Dialoguer pour éviter le pire

| sam, 09. fév. 2013
Marion a été victime d’un accident lié à la prise de la pilule contraceptive. Elle revient sur les risques engendrés. D’où l’importance d’un échange entre médecin et patiente.

PAR DELPHINE NIEDERBERGER



Les récents cas tragiques en France et en Suisse alémanique ont remis au jour les risques, certes rares, mais gravissimes que peut engendrer la prise de la pilule contraceptive.
A côté de ces cas dramatiques ayant conduit à des handicaps lourds, il existe aussi des cas plus modérés, moins médiatisés, mais tout autant dangereux pour la santé.
Marion a eu plus de chance. La Touraine de 23 ans a souffert en 2008 d’un accident ischémique transitoire (AIT), provoqué par  un caillot de sang (thrombose) bouchant momentanément une artère irriguant le cerveau. L’accident est dû à la prise de la pilule Yasminelle.
A part une hypersensibilité sur le côté gauche du corps, elle ne porte pas de séquelle de cet accident. «Je prenais la pilule depuis environ un an et demi quand un jour, alors que je regardais la télévision, le côté gauche de mon corps s’est soudain paralysé. Après avoir été aux urgences à Riaz, on m’a tout de suite transférée au CHUV, à Lausanne.» La jeune fille, alors tout juste âgée de 18 ans, retrouve sa motricité après vingt-quatre à trente heures. Elle restera hospitalisée une dizaine de jours et il lui faudra près de six mois pour récupérer entièrement de l’AIT.


Une prescription à la hâte
Tout a commencé lorsque Marion décide de prendre rapidement la pilule. Ce n’est pas son gynécologue traitant qui la lui prescrit, mais un de ses collègues. «Cela s’est fait en cinq minutes, sans aucun contrôle.» Le spécialiste ne lui expose pas non plus les risques que peut présenter la prise du contraceptif. «Il m’a simplement remis la pilule avec sa notice d’emballage qui se présente sous forme de carnet explicatif. Mais quelle jeune femme de 16 ou 18  ans la lit vraiment? Sans parler de la comprendre.»
La Touraine se réjouit que l’on parle de plus en plus des risques liés à la prise de la pilule. Elle se refuse toutefois à toute panique généralisée. «La solution n’est pas d’interdire la pilule. Il ne faut pas oublier qu’elle a révolutionné la vie des femmes.»
Par contre, la jeune femme espère qu’avec la médiatisation du problème, les gynécologues procéderont à un entretien plus approfondi avec la patiente pour trouver le moyen de contraception adéquat. Un contrôle plus poussé pour écarter les facteurs favorisant les thromboses, qui peuvent mener à des accidents plus graves, serait également à privilégier.


Un marché lucratif
Les pilules de 3e et 4e génération, soit 88% des pilules contraceptives vendues en Suisse en 2012 selon Pharmasuisse, représentent un marché juteux pour l’industrie pharmaceutique.
Marion, après avoir témoigné à la télévision en 2009, reçoit un courrier de Bayer, fabricant de la Yasminelle. «Dans la lettre, ils disaient qu’ils prenaient acte de mon cas, mais que ce risque était clairement présenté sur la notice d’emballage. En gros, ils me disaient “tant pis pour vous”.»
Comme l’accident n’a pas provoqué de séquelles irréversibles et qu’elle n’a pas eu de soucis avec l’assurance pour la prise en charge des frais d’hospitalisation, elle n’a pas porté plainte contre le géant pharmaceutique. « Mais cette lettre était clairement un moyen de dissuasion», fustige-t-elle.


Proposer des alternatives
La pilule contraceptive reste un médicament et sa prise, comme celle de n’importe quel autre médicament, comporte des risques. Marion nuance: «Tu fais confiance au médecin car tu penses qu’il sait ce qui est bon pour toi. Tu ne remets pas en question son jugement lorsqu’il te prescrit des antibiotiques.» D’où l’importance de mettre l’accent sur le dialogue avec la patiente et de lui présenter les alternatives. Après son accident, la jeune femme a dû se tourner vers un contraceptif sans hormones.

 

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Des risques et des choix
La pilule et ses risques défrayent la chronique ces derniers temps. Pourtant, Louis Burgener, gynécologue à Fribourg, ne constate pas une perte de confiance du côté de ses patientes. «Les risques sont connus depuis longtemps; on sait que sa prise entraîne une modification de la coagulation du sang et favorise donc la formation de caillots sanguins.»
Néanmoins, le risque de complications est plus élevé avec les pilules de la 3e et 4e génération. Pas moins de 12 femmes sur 10000 seraient concernées contre 9 femmes sur 10000 pour les pilules de la 2e génération. Si ces dernières, plus anciennes, représentent un danger moindre, elles sont également moins chères. «D’office, j’ai toujours prescrit des pilules de la 2e génération, car je les connais mieux. Il s’avère qu’elles sont également moins dangereuses», explique le gynécologue.
Il résume qu’avant tout prescription, «il est important d’avoir une discussion avec la patiente, en l’interrogeant sur d’éventuels antécédents familiaux.»


Effets attrayants
Comme dans le cas de Marion, les jeunes filles se voient très souvent prescrire des pilules de 3e et 4e génération. «Beaucoup de ces pilules ont un effet positif sur la peau. La prise de poids, généralement liée avec la prise du contraceptif, est également nettement diminuée», déclare-il.
Arrêter de prendre la pilule de peur de souffrir d’une thrombose, d’une embolie pulmonaire ou d’un accident vasculaire cérébral n’est pas la solution. «Le risque d’avoir un tel accident durant la prise de la pilule reste nettement inférieur à celui qu’encourt une femme enceinte», rappelle le docteur Burgener.
Même si le dosage de la pilule contraceptive a nettement diminué depuis les premières, il existe des alternatives exemptes d’hormones. Le gynécologue explique: «Le stérilet en cuivre peut très bien être prescrit aux femmes nullipares (n.d.l.r.: femmes n’ayant jamais accouché). En ce qui concerne le préservatif, il est toujours recommandé au début d’une nouvelle relation, car il est le seul moyen de contraception à protéger des maladies sexuellement transmissibles.»
Le stérilet hormonal ne contient quant à lui que de la progestérone, la même hormone qui intervient dans la préparation des pilules de la 2e génération, jugées plus sûres. DN
 

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