PAR THIBAUD GUISAN

Face-à-face de colosses. La scène se déroule jeudi sous le porche du Calvaire à Gruyères, à l’abri d’une pluie battante. Sur sa croix, le Christ ne doit pas en croire ses yeux.
Sébastien Chabal, la superstar du rugby français, tourne un clip avec Stefan Zbinden, le lutteur singinois aux 105 couronnes, dont quatre fédérales. La caméra est celle de Suisse Tourisme, qui prépare un grand show, le 17 avril à Paris. Dans ce cadre, les deux athlètes se retrouveront pour une passe de lutte suisse.
Les deux sportifs ont fait connaissance la veille au soir autour d’une fondue. Point commun: ils sont contemporains – 35 ans, tous deux de décembre 1977 – et ils affichent de généreuses mensurations: 1,91 m/113 kg pour le rugbyman, contre 1,88 m/115 kg pour le lutteur. Stefan Zbinden n’avait pas entendu parler de Chabal avant d’être contacté pour cette exhibition. «Je ne connais pas le rugby», dit le Singinois, qui vient de prendre sa retraite sportive.
Le rugbyman profite de la pause pascale du championnat. «Nous étions en stage d’équipe à Saint-Gervais, en Haute-Savoie», explique Sébastien Chabal, qui joue depuis le début de la saison au Lyon Olympique Universitaire, en Pro D2 (deuxième division française).
Loin de découvrir le Moléson, emmitouflé d’un épais brouillard, Sébastien Chabal en est quitte pour une bonne douche froide. Avantage de la météo exécrable, la cité comtale est quasi déserte en fin de matinée. Pas besoin de contenir un flot de touristes.

Bredzon contre polo
Stefan Zbinden porte le bredzon sous la veste du Club des lutteurs de la Singine. Sous son manteau de pluie détrempé, Sébastien Chabal dévoile le polo de sa propre marque d’habits. Un monde sépare les deux hommes. Le premier travaille comme mécanicien sur automobiles, le second est sportif professionnel et homme-sandwich: à côté du rugby, il multiplie les partenariats publicitaires.
Aussi accompagné par une équipe de télévision de France 3 – le reportage sera diffusé ce lundi soir à l’émission Tout le sport à 20 h – Sébastien Chabal a eu droit à un copieux menu jeudi, avant son départ en fin de journée. Le matin, il a assisté à la fabrication de fromage sur l’alpage. Pour la cause, le fromager (et ancien lutteur) Laurent Gachet a anticipé l’ouverture d’un chalet dans la région de Charmey.
Après une soupe de chalet avalée à Gruyères, les deux colosses se sont retrouvés à Bulle, dans le local d’entraînement du Club des lutteurs de la Gruyère, pour une initiation à la lutte. L’élève se sent-il prêt à malmener son maître? «Je ne fais pas le poids face à un champion de lutte suisse», rigolait-il.
 

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Une drôle de passe le 17 avril à Paris
La présence de Sébastien Chabal en Gruyère est due à l’initiative de Suisse Tourisme. Les clips tournés avec la star du rugby français seront diffusés le 17 avril à Paris dans le cadre d’un grand événement médiatique, qui réunira une centaine de médias français. Deux passes de lutte (sur rond de sciure!) sont prévues: celle, loufoque, opposant Sébastien Chabal à Stefan Zbinden et une seconde, plus sérieuse, entre le Singinois et l’ancien lutteur de Charmey Laurent Gachet.
On ne saura pas combien Suisse Tourisme a déboursé pour s’offrir Chabal ni le budget de cet événement médiatique. «Un montant raisonnable», assure Michel Ferla, vice-directeur de Suisse Tourisme, basé à Paris. Les traditions vivantes sont le thème de la campagne de promotion 2013 en France. Des clips ont été tournés sur plusieurs traditions de Suisse romande. «Le fromage d’alpage et la lutte suisse ont été retenus pour le canton de Fribourg, explique Michel Ferla. Chabal est une personnalité française qui parlera de son expérience en Suisse aux Français. Comme la lutte suisse, le rugby incarne des valeurs, comme le respect. C’est un sport dur, mais pas agressif.»
L’Union fribourgeoise du tourisme (UFT) et sa marque Fribourg Région sont associées à l’opération. L’organisme fribourgeois est en effet lié par un contrat à Suisse Tourisme. «Ça nous permet d’être présents dans les offres et les campagnes de Suisse Tourisme France», explique Marie-Christine Repond, assistante de direction auprès de l’UFT. La contribution se monte à environ 100000 francs par an: un montant financé par Fribourg Région et les destinations partenaires pour le marché français (dont La Gruyère Tourisme et l’Office du tourisme Châtel-St-Denis/Les Paccots).
Les Français représentent environ 10% des nuitées recensées par Fribourg Région (contre 63% pour les Suisses et 10% pour les Allemands). Reste à savoir si Chabal boostera la venue des Français dans la région. «Comme toute opération marketing, c’est difficile à quantifier», reconnaît Marie-Christine Repond. TG