De la Grange et des poussins sauvés pour les Pugin

| mar, 23. jui. 2013
Le septième volet de notre série suit les traces des Pugin, qui mènent d’Echarlens à Morlon, mais aussi au palais de Westminster, à Londres.

PAR SOPHIE ROULIN

«La grange a brûlé, les poussins ont pu se sauver.» La boutade fait rigoler Robert Pugin et son neveu Gilbert. Dans les plus vieux écrits où apparaît leur patronyme, leur ancêtre est en effet cité comme «Renauldus de la Grange, alias Pugin».
De la Grange semble donc être l’ancien nom de la famille Pugin. Un nom qui découlerait du patois pudzin, le poussin ou le petit poulet. On retrouve d’ailleurs un coq sur l’une des trois armoiries connues pour la famille. Les mentions les plus anciennes du patronyme Pugin se retrouvent à Fribourg, en 1414, et à Echarlens, en 1435.
A 92 ans, Robert Pugin est considéré comme l’une des mémoires d’Echarlens. Il connaît encore les familles du village par leur surnom. «En Champotey, il y avait une famille de Pugin; on leur disait ceux au Noir. Il y avait aussi les Pugin au Cent-Suisse. Tandis que nous, nous étions de la branche à Peter. Mais, quand on nous le disait, c’était toujours avec une intonation et une con-notation méprisantes. Je ne sais pas trop pourquoi.»


Au Brésil et en Angleterre
Intéressé par l’histoire de sa famille au-delà de ce qu’en rapportait la tradition orale, Robert Pugin a eu envie d’en savoir plus. «Ce que mes parents m’avaient raconté n’allait pas très loin. J’ai donc fait quelques recherches, mais je me suis vite perdu dans les archives de l’Etat», raconte le pensionnaire du Foyer Saint-Joseph, à Morlon.
Pour s’en sortir, il fait appel au généalogiste Jean-Claude Romanens. Curieux et voyageur, Robert Pugin n’hésite pas à entrer en contact avec de lointains cousins émigrés au Brésil, puis installés en Belgique. Il conserve même quelques photos d’une de leurs visites.
Il répond également à la sollicitation d’un Pugin anglais, à la recherche d’informations sur l’origine de son aïeul émigré en France, puis en Angleterre à l’époque de la Révolution. Une branche qui a donné une lignée d’architectes très renommés (lire ci-dessous). «Nous avons cherché, mais nous n’avons pas trouvé de troncs communs à nos deux familles», indique Robert Pugin, en repliant l’arbre généalogique envoyé par l’Anglais.


Un professeur en Hongrie
A Echarlens, les Pugin sont encore nombreux. Plusieurs familles et plusieurs branches se côtoient. «On n’est plus de parent pour bien dire. Mais le nid des Pugin était probablement Montmelley, reprend le nonagénaire. Depuis, la ferme est devenue propriété des Gremaud, par mariage.»
Pour appuyer ses dires, il saisit les Souvenirs d’enfance, d’Emile Ottoz. Un ouvrage paru aux Editions La Sarine en 2011 dans lequel le major Ottoz décrit le village tel qu’il l’a connu vers 1900, passant de maison en maison.
Au fil des pages, bon nombre de Pugin apparaissent. Certains ont des destins peu communs, comme Léon Pugin. Elève de l’Ecole normale en 1853, il réussit le 22 avril, jour de l’insurrection de Carrard, à s’évader du collège occupé par les insurgés pour aller donner l’alarme à la préfecture.
Un fait pour lequel il est mentionné dans le Dictionnaire his-torique de la Suisse. Plus tard, Léon Pugin devint professeur
à Budapest, où il occupa les postes de correspondant consulaire et de sous-rédacteur du Ministère de l’intérieur.
Son frère Edouard, un peu plus jeune que lui, partit, quant à lui, au Brésil. C’est son arrière-petit-fils, Enrique, qui a pris contact avec «Robert Pugin à Fanny», comme le mentionne une note de Gilbert Gremaud qui a retranscrit les écrits du major Ottoz.
Mais tous les Pugin ne partaient pas pour des destinations aussi lointaines. Dans les Souvenirs d’enfance, on trouve mention des Pugin à Tillon, famille de fromagers, qui s’expatriaient pour exercer leur art au-delà des frontières suisses, en Haute-Savoie, dans l’Ain, dans le Jura ou encore en Alsace.


La tête «un peu dure»
«Mon arrière-arrière-arrière… grand-père était parti s’installer au Châtelard, glisse Robert Pugin. Il y a trouvé une épouse et il est revenu au village.» Lui-même était le cadet d’une famille qui comptait une fille et sept garçons. Tailleur de formation, il est resté célibataire et habitait avec l’un de ses frères.
S’il a aimé voyager, il est resté fidèle à son village natal. «Et maintenant, je suis en vacances à Morlon.» Il y reçoit régulièrement des visites de ses neveux et nièces, notamment de Gilbert Pugin, qui était administrateur du CO de la Gruyère et du Collège du Sud avant sa retraite, comme l’après-midi de notre entretien.
Un trait de caractère commun aux Pugin? «On a un peu notre tête», affirme l’aîné, en jetant un regard amusé à son neveu. «Un peu dure, confirme le plus jeune. Tête de Pugin! était une remarque qu’on entendait souvent.»
Et de conclure par un éclat de rire, complice.

 

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La tour de Big Ben a été dessinée par un Pugin
Les représentants les plus fameux de la famille sont Auguste Charles Pugin et surtout son fils Augustus Welby Northmore Pugin, tous deux architectes. «Le premier est né à Saint-Sulpice, à Paris, en 1767 ou 1768, note Jean-Claude Romanens, généalogiste. Il est le fils de François Théodore Nabor Pugin, qui était suisse de porte chez le prince de Salm. Son hôtel particulier est l’actuel Palais de la légion d’honneur.» Quant au prince, il a été guillotiné en 1794.
Auguste Charles Pugin, lui, s’expatrie en Angleterre où il est formé à la Royal Academy dès 1792. Il contribue à la re-
découverte du style gothique et au développement du néogothique. Parmi ses élèves compte son fils, Augustus Welby Pugin, qui deviendra l’un des architectes britanniques les plus connus du XIXe siècle.
Un article paru dans le Guardian en février 2012, à l’occasion des 200 ans de la naissance d’Augustus Pugin, parle de ce dernier comme étant l’auteur du premier manifeste d’architecture de l’histoire. Un texte intitulé Constrasts et publié en 1836 qui «a eu une profonde influence sur les trois générations suivantes de designers urbains».
Augustus Pugin est connu pour ses constructions et ses restauration de lieux de culte. «A l’âge de 30 ans, Pugin a construit 22 églises, trois cathédrales, trois couvents, une demi-douzaine de maisons, plusieurs écoles et un monastère cistercien», détaille l’article du Guardian.
Mais c’est surtout pour son travail à Westminster qu’il reste dans les mémoires. A la suite de l’incendie du palais, en 1934, Augustus Pugin est recruté par l’architecte Charles Barry pour travailler sur le nouveau bâtiment du Parlement, à Londres. Un travail pour lequel il est mal payé. Ironie du sort, sa dernière contribution, en janvier 1852, est destinée à
devenir la plus célèbre. Il s’agit de la tour de l’horloge du palais de Westminster, souvent désignée par le surnom de Big Ben, donné à sa grande cloche. Quelques jours plus tard, Pugin sombre dans la psychose et meurt en septembre, à l’âge de 40 ans. SR

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