«Cerner les valeurs à défendre pour le futur de Bulle»

| mar, 12. mar. 2013
Depuis un mois, Eric Pichonnaz a pris ses fonctions d’architecte de ville à Bulle. Il entend développer une vision cohérente du chef-lieu sur un long terme, vision très attendue par les architectes et les habitants.

par Christophe Dutoit

Après une quinzaine d’années passées comme architecte indépendant, qu’est-ce qui vous a conduit à postuler pour cette fonction?
Après réflexion, j’ai eu envie de changer de cap pour toucher à des enjeux de société et à des projets urbains de grande échelle. Cela correspond aussi à mon intérêt pour le développement durable et les visions à long terme. C’est un défi unique et passionnant en forme de retour aux sources dans ma ville natale.

Quel impact votre arrivée a-t-elle déjà eu sur le département technique de la ville de Bulle?
Le département technique, avec ses services de travaux publics, reste dirigé par Jean Hohl. Compte tenu de la forte croissance de Bulle, le service d’aménagement s’est transformé en département d’urbanisme à part entière. Je le dirige et il comprend la police des constructions (notamment la gestion des permis de construire), le service aux bâtiments communaux (entretien et conciergerie) et des infrastructures sportives, ainsi que le service de l’aménagement du territoire et des projets, qui traite les questions liées au développement. A terme, nous allons renforcer nos effectifs, car la charge de travail est énorme.

Quelles sont vos prérogatives?
Au départ, mon rôle est de bien reconnaître les valeurs pérennes qui méritent d’être défendues pour le futur de Bulle. Que souhaitons-nous avoir comme types de caractère dans la ville? J’essaie de sentir les attentes, de les intégrer, de les faire valoriser dans notre système démocratique. Il faut trouver le plus grand dénominateur commun, car ces valeurs diffèrent d’une personne à l’autre. Elles dépendent également de l’environnement, du développement durable, de l’emploi, de la conscience locale des enjeux mondiaux…

Quel est votre rapport avec le Conseil communal? Quelle est finalement votre autonomie?
C’est un rapport que j’inscris logiquement de mandataire envers son maître d’ouvrage. Je souhaite collaborer au meilleur projet urbain possible et participer à une gouvernance du territoire défendant une vision cohérente. A Bulle, les projets sont nombreux, en mouvance complète et en recherche constante d’équilibre. La finalité est de pouvoir offrir à la population des espaces de qualité qu’elle peut s’approprier. Les habitants ont peut-être eu le sentiment d’une perte d’identité face au développement de leur ville.

Le nouveau Plan d’aménagement local (PAL) de Bulle est entré en vigueur récemment. Comment le jugez-vous?
Je découvre un PAL qui vient d’être approuvé et qui arrive au moment opportun, notamment après la mise en application de la nouvelle Loi cantonale sur l’aménagement du territoire
(LaTec), en janvier 2010. Maintenant, il faut mettre à niveau tous les plans d’aménagement de détail (PAD).

D’ici une vingtaine d’années, Bulle pourrait atteindre les 35000 habitants. Comment allez-vous gérer ce développement?
On va vers une densification de l’habitat. Bulle a choisi une densification de faible hauteur (18,4 m au maximum). J’estime que c’est un bon choix, par rapport à son environnement paysager dans ce cirque de montagnes. Mais ce n’est pas la voie de la facilité. Densifier à basse échelle demande des projets très bien traités, avec un souci pointu de la qualité des espaces, des rapports d’échelle, de bâti, de caractère, de voisinage…

Tout le travail consiste à mettre en place les structures pour un développement harmonieux. La phase des mandats d’études parallèles (MEP) est très intéressante, pour optimiser l’utilisation des espaces. Elle permet aussi de définir une culture du bâti entre les partenaires privés et publics et d’apporter cette cohérence tant recherchée. Car, en architecture, il faut exploiter le «génie du lieu», qu’un MEP permet de révéler dès cette première phase de recherche de partis pris architecturaux et urbanistiques.

Quel est votre point de vue sur l’utilisation de la voiture à Bulle?
Géographiquement, Bulle a trois voies principales qui convergent vers son centre. Logiquement, tout le monde veut atteindre rapidement ce centre avec son véhicule, ce qui sera de plus en plus difficile avec la démographie croissante de la ville. Cette situation exige une prise de conscience des habitants par rapport à la mobilité. Le centre reste facilement accessible en parquant sa voiture dans la proche périphérie et en marchant cinq minutes. Nous pouvons aussi changer notre comportement. Une fois sur cinq, pourquoi ne prendrions-nous pas cinq minutes pour atteindre le centre-ville à pied? Cela apporterait une part de fluidité supplémentaire sans aucune mise en œuvre technique. Il faut faire appel à notre esprit de citoyenneté.

Et qu’en est-il de la réduction, année après année, du nombre de places de parc en ville?
Il y a moins de places au centre, mais pas en proche périphérie. Il faut tenir compte des horaires d’occupation des parkings en périphérie et utiliser les places libérées par les habitants qui prennent leur voiture pour se rendre à leur travail. C’est un changement de comportement demandé aux habitants. Car Bulle n’a pas fini de se métamorphoser: la zone de la gare ou celle du Terraillet vont prochainement bouger et créer de nouvelles dynamiques pour définir à terme les meilleures solutions concertées.

Comment envisagez-vous vos relations avec les villages alentour comme Vuadens, Riaz, Morlon ou Le Pâquier?
Les rapports se renforcent, car on doit résoudre des problèmes en collaboration, que ce soit les questions de mobilité ou de zones industrielles. Il faut avoir cette vision d’ensemble sur le plan intercommunal. Nous allons collaborer pour la réalisation du CO3 où les services techniques de Bulle devraient faire office de bureau d’aide au maître d’ouvrage.

Sur votre curriculum vitae ne figure aucune qualification d’urbaniste…
Effectivement, il n’y a pas de formation spécifique pour devenir architecte de ville. L’expérience et le profil parlent. Je vais étendre ma polyvalence avec une formation continue dans l’urbanisme, qui me donnera les connaissances complémentaires, sans doute à l’Université de Lausanne sous forme de CAS (Certificate of advance studies).

La nouvelle Loi fédérale sur l’aménagement du territoire a été plébiscitée par les Suisses. Quelles conséquences aura-t-elle sur Bulle?
Elle aura certaines implications, mais relativement limitées, car notre PAL est approuvé.

 

Les attentes des architectes
C’est peu dire qu’un architecte de ville était attendu par les Bullois… Appelé de ses vœux par la Commission d’aménagement depuis plusieurs années, le poste avait à peine été créé au printemps dernier (La Gruyère du 19 mai 2012) que la procédure de sélection des candidats a provoqué la mauvaise humeur de ladite commission et du Parti socialiste (La Gruyère du 28 juillet 2012).

Mais tout cela est du passé: Martin Rauber, président de la Commission d’aménagement et architecte à Bulle, se réjouit de collaborer avec Eric Pichonnaz. «Nous avons des questions à lui poser sur le fonctionnement qu’il aura avec nous et la commune. Nous espérons qu’il fera preuve d’autonomie.»

Vice-président de la Commission d’aménagement, Eric Gobet voit plein d’espoir dans la création de ce poste. «Eric Pichonnaz est un bon choix. C’est quelqu’un de très sensible, calme et posé, qui a une grande capacité d’écoute, expose l’architecte bullois. Nous attendons qu’il ait les coudées franches et qu’il soit le moteur d’un développement harmonieux de la ville.»

«Pas peur d’avoir des convictions»
«J’espère qu’il n’aura pas peur d’avoir des convictions et qu’il amènera des idées», affirme quant à lui Olivier Charrière, à la tête d’un grand bureau d’architectes à Bulle. «Je trouverais bien qu’il soit également un interlocuteur averti, qu’il donne des impulsions et qu’il fasse remonter à la surface les soucis des architectes.»

«Ces dernières années, les usagers ont beaucoup montré de grogne à Bulle, poursuit Martin Rauber. Ils ne comprennent pas toujours les mises en zone 30 km/h ou la suppression de places de parc. Je pense que son arrivée va améliorer la communication.»

Mais, compte tenu de la complexité des dossiers et de la responsabilité de la charge, il ne met pas de pression sur l’architecte de ville. «Il faut lui laisser prendre ses marques. On fera le point dans une année.»

 

Eric Pichonnaz
Age. 43 ans.
Naissance. A Bulle, où il a vécu les vingt-sept premières années de sa vie.
Domicile. Villars-sur-Glâne.
Etat civil. Marié et père de deux enfants.
Parcours. Après la fin de ses études d’architecture en 1997, il collabore avec le bureau Module SA. Puis il travaille chez Neuco SA, spécialiste de l’éclairage artificiel. En 2003, il devient associé indépendant du bureau Module SA, à Romont.
Domaines d’activité. Il a mené à bien des réalisations dans le domaine de la villa, de la PPE, d’immeubles locatifs, de la transformation ou de la construction de fermes en stabulation libre. En février 2013, il commence son activité d’architecte de ville à Bulle.

 

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