. Pour le moment, ça paie.»
De son côté, Joel Kwiatkowski (184 cm pour 92 kg) a toujours été un défenseur offensif. «Peut-être parce que je ne voulais pas choisir», sourit celui qui a aussi épisodiquement joué comme ailier. Notamment en NHL, avec les Florida Panthers.
Juste derrière Sprunger
Le Canadien est aujourd’hui le deuxième buteur de l’équipe (à égalité avec Gamache et Dubé), derrière Sprunger (14). «Bien sûr que ça m’a fait plaisir. Depuis l’arrière, on voit un peu mieux les espaces. On est cachés.»
Pas pour très longtemps. Depuis ses coups d’éclat, le défenseur reconnaît qu’il est de plus en plus surveillé par… les défenses adverses. «Ça peut être positif, parce que mes coéquipiers ont davantage d’espace, particulièrement en supériorité numérique.»
Indésirable à Berne, Joel Kwiatkowski est devenu la coqueluche du public fribourgeois. Une belle revanche? «Je savoure, sans rancœur. Je me sens bien dans le vestiaire de Fribourg. On est tous sur la même longueur d’onde.»
Un esprit d’équipe symbolisé par la désormais fameuse Kiwi Dance.
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Un pionnier de la KHL
Joel Kwiatkowski est né dans la province canadienne de Saskatchewan. Une terre d’émigrés. Le hockeyeur a d’ailleurs un grand-père polonais et une grand-mère ukrainienne, partis outre-Atlantique. Marié à une Américaine et père de trois enfants (de 8 ans, 6 ans et 9 mois), Kiwi a aujourd’hui un pied-à-terre aux Etats-Unis.
Le défenseur a pas mal bourlingué. Outre près de 300 matches de NHL (avec Ottawa, Washington, Florida, Pittsburgh et Atlanta), il a la particularité d’avoir disputé les deux premières saisons de la KHL, de 2008 à 2010. Un esprit de pionnier qui l’a amené à jouer avec Tcherepovets et Saint-Pétersbourg. «C’était difficile de quitter la NHL. Mais j’avais de la peine à trouver un bon endroit pour jouer. Et ça me donnait l’occasion de découvrir un autre championnat.» Le Canadien n’a pas été déçu. «En KHL, il y a bien des tactiques d’équipe. Mais les joueurs ont de telles qualités individuelles qu’il y a davantage de place pour l’improvisation qu’en NHL.» Le Canadien a un peu moins goûté à la vie hors de la glace. «La Russie est en transition. Le pays passe d’une société très stricte et très organisée à davantage de liberté. Ça prend du temps.»
Après une bonne première saison en KHL, Kwiatkowski a disputé les championnats du monde avec le Canada, en 2009, en Suisse. A la clé, une deuxième place, après une défaite en finale
2-1 face à la Russie. «Faire partie de l’élite du hockey, c’était très fort.» TG
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