Le sanglier s’attaque aux pâturages

| jeu, 19. sep. 2013
En plus des cultures, le sanglier dévaste désormais aussi les pâturages et les prairies. Des mesures sont mises en place pour limiter le phénomène. Les déprédations coûtent cependant cher aux agriculteurs.

PAR JEREMY RICO

«Au bout d’un moment, ça fait mal. On est fiers d’avoir de belles cultures, un beau domaine et les sangliers saccagent tout en quelques minutes.» Raymond Pugin est un agriculteur désabusé. Sur ses terres, réparties entre Broc et Gruyères, il est régulièrement victime de déprédations dues aux sangliers. Rien n’y échappe. Ses champs de maïs et ses pâturages ont tout deux subis les assauts du suidé.
«Sur les 160 ares de ma parcelle de maïs, un quart est parti en perte totale, malgré l’installation d’une clôture. Pour les prairies, c’est pareil. La moitié des quatre hectares de mon domaine a déjà été labourée par des sangliers. Cette année ou durant l’hiver passé.»
La situation de l’agriculteur gruérien n’est pourtant pas une exception. Les dégâts sur les cultures ne surprennent personne. L’animal est bien connu pour son goût très prononcé pour le maïs. Dans les pâturages par contre, la problématique est plus récente. A la recherche d’oignons de crocus, dont il raffole, le sanglier n’hésite pas à labourer la terre sur plus de vingt centimètres.
De passage dans le district il y a quelques décennies, le mammifère s’est désormais installé chez nous, vivant jusqu’à plus de 1500 mètres.


Plusieurs facteurs
Face à cette problématique, les autorités cantonales ont décidé de réagir. En jouant sur plusieurs facteurs. La chasse d’abord. L’an passé, le nombre de sangliers abattus durant la période de chasse a atteint 139 individus, dont 30 en Gruyère. Un record. Problème: le suidé reste un animal difficile à traquer (lire ci-dessous). D’autres méthodes ont donc été mises en place.
«Depuis trois ans, nous pratiquons un agrainage dissuasif dans les lieux sensibles», explique Marc Mettraux, responsable du Service faune, biodiversité, chasse et pêche à l’Etat de Fribourg. «Cette méthode consiste à disséminer dans la forêt quelques kilos de maïs, pour garder les individus dans la zone. Nous avons également installé des pièges photographiques et des places de tir. Pour l’instant, il s’agissait de mesures ponctuelles. Nous allons désormais les utiliser de manière plus systématique.»
Autre nouveauté, certaines routes, interdites en période de chasse, pourront cette année être empruntées par les tireurs. Cela sera notamment le cas sur les hauts de Villarvolard et Villarbeney. Le but: permettre aux chasseurs d’atteindre les sangliers dans des lieux plus reculés.


Reboucher les trous
Autant d’efforts qui semblent porter leurs fruits. Comme dans la plupart des régions du canton, Michel Pharisa, garde-faune en charge de la zone allant de la rive gauche du lac de la Gruyère à Grandvillard, note une baisse des déprédations agricoles. Impossible toutefois d’éradiquer le problème.
Pour les agriculteurs lésés, un système d’aide a ainsi été mis en place. Lors de dégâts inférieurs à 1000 francs, le garde-faune se déplace et effectue lui-même l’estimation des dommages, en collaboration avec l’agriculteur. En plus des travaux de remise en état, la perte de production est prise en compte. «En moyenne, les indemnités sont de l’ordre d’environ 2000 francs par hectare détruit, calcule Marc Mettraux. Ces sommes sont versées aux agriculteurs par le fonds de la faune.»
Sur le seul district de la Gruyère, le montant des indemnités s’élève à près de 20000 francs pour l’année 2012. Un chiffre stable, que les autorités cantonales jugent raisonnable.


Des pertes tout de même
Malgré de telles aides, les déprédations dues au mammifère coûtent cher aux agriculteurs. Ainsi, pour les dommages subis sur ses champs de maïs, Raymond Pugin a touché moins de 30 francs par are. Loin des pertes réelles de l’agriculteur de Broc.
«Sans parler de la clôture, l’achat des grains de maïs me coûte déjà 33 francs par are. Je perds aussi de l’argent au moment de la récolte. Les dégâts touchaient une quarantaine d’ares éparpillés sur les 160 que compte le champ. J’ai donc dû payer la récolte du champ en entier, alors que seuls 120 ares étaient intacts.»
En ce qui concerne ses prairies, l’agriculteur salue tout de même la force de travail qui lui a été mise à disposition. Durant trois jours, plusieurs chômeurs de l’association VAM, qui lutte pour des mesures actives sur le marché du travail, lui ont prêté main-forte. Au programme: reboucher les trous laissés par les sangliers. Une tâche impossible à effectuer à l’aide d’une machine. «Pour les gros dégâts, nous sollicitons régulièrement cette association, lâche Michel Pharisa. Nous avons également recours à des candidats au permis de chasse. Ces travaux sont comptabilisés dans leur cursus pour obtenir le permis.»
Cependant, les agriculteurs ne cultivent pas leurs terres pour toucher des indemnités. Reste alors un casse-tête pour les autorités: «Nous devons garder des sangliers pour la diversité et les chasseurs, mais pas trop pour éviter des problèmes aux agriculteurs. C’est une tâche parfois contradictoire.»

 

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Chasse difficile et règles strictes
Pour diminuer les dégâts provoqués par les sangliers, une solution saute aux yeux: réduire leur population en les chassant. Plus facile à dire qu’à faire. Le suidé est difficile à traquer. «Il faut le chasser très tôt le matin, ou tard le soir, explique Roger Jaquet, président de la Diana de la Gruyère. C’est un animal rapide, très malin, qui sait très bien se cacher. L’idéal est de le chasser à partir du mois de décembre. On peut suivre ses traces dans la neige.»
Présent un peu partout en Gruyère, de la Berra à l’Intyamon en passant par la forêt de Bouleyres, le sanglier a su profiter de son cadre de vie.
Depuis la tempête Lothar en 1999, il profite de petites clairières dans les forêts gruériennes. Au frais, caché dans les ronces, il est souvent inatteignable pour les chasseurs. Surtout, l’animal ne peut pas être chassé n’importe comment. Pas de quota maximal, comme pour le cerf.
Mais une période bien précise, allant de septembre à la fin décembre en montagne. Un mois de plus en plaine. Sa chasse obéit également à des règles strictes: «En montagne, il est interdit d’organiser des battues, rappelle Michel Pharisa, garde-faune. Le sanglier peut par contre être chassé à l’affût. La méthode de la poussée peut aussi être utilisée. Dans ce cas, plusieurs chasseurs traversent une zone à pied, avec des chiens.
Mais ceux-ci doivent absolument être tenus en laisse. La battue, qui consiste à envoyer des chiens à la poursuite des bêtes, ne peut être utilisée qu’en plaine.» JR
 

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