PAR THIBAUD GUISAN
L’alerte a été déclenchée samedi 30 mars à 2 h 20. Un véhicule roulait à contresens sur l’autoroute A12, à la hauteur de Rossens.
L’événement, qui n’a provoqué ni blessé ni dégât matériel, est le premier recensé cette année dans le canton. En 2012, l’Office fédéral des routes (OFROU) a comptabilisé trois cas sur la portion fribourgeoise de l’A12, contre cinq en 2011 et en 2010 et huit en 2009 (voir infographie). «Il n’y a pas un endroit qui pose davantage de problèmes que d’autres», assure Gilbert Baeriswyl, chef de la Police fribourgeoise de la circulation et de la navigation. L’OFROU et la police cantonale ne peuvent garantir qu’ils ont connaissance de tous les cas. Il peut en effet arriver qu’un automobiliste à contresens fasse demi-tour sans que cela ne se sache.
Le phénomène est préoccupant. Ce vendredi encore, un contresens a été signalé peu après 20 h entre Sion et Sierre. A l’échelle nationale, un contresens est signalé tous les trois à cinq jours. Rien que cette année 2013, l’OFROU a eu connaissance de 26 cas au 31 mars. En 2012, 111 véhicules ont pris l’autoroute à l’envers du bon sens, contre 83 en 2011, 87 en 2010 et 121 en 2009.
Peu d’accidents
Les conséquences peuvent être tragiques. En 2012 et en 2011, deux personnes sont décédées dans le cadre d’un contresens. Mais pour le reste, étonnamment – et fort heureusement – les accidents sont proportionnellement peu nombreux. L’an dernier, cinq cas avec blessés légers ont été comptabilisés, contre un avec blessés graves.
Dans le canton de Fribourg, Gilbert Baeriswyl touche du bois. «Nous avons eu de la chance ces dernières années. Nous n’avons pas eu de personnes grièvement blessées ni de morts.» Pour le policier, cela tiendrait au fait qu’«il est rare qu’un automobiliste roule sur beaucoup de kilomètres à contresens».
Alcool et drogues en cause
Le profil des conducteurs qui prennent l’autoroute à l’envers du bon sens? «Il y a plus de trois ans, c’était surtout des personnes âgées, indique Gilbert Baeriswyl. Depuis quelques années, les cas sont surtout liés à la consommation d’alcool et de stupéfiants.» L’OFROU confirme. Selon ses statistiques, près de trois contresens sur quatre sont liés à la consommation de drogues, d’alcool ou de médicaments.
L’âge élevé des conducteurs est toutefois à prendre en compte. Toujours selon l’OFROU, 45% des personnes roulant à contresens ont plus de 65 ans. D’après le Bureau de prévention des accidents, la moitié des contresens surviennent à la suite d’une fausse entrée sur l’autoroute. Dans l’autre moitié des cas, on retrouve les conducteurs qui quittent un restoroute dans le faux sens ou qui font simplement demi-tour sur l’autoroute.
En majorité de jour
Constat étonnant: une (petite) majorité des contresens sont signalés de jour: 52%, contre 42% la nuit et 5,5% au crépuscule. «Parce que, de jour, il y a mille fois plus de véhicules qui circulent, note Guido Bielmann, porte-parole de l’OFROU. Le risque potentiel est logiquement plus grand.»
Enfin, plus des deux tiers (70%) des conducteurs qui se retrouvent à contresens sur l’autoroute sont des hommes. Les conducteurs masculins ont-ils le goût du danger? L’OFROU ne se risque à aucune explication. De même, il ne constate aucun pic saisonnier.
Voilà pour le constat. Reste la question de la prévention dans un pays qui compte environ 440 jonctions autoroutières. L’OFROU a pris l’option de revoir et d’améliorer la signalisation, entre 2009 et 2011. Deux fois deux gros sens interdits – un tiers plus grands qu’un panneau indicateur standard (90 cm de diamètre contre 60 cm) – sont désormais installés devant chaque sortie d’autoroute. Des flèches sont aussi dessinées sur la chaussée.
Ces mesures coïncidaient avec un changement dans l’administration des autoroutes. Jusqu’à fin 2007, les tronçons étaient gérés par les cantons. Depuis le 1er janvier 2008, la Confédération – via l’OFROU – a repris la responsabilité du réseau national.
Non aux herses
L’OFROU a en revanche renoncé à un système de blocage physique automatisé. La possibilité d’installer des herses (qui se lèveraient après détection par vidéo d’un véhicule entrant à contresens) a été étudiée, mais non retenue. «La voie doit rester accessible en contresens aux véhicules d’urgence, comme la police, les ambulances et les pompiers», justifie Guido Bielmann.
Il va sans dire que rouler à contresens sur l’autoroute constitue une infraction grave. Tous les cas – même sans accident – débouchent sur un retrait de permis de trois mois au minimum. Une poursuite pénale est aussi engagée. La procédure peut notamment déboucher sur une amende ou une peine privative de liberté de trois ans au plus.
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Une intervention délicate
«C’était près de Viège, peu après mon entrée sur l’autoroute. Je roulais derrière un véhicule assez lent. J’hésitais à le dépasser quand j’ai vu arriver un véhicule en sens inverse. J’étais choquée. C’était un matin, en été. Bien des années après, j’ai cette image en tête.» Comme pour cette Gruérienne, le choc est grand pour qui a vu arriver un véhicule en sens inverse sur l’autoroute.
Pour la police, l’intervention est source de stress. «Dès qu’on est informé, on déclenche une alerte de priorité A», expose le capitaine Gilbert Baeriswyl, chef de la Police fribourgeoise de la circulation et de la navigation. Une information est immédiatement envoyée à Viasuisse. L’entreprise basée à Bienne transmet l’information aux médias. Les programmes des radios sont interrompus pour diffuser l’information.
En parallèle, la police cantonale envoie ses patrouilles en intervention. La voiture de police la plus proche entre sur l’autoroute (dans le bon sens) et crée un bouchon artificiel. «Elle bloque la circulation derrière elle, en ralentissant, explique Gilbert Baeriswyl. Une deuxième voiture de police est envoyée sur l’autre côté de l’autoroute. Elle roule dans le même sens que le conducteur fautif, mais de l’autre côté. Par haut-parleur, elle somme le conducteur de s’arrêter. Une troisième voiture de police peut être engagée. Elle roule alors face à la voiture à contresens, pour la bloquer physiquement.»
Gilbert Baeriswyl touche du bois. «Le système marche bien. Nous n’avons pas eu d’accident impliquant la voiture de police ces dernières années. Mais un contresens sur l’autoroute reste toujours délicat à gérer. Même si un gendarme ne le vit en général qu’une ou deux fois dans sa vie.»
Conseil aux automobilistes: ne dépasser sous aucun prétexte, réduire sa vitesse et enclencher ses feux de panne pour signaler la présence d’un danger. «Si on voit le véhicule arriver en sens inverse, on peut mordre sur la bande d’arrêt d’urgence, note Gilbert Baeriswyl. Mais il ne faut pas s’arrêter. Ce serait trop dangereux.» TG
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