PAR VALENTIN CASTELLA
Le costard clinquant, ils s’assoient sur leur petit tabouret. Tout en haut de la patinoire, dans le grenier caché où certains spectateurs n’ont même jamais imaginé que des personnes pouvaient s’y trouver, ils arrangent minutieusement leurs trois stylos. Feuilles en main, ils attendent patiemment l’entrée des joueurs sur la glace.
Premier engagement gagné ou perdu par Simon Gamache et voici les statisticiens de Fribourg-Gottéron qui commencent leur travail. Ce quotidien, les deux Marlinois Pierre Köstinger (39 ans) et André Neuhaus (41 ans) le vivent depuis sept ans. Ils ont été rejoints deux ans plus tard par le citoyen de Prez-vers-Siviriez Sébastien Python (43 ans). Engagés par le club pour tout observer, tout noter et analyser, ils sont les yeux de l’entraîneur.
Tous passionnés de hockey, ancien joueur et ancien entraîneur pour Pierre Köstinger, qui a notamment coaché le CP La Glâne en 2e ligue, ils observent chaque rencontre à la loupe. «Chacun a une tâche bien définie, explique Pierre Köstinger. Pendant les play-off, mon rôle est de noter et de représenter tous les tirs qu’il y a eu dans le match. Qui a tiré, depuis quel endroit, le nombre de tirs cadrés, non cadrés. Et, pendant les play-off, je signale également toutes les mises en échec.»
De son côté, André Neuhaus observe d’autres faits de match: «Mon rôle est de signaler tous les engagements, dans quelle partie ils se sont disputés, qui fait l’engagement, qui le gagne ou le perd. Je note également toutes les présences sur la glace, ainsi que le nom des joueurs qui se trouvent en jeu lorsqu’il y a des buts. C’est pour cette raison que, lorsque Fribourg marque, je n’explose pas de joie. Car c’est à cet instant que j’ai le plus de travail.»
Sébastien Python, lui, a deux casquettes. A l’extérieur, il se partage les matches avec André Neuhaus. Mais, à domicile, l’un des membres fondateur du CP La Glâne officie en tant que statisticiens de la ligue suisse. «Contrairement à mes collègues, je m’occupe exclusivement de l’équipe adverse en signalant les présences sur la glace et les tirs.»
Enfin, dernière subtilité, trois couleurs sont employées par les statisticiens. Le bleu lorsque les deux formations évoluent à cinq contre cinq, le vert quand Fribourg joue en infériorité numérique et le rouge en power-play. Bref, tout un programme… «C’est vrai que cela nous demande passablement de concentration, reprend Pierre Köstinger. Car on ne peut pas se planter, étant donné que tout est ensuite retranscrit sur ordinateur. A la fin du match, le nombre de tirs cadrés et à côté doit, par exemple, correspondre au nombre total de tirs. Maintenant, ce sont des détails pour nous, mais cela n’a pas été évident au début. On était tellement occupés qu’on n’avait pas une minute pour regarder le match.» André Neuhaus se souvient même que, parfois à ses débuts, il ne savait «pas le score final», alors que Sébastien Python a souvent manqué «plusieurs buts pendant un match.»
Un rôle important
Durant une rencontre, les observations sont transmises aux entraîneurs au terme de chaque tiers-temps. «J’apporte les statistiques à Hans Kossmann et René Matte, qui se trouvent dans leur bureau, décrit André Neuhaus. Ils les observent et les analysent avant de rejoindre les joueurs dans le vestiaire.» «J’étudie beaucoup ces statistiques, explique Hans Kossmann. Je regarde surtout les tirs sur la cage, les engagements et qui se trouvaient sur la glace au moment des buts. Ces personnes m’aident à faire certains choix tactiques. J’ai par exemple mis l’accent avant l’acte II face à Zurich sur les engagements, car les statistiques n’étaient pas bonnes sur ce point-là. Ce sont parfois ces petits détails qui font la différence.»
Une tâche importante donc, qu’ils effectuent avec une passion sans limite. «C’est vrai que cela nous demande beaucoup de temps, reprend Pierre Köstinger. Personnellement, je suis engagé pour toutes les rencontres, à domicile et à l’extérieur. Je m’occupe aussi de la nourriture lors des déplacements.» Le tout en travaillant à 100%: «Nous avons la chance d’avoir des employeurs compréhensifs qui nous permettent d’aménager notre temps», assure ce dernier.
André Neuhaus poursuit: «J’aime le hockey et j’apprécie particulièrement le fait d’avoir un autre regard que le spectateur, d’aller plus loin dans l’analyse.» Autre satisfaction pour ces matheux du hockey: faire partie de cet univers qu’ils apprécient tant: «Il est très intéressant de voir comment cela se passe dans un encadrement sportif professionnel. Je ne cache pas que c’est une certaine fierté de faire partie de ça après avoir vécu des années plus difficiles par le passé.»
Il est vrai qu’actuellement, leur tâche est bien plus agréable qu’il y a quelques années, lorsqu’ils devaient noter les performances de Dragons moribonds en play-out.
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«Commencer très fort»
La série d’invincibilité tient toujours pour Fribourg-Gottéron, qui s’est imposé, jeudi soir en prolongation pour la dixième fois consécutive face à Zurich. Un succès qui permet aux hommes d’Hans Kossmann de mener 2-0 dans cette série. «Cette belle victoire à l’extérieur nous réjouit, explique l’entraîneur. Mais rien n’est encore acquis. Nous l’avons appris à nos dépens face à Bienne.»
C’est donc avec la même motivation que les Fribourgeois vont entamer ce soir ce troisième acte: «Une défaite à la maison peut tout changer. C’est pour cette raison que nous allons commencer la partie très fort pour ne pas laisser revenir Zurich dans la série. Car, on l’a vu en quart de finale face à Davos, lorsqu’ils étaient menés 3-1, nos adversaires ont les moyens et la force de caractère pour revenir. A nous de les en empêcher.» VAC
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