Construire des immeubles en bois est devenu un standard

| jeu, 07. fév. 2013
Les prescriptions ne pénalisent plus la construction bois. Les progrès garantissent une sécurité optimale. Des immeubles jusqu’à six étages peuvent être en bois.

PAR JEAN GODEL


Le bois est intimement lié au feu. C’est son drame. Marqués par des incendies qui ont ravagé des villes et des villages entiers – rien que dans la région, citons ceux de Bulle, Broc, Albeuve ou Neirivue – les hommes ont cherché d’autres matériaux. Et logiquement, le XXe siècle a célébré l’acier et le béton. Pourtant, le bois revient aujourd’hui en force, notamment à la faveur des évolutions techniques et des nouvelles exigences en matière d’écologie. Reste cette peur ancestrale du feu, difficile à réduire en cendres.
Et pourtant, si le bois brûle (même dans les bâtiments modernes), il brûle lentement et régulièrement. Son comportement en cas d’incendie est donc parfaitement prévisible: pas de rupture brusque de ses capacités porteuses. Des essais grandeur nature l’ont montré.
Invité vendredi, dans le cadre du Salon Bois (Espace Gruyère, Bulle), à un forum sur «La chance du bois dans la densification du bâti urbain», Jean-Pierre Jungo est l’inspecteur cantonal du feu à Fribourg. Pour lui, l’un des accélérateurs de ce regain d’intérêt pour le bois a été l’introduction, en 2005, des Prescriptions de protection incendie obligatoires de l’AEAI, l’Association des établissements cantonaux d’assurance incendie. Juridiquement contraignantes, elles définissent les principes de protection incendie en matière de construction: «Elles sont les mêmes partout en Suisse, aucun canton ne peut être plus ou moins sévère», insiste Jean-Pierre Jungo.


Le choix des matériaux
Cette norme est valable pour tous les matériaux, lesquels sont classés sur la base d’essais normalisés sur la résistance au feu: «Les prescriptions disent les exigences. Ensuite, c’est aux planificateurs de choisir les matériaux permettant de les atteindre, bois ou autre», explique l’inspecteur cantonal du feu.
En fait, l’AEAI exige une résistance au feu allant de trente à 180 minutes selon l’utilisation des bâtiments. Le bois est admis lorsqu’une résistance jusqu’à une heure est nécessaire. Au-delà, il faut passer à d’autres matériaux – c’est par exemple le cas des hôpitaux, lieux de séjour de personnes à la mobilité trop entravée. Mais cela autorise tout de même la construction en bois jusqu’à six étages, que ce soit des logements, des bureaux ou des écoles.


Petite révolution
Et c’est une petite révolution! Auparavant, les exigences en matière de construction en bois variaient d’un canton à l’autre. Les permis de construire étaient plus difficiles à obtenir, un vrai parcours du combattant: «On en venait au béton par obligation», résume Jean-Pierre Jungo. Ou alors, on bricolait, surtout les particuliers. Une plaque de plâtre et hop! Avec parfois pour résultat des incendies catastrophiques qui entretenaient la mauvaise image du bois.
Si les prescriptions disent les objectifs, c’est à Lignum qu’il incombe de dire comment les atteindre. L’organisation faîtière de l’économie suisse de la forêt et du bois a ainsi produit une documentation touffue qui donne l’état de la technique en la matière. Un savoir régulièrement mis à jour. «Construire en bois n’est plus une exception, certifie Denis Pflug, du service technique de Lignum. Tous les outils sont à disposition du maître d’ouvrage qui veut du bois.» Lignum assure d’ailleurs un appui technique aux professionnels intéressés.
Pouvoir construire en bois des bâtiments jusqu’à six étages a ouvert dès 2005 des perspectives immenses. «En maison individuelle, tout est possible», affirme Jean-Pierre Jungo. Pour les bâtiments multiétages, le potentiel est lui aussi énorme. Tout cela sans le moindre compromis sur la sécurité. L’inspecteur cantonal évoque le futur complexe de la Landi à la route de Riaz, à Bulle, avec un magasin, des bureaux et des logements sur six étages: «Toute la chaine des intervenants a en tête le concept de protection incendie. Du coup, je me sens bien plus sûr sur ce dossier quand bien même tout sera en bois. Si toutes les exigences sont respectées, la protection incendie est garantie.»

 

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Le bois a tout pour réussir
En 1931 déjà, le besoin de convaincre les architectes de ne pas limiter le bois aux seuls chalets a poussé à la création de Lignum, l’organisation faîtière de l’économie suisse de la forêt et du bois. Mais les mentalités ont été lentes à évoluer. Par le passé, les experts de Lignum allaient en Scandinavie et en Autriche constater les progrès. Des essais en laboratoire ont aussi démontré les qualités du bois. Aujourd’hui, avec les avancées techniques et le coup de fouet de l’introduction, en 2005, des prescriptions de protection incendie obligatoires, la Suisse a rattrapé son retard: «A présent, ce sont les Scandinaves qui viennent nous voir, assure Jean-Pierre Jungo, inspecteur cantonal du feu à Fribourg. La Suisse est devenue pionnière.»
Le contexte y est désormais favorable, avec un temps d’avance outre-Sarine, notamment en matière d’immeubles à plusieurs étages. La sensibilité écologique y est plus ancienne, notamment au sein de coopératives d’habitation rassemblant des familles soucieuses d’harmonie avec la nature. Résultat: le bois y représente environ 3% des bâtiments multiétages neufs, estime Denis Pflug du service technique de Lignum. La Suisse romande, elle, se réveille, à l’exemple du projet Landi à Bulle ou de ce groupe de deux immeubles de 80 appartements à Martigny.
La configuration s’améliore aussi dans le milieu de la construction, avec la naissance de grandes entreprises capables de réaliser de tels bâtiments: «Le bois exige une expertise», insiste Denis Pflug. C’est donc aux charpenteries d’évoluer vers le multi-étages, non aux entreprises de maçonnerie. La fusion, le 1er janvier, de JPF Charpentes avec le Vaudois Ducret Orges (JPF Ducret SA) donne le ton.


Un immense Lego
Car la construction de grands immeubles en bois est un immense Lego: les pièces doivent être préfabriquées en atelier avant d’être acheminées sur le chantier pour y être montées. Les avantages sont nombreux: construction sèche (bâtiment immédiatement disponible), précision du travail, rapidité de montage… En contrepartie, construire en bois exige une planification précise en amont et une parfaite coordination de tous les corps de métier, auxquels il faut des compétences particulières, mais surtout une envie du bois: «C’est une autre technique», résume Denis Pflug.
Aujourd’hui, toujours plus d’architectes et d’ingénieurs ont acquis les compétences et sont ouverts au bois. Et pour couronner le tout, les prescriptions légales ont accompagné le mouvement. Le bois a donc tout pour réussir. Reste à convaincre les maîtres d’ouvrage, encore trop peu conscients de son potentiel.
Quant au coût de la technique bois, si le mètre carré peut être plus cher, la rapidité de construction permet une mise en location bien plus rapide. «A qualité égale, les prix se valent», estime Denis Pflug. Alors, à vos marques, prêts, feu! JnG

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