PAR ANGELIQUE RIME
Après les bistrots, les postes et les magasins alimentaires, c’est au tour de la banque Raiffeisen, dont la devise a longtemps été «l’argent du village reste au village», de diminuer sa présence dans les campagnes. D’ici à août 2013, les villages de Grandvillard, Epagny, Orsonnens, Lentigny et Treyvaux perdront leur antenne locale.
En dix ans, 15 succursales sur 26 ont disparu tandis que trois se sont ouvertes. Une des causes de ces décisions: une fréquentation en chute libre. «Dans ces points de vente, nous effectuons environ trois transactions à l’heure. Et ce chiffre diminue chaque année de 10%», explique François Bosson, directeur de la banque Raiffeisen de la Glâne.
Même constat du côté d’Eric Charrière, président de la direction de la banque Raiffeisen Moléson: «Les habitudes des clients ont changé. Ils se déplacent beaucoup moins au guichet pour effectuer de simples transactions, retraits ou versements, et réalisent ces opérations depuis leur domicile. En ce qui nous concerne, en 2012, 70% des paiements ont été effectués par e-banking.»
Autre argument invoqué pour la fermeture de ces antennes: la sécurité. Pour François Bosson, c’est même «la raison principale». «Dans notre pays, la moitié des braquages d’établissements bancaires ont pour cible une agence Raiffeisen. A Ursy, nous avons été victimes d’un tel incident en 2010 et cela laisse des traces. Les personnes concernées ne sont jamais retournées au guichet.»
Même si les agences qui vont être fermées répondent pour l’heure aux standards sécuritaires, les mesures doivent être constamment renforcées. «Pour que nos collaborateurs se sentent en sécurité, il faudrait qu’ils soient au minimum deux par antenne, explique François Bosson. Une exigence difficile à justifier au vu de la fréquentation des lieux. Sans parler des installations techniques. Les investissements à consentir pour garantir la sécurité seraient disproportionnés au vu du potentiel de développement de ces antennes.»
Pas de perte de proximité
Si de petites entités disparaissent dans les villages, d’autres, principalement situées dans des chefs-lieux, s’ouvrent ou tendent à s’agrandir. A la Tour-de-Trême, Bulle ou Romont par exemple. Eric Charrière et François Bosson disaient pourtant ceci, en 2010, à La Gruyère: «Il est impensable de recentrer nos agences dans les chefs-lieux. Nous toucherions à notre héritage. Nous nous voulons proches des gens, ce serait une atteinte à la fidélité de nos clients.»
Deux ans et demi plus tard, la situation a changé. «En 2010, analyser la fréquentation n’était pas à l’ordre du jour. Depuis 2007, notre chiffre d’affaires a constamment baissé. Nous avons donc dû réfléchir à des mesures. Aujourd’hui, nous centrons l’activité où elle se passe», répond Eric Charrière.
Au vu du réseau dense dont dispose la banque Raiffeisen – un point bancaire suisse sur trois – les deux directeurs se refusent à parler d’une réelle perte de proximité. «La proximité physique est certes un peu diminuée, mais Epagny est à un jet de pierre de La Tour-de-Trême et Grandvillard, très proche d’Albeuve. De plus, nos conseillers se déplacent à domicile. N’oublions pas non plus que les gens viennent de plus en plus à la banque pour des conseils. Un service qu’il est impossible de proposer derrière un guichet, mais qui nécessite un salon de réception, comme à La Tour-de-Trême», note Eric Charrière.
Il fait également remarquer que l’ouverture du point de vente de Bulle n’a pas précipité la fermeture des antennes de Grandvillard et d’Epagny. «C’était une occasion, nous l’avons saisie. Quant à La Tour-de-Trême, le point de vente existait déjà.»
Déception à Lentigny
En Glâne, l’annonce de la fermeture d’Orsonnens n’a pas provoqué de levée de boucliers. A Lentigny, il y a par contre eu quelques velléités. «J’ai senti que le Conseil communal était déçu. Ils ont déjà perdu leur bistrot et la poste. Ils ont l’impression qu’on s’acharne un peu sur eux et je les comprends», décrit François Bosson. Les clients des antennes de Grandvillard et d’Epagny recevront, de leur côté, aujourd’hui, une lettre leur expliquant la situation.
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L’évolution en dix ans
En dix ans, 15 antennes Raiffeisen ont fermé dans le sud du canton:
2003: Sommentier
2004: Montbovon, Lessoc, Le Pâquier
2006: Bouloz, Villaraboud
2007: La Verrerie
2010: Cerniat
2011: Sâles, Saint-Martin
Au 30 mai 2013: Grandvillard, Epagny
Au 30 juin 2013: Orsonnens, Lentigny
Au 31 août 2013: Treyvaux
Trois autres se sont ouvertes:
2002: Romont
2011: Vuadens, Bulle.
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