PAR DOMINIQUE MEYLAN
Début d’année difficile pour l’économie fribourgeoise. Les mauvaises nouvelles ne semblent plus vouloir s’arrêter. Zumwald et Boschung quittent le canton pour la Broye vaudoise. D’autres entreprises menacent de migrer en Suisse alémanique. Boxal ferme et l’imprimerie St-Paul devra abandonner sa rotative.
Le directeur de l’Economie et de l’emploi Beat Vonlanthen suit la situation de près, même si les formes de soutien lui paraissent limitées...
Peut-on parler de série noire?
Je parlerai plutôt de la traversée d’une zone de turbulences économiques. Ces annonces sont dues à des raisons extrêmement variées. Si le groupe Boschung déménage à Payerne, c’est à cause de la proximité de l’aérodrome. La société Zumwald recherchait des terrains dans un périmètre réduit. Elle a trouvé son bonheur à Avenches. Toutefois, elle conserve deux succursales à Fribourg et garde ses employés domiciliés dans le canton. Concernant Groupe E, l’installation d’un centre régional à Payerne fait partie de sa stratégie.
Toutes ces situations sont explicables. Il ne faut pas tout voir en noir. Les chiffres 2012 de la Promotion économique, qui seront présentés prochainement, reflètent d’ailleurs un millésime positif. Que ce soit Nespresso à Romont, l’agrandissement d’UCB à Bulle, Ladurée à Enney ou le regroupement de l’Agroscope Liebefeld-Posieux, toutes ces annonces ont entraîné la création de nouveaux postes.
Mais il y a aussi des pertes d’emplois...
Certaines entreprises sont en difficulté à cause de produits en fin de vie. Le Conseil d’Etat et la Promotion économique ont mis toute leur énergie pour éviter la fermeture de Boxal à Givisiez. Nous avons tenté de faire le lien avec des repreneurs possibles, mais nos propositions n’ont pas été retenues. Nous aurions pu offrir un soutien financier pour un projet innovant de recyclage de l’aluminium. Les dirigeants de Boxal ne partageaient pas cette volonté: ils ont préféré profiter de la valeur du terrain.
Le Grand Conseil va traiter d’une motion urgente cette semaine, qui demande à l’Etat un soutien financier pour protéger la rotative de l’imprimerie St-Paul et sauver quelque 50 emplois. Un tel coup de pouce est-il envisageable?
Nous arrivons aux limites de l’action de l’Etat. Notre rôle n’est pas de soutenir financièrement chaque entreprise en difficulté. Nous n’en avons pas les moyens légaux. La rotative est de toute façon menacée à moyen terme. Il existe d’autres entreprises dans la même situation. Nous devrions payer pour elles aussi. C’est indéfendable. La stratégie du Conseil d’Etat va davantage dans le sens d’attirer des entreprises et de créer des emplois hautement qualifiés.
Ne faudrait-il pas aussi préserver les emplois existants?
C’est le cas. Nous offrons un soutien, mais il est limité. Nous ne pouvons pas intervenir si cela provoque une distorsion de la concurrence. Le canton se bat pour offrir de bonnes conditions cadres. Cela passe par une fiscalité attractive, des infrastructures performantes comme la fibre optique et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée.
Cette série de mauvaises nouvelles est-elle terminée?
Non, probablement pas. Nous avons des informations sur des entreprises en train de réfléchir à une amélioration de leur organisation dans le cadre du franc fort et de la concurrence acharnée à l’étranger. Le Conseil d’Etat doit garder la tête froide. Si nous sommes paralysés par la peur et nous cessons de piloter, la situation va encore s’aggraver.
Est-ce que la possible disparition des statuts fiscaux spéciaux constitue la principale menace actuellement?
Certaines fiduciaires actives sur le plan international auraient reçu le mandat d’entreprises basées en Suisse de réfléchir à une éventuelle délocalisation. Le risque existe. Le Conseil d’Etat se penche très sérieusement sur la question. Nous avons constitué un groupe de travail.
En matière de fiscalité aussi, il ne faut pas tout voir en noir. En comparaison romande, Fribourg reste très compétitif, même si le statu quo n’est pas envisageable.
Outre la fiscalité, Fribourg travaille sur son attractivité avec le parc d’innovation technologique blueFACTORY. Nous allons offrir la possibilité à des entreprises à haute valeur ajoutée de s’installer en plein cœur de Fribourg.
De manière globale, faut-il s’inquiéter pour l’économie fribourgeoise?
L’économie fribourgeoise se trouve dans une très bonne dynamique. Le canton a une population jeune, il bénéficie de projets innovants, des centres de production s’installent sur son territoire. Ce dynamisme n’est pas remis en cause par ces mauvaises nouvelles. Nous allons dépasser cette zone de turbulences. Ensuite les perspectives sont plutôt intéressantes.
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«Réagir à très court terme»
Plusieurs entreprises fribourgeoises vont déménager dans la Broye vaudoise. Est-ce que Vaud a plus de succès en matière de promotion économique?
Les deux cantons travaillent ensemble pour développer cette région. L’entreprise Swiss Space Systems, qui veut commercialiser des satellites à bas prix, en est un exemple. Ses locaux, inaugurés mercredi dernier, se trouvent sur la commune de Payerne. Mais la piste de l’aérodrome, que la société va utiliser, est en grande partie en terres fribourgeoises. Les deux cantons profitent de cette implantation.
Les entreprises venues s’installer dans la Broye avaient besoin de terrain. Où en est le canton en matière de politique foncière active?
Les choses sont en train de se mettre en place. Nous avons déjà certains succès au compteur: nous n’avons pas voulu laisser le site de Cardinal à des entreprises immobilières. Nous nous sommes impliqués pour garder Bumotec, qui va déménager de Sâles à Vuadens, dans le canton. Un groupe de pilotage a réalisé un état des lieux des sites stratégiques, qui sera présenté prochainement. Nous avons aussi la possibilité d’offrir un soutien financier aux communes pour acheter des terrains.
Les terrains appartiennent donc à des privés...
En partie. Ce qui compte, c’est de pouvoir réagir à très court terme. Nous y sommes parvenus avec la venue de Nespresso à Romont, où les terrains appartenaient à la commune et à deux privés. Autre exemple: Marvinpac, en provenance du canton de Vaud, va installer 80 places de travail à Châtel-Saint-Denis et envisage d’en créer 20 supplémentaires.
Le canton de Vaud mène une politique très agressive de soutien à ses entreprises. La semaine dernière, il a obtenu que la société Bombardier, exclue d’un très gros contrat ferroviaire, obtienne des compensations. Un exemple à suivre?
Je suis évidemment favorable à un soutien des entreprises. Nous sommes actuellement en train de réfléchir, en collaboration avec la Haute Ecole de gestion, à alléger le cadre général pour les sociétés fribourgeoises qui se plaignent d’être pénalisées dans les appels d’offres publics. La concurrence est vive. Elle est notamment biaisée par certaines entreprises, qui travaillent avec des matériaux peu coûteux, fabriqués à l’étranger dans de mauvaises conditions. Qu’est-ce qui est mieux? Il faut aussi penser au développement durable. DM
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