PAR KARINE ALLEMANN
Notion parfois boudée des grandes compétitions, le plaisir était quasiment omniprésent à l’arrivée du Trophée des Gastlosen. Illustration parfaite avec Vincent Mabboux, prétendant à la victoire et troisième au final, avec comme coéquipier un Didier Moret en souffrance. Quand on lui demande s’il est déçu de son rang, le Charmeysan lève les sourcils, presque outré de la question. «Déçu? Evidemment que non! On a passé une journée magnifique.» Las! pour les préjugés sur les skieurs-alpinistes avi-des de compétition et de résultats. Il faut dire que cette 21e édition s’est déroulée dans des conditions de rêve. Qu’ils soient ultrarapides comme les vainqueurs français Idris Hirsch et Léo Viret ou plus dilettante comme la dernière équipe à franchir la ligne d’arrivée à Bellegarde, tous ont visiblement pris leur pied dimanche. Les meilleures équipes racontent.
Deux avions de chasse français
Annoncés très forts, les deux jeunes Français Idris Hirsch et Léo Viret ont tenu leur rang. Vainqueurs en un temps référence de 2 h 21’33, les tricolores ont très vite écrasé la concurrence. «Par rapport à nos poursuivants locaux, on avait le désavantage de ne pas trop connaître le tracé», souligne Idris Hirsch, Haut-Savoyard de 22 ans, étudiant en soins infirmiers à Sion. «Comme on a pris de l’avance d’entrée, on a moins attaqué dans les descentes pour éviter la chute bête ou la casse de matos.»
Les deux amis étaient aussi aux Mondiaux de Pelvoux, où Hirsch s’est classé 7e espoir (22e scratch) de la verticale, et Viret 6e espoir en individuel (19e scratch). Comment les deux Français se sont-ils retrouvés au départ de Bellegarde? «Nous étions venus l’année où la course était au calendrier de la Coupe du monde, explique le premier. Et puis, c’est une course très connue en Haute-Savoie. On voulait se faire plaisir.»
«Et gagner la course!» précise Léo Viret. Hirsch de poursuivre: «C’est super bien organisé. Et la majorité des populaires sont vraiment compréhensifs. Ils nous laissaient passer sans problème et en plus ils nous encourageaient!»
Remy attend son heure
Déjà deuxième en 2012, Cédric Remy a décroché le même rang dimanche, à un peu plus de deux minutes des vainqueurs (2 h 23’43). Il faisait équipe avec Marcel Theux, membre du Swiss Team. Les deux hommes ont-ils eu des chances de revenir sur les premiers? «Marcel a été malade toute la semaine dernière, explique le charpentier de Charmey. Il n’a pas pu participer aux Mondiaux de Pelvoux et il n’était pas encore à 100%. Avec Marcel en forme, peut-être qu’on aurait eu plus de chance. Mais, aujourd’hui, les deux Français étaient vraiment très forts.» De quoi être frustré de ce deuxième rang? «Non, on a fait une super course. Et puis, j’ai 25 ans. J’ai encore le temps!»
Très en forme actuellement – il a remporté la TSF Millet la semaine précédente, une course à étapes en France de plus de 5000 m de dénivelé – Cédric Remy participera aux championnats de Suisse par équipe organisés lors de l’Intégrale du Rogneux, en Valais, le week-end prochain.
Moret et Mabboux jouent à l’élastique
Le sourire vite retrouvé dans l’aire d’arrivée, Didier Moret raconte sa matinée houleuse. «Je me suis permis de rester devant lors des deux premières montées. Mais j’ai senti que j’avais mal digéré la première descente, très carton. Puis j’ai chuté où il ne fallait pas et j’ai vraiment accusé le coup dans la montée de la Wandflue. Tandis que Vincent était frais comme une rose!»
Du coup, les deux coéquipiers voulaient avoir recours à l’élastique. «Mais Vincent n’avait pas la sienne. Il a voulu récupérer la mienne, mais s’est retrouvé à brasser la poudreuse à côté de moi. Finalement, on s’est arrêtés et il a repris l’élastique. On n’était pas loin de Girard et Salamin (4es au final). Vincent a bien tracté et j’ai retrouvé du jus. On les a repris dans la montée du Régiment.»
Le duo visait-il la victoire? «De mon côté, je savais que j’aurais de la peine, avance Moret. Ou alors sur un malentendu…»
Homme en forme cet hiver, Vincent Mabboux sera également au départ du Rogneux samedi, où il fera équipe avec Steven Girard.
Deux dames en or
«Heureusement que Cécile m’a tirée dans la Wandflue. Sinon, j’y serais encore.» L’ancienne internationale de biathlon Caroline Kilchenmann peinait à reprendre son souffle, dimanche à Bellegarde. Avec sa coéquipière Cécile Pasche, membre du club veveysan Teysalpi tout comme elle, la jeune femme fêtait pourtant un deuxième succès de rang aux Gast. «J’ai trop attaqué dans la descente et je me suis retrouvée avec deux barres en acier au lieu des jambes», explique l’étudiante en droit de Cormagens, 29 ans.
Enseignante domiciliée à Maracon, Cécile Pasche est elle aussi passée par d’autres sports avant le ski-alpinisme. «C’était déjà lié à la montagne, avec de l’escalade et de l’alpinisme. C’est pour ça que j’aime tellement les Gast.»
Les deux femmes ont devancé deux autres membres du Teysalpi: Marlène Michel et Corinne Waridel (3 h 21’34).
De retour de Pelvoux
Tout auréolés de leur médaille décrochée aux Mondiaux juniors de Pelvoux, Rémi Bonnet (le bronze de la course individuelle) et David Brodard (l’argent par équipe) ont devancé de six minutes les deuxièmes Jérémy Pharisa et Baptiste Spicher. «Rémi est parti directement devant pour donner le rythme. Et moi, je me suis accroché», sourit David Brodard.Prochain objectif pour les deux Gruériens: le titre lors des championnats de Suisse par équipe au Rogneux. «Mais, avec tous les membres du Swiss team présents, ce sera dur», avance Rémi Bonnet. Qui pourrait bien s’avérer meilleur skieur que pronostiqueur, tant le duo semble sur un nuage cet hiver.
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«Allez les filles, vous y êtes presque!»
Dimanche, 8 h 25. Le second départ du grand parcours est imminent. Sur la ligne, j’échange les dernières recommandations avec ma coéquipière. «La deuxième paire de peaux est à portée de main? Et la gourde?» demande-t-elle. La pression monte. Les conversations se font plus rares, comme si les 2304 mètres de dénivelé positif qui nous attendent prennaient le dessus. Trois, deux, un, partez! Compact, le peloton s’élance à l’assaut du premier reck. Les skis s’entrechoquent, les bâtons s’emmêlent.
Nous entamons les premières conversions, qui nous rapprochent du couloir qui mène au sommet du Gratflue. A la fin du portage, les rayons du soleil réchauffent nos visages. Devant nous, la chaîne des Gastlosen se déroule. Magnifique et imposante.
S’ensuit une longue descente bosselée, mais dans une neige poudreuse. Le premier ravitaillement s’avère le bienvenu. Le temps de remettre les peaux de phoque, d’avaler deux quartiers d’orange et c’est reparti. La chaleur se fait peu à peu sentir. Elle est toutefois compensée par le panorama, digne d’une carte postale.
Deux heures se sont déjà écoulées avant que la Wandflue ne fasse son apparition. Alors que chaque muscle de mes cuisses se rappelle à mon bon souvenir, un skieur, comme pour nous narguer, amorce sa descente en effectuant de magnifiques virages dans la poudreuse, sourire aux lèvres! Je l’envie. Mais les applaudissements des spectateurs me redonnent vite du courage. «Allez les filles, plus que quinze minutes et vous y êtes!»
Grâce aux conditions d’enneigement exceptionnelles, la descente de la Wandflue se révèle presque un jeu d’enfant. Mais avec une pente pareille, gare à l’excès de confiance.
Avec un plaisir non dissimulé, nous remettons nos peaux de phoque une dernière fois pour affronter l’ultime montée. Direction le chalet du Régiment. Au loin, nous distinguons déjà les commentaires du speaker. Les encouragements se font de plus en plus nourris et nous donnent quasiment des ailes. «Vous pouvez presque y arriver en dessous de quatre heures», lance l’oncle de ma coéquipière. Ni une ni deux, on fonce. Plus que quelques mètres à parcourir et c’est la ligne d’arrivée. Satisfaction, bonheur, fatigue, tout se mélange. Au final, nous terminerons en 4 h 09. Ne reste plus qu’à apprécier une bonne bière, bien méritée. Angélique Rime
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