PAR YANN GUERCHANIK
Le 11 janvier 2011, des pluies dévastatrices et des glissements de terrain faisaient entre 700 et 800 morts ainsi que 10000 sans-abri à Nova Friburgo et dans ses environs. Aujourd’hui, cette région brésilienne peine encore à se redresser. Beaucoup reste à faire. Du côté de l’Association Fribourg-Nova Friburgo (AFNF), l’heure est au bilan. Et ce dernier est plutôt réjouissant. «Nos principaux projets ont presque tous été réalisés», s’est félicité le président Raphaël Fessler.
Mardi matin, l’association avait convoqué la presse au sommet du Moléson. «Ce sont des vallées alentours que sont partis beaucoup d’émigrés au début du XIXe siècle. Sur les 830 Fribourgeois, 400 étaient gruériens», a relevé le président. Le lieu se prêtait tout aussi symboliquement à la présentation de l’équipe de la Casa Suiça (voir ci-dessous). En visite dans la région, ses membres sont venus avec un fromage «Moléson» sous le bras, celui qu’ils produisent au sein de la Maison suisse, située à 22 km du centre-ville de Nova Friburgo.
Projets déjà inaugurés
La campagne menée au lendemain de la catastrophe aura permis de récolter plus de 361000 francs, dont 100000 fr. ont été octroyés par le Conseil d’Etat. Elle a mobilisé 440 donateurs, tous statuts confondus. A ce jour, trois projets ont non seulement été réalisés, mais sont d’ores et déjà inaugurés. C’est le cas de la Maison des pauvres de Saint-Vincent de Paul (pour un montant de 110000 fr.), d’un foyer de jour pour handicapés (60000 fr.) ainsi que d’une maison de quartier à Amparo (40000 fr.).
A cela s’ajoute une fondation pour les jeunes défavorisés, réalisée pour 20000 fr., et une crèche de quartier, à Corrego Dantas, en cours de réalisation grâce à une somme de 80000 francs. Quant au projet de formation de deux géologues brésiliens en Suisse: «Il est à mi-chemin», fait savoir Raphaël Fessler. Après un premier bénéficiaire formé en 2012, une deuxième candidature est attendue.
«95% des fonds attribués»
Au terme de son action caritative, l’association se dit particulièrement satisfaite du taux de fonds attribués. Selon la Fondation Zewo, qui a pour objectif d’assurer la transparence et la loyauté sur le marché du don en Suisse, le taux moyen pour les organisations caritatives de petites tailles est de 73%. L’Association Fribourg-Nova se félicite de dépasser cette référence avec près de 95% de fonds attribués.
«C’est aussi une manière de rassurer tous ceux qui ont pu croire que l’argent avait été perdu, volé ou oublié, insiste Raphaël Fessler. Il a souvent été question dans une certaine presse brésilienne et suisse d’argent détourné à Nova Friburgo, mais il ne s’est jamais agi de l’argent des Suisses.» Et le président de préciser: «Cet argent a toujours été versé sur le compte “catastrophe” de la Maison suisse au Brésil, une fondation sous le contrôle de notre association et de celui du consul général de Suisse à Rio. Jamais il n’a transité par la préfecture.»
Les comptes de l’association seront par ailleurs vérifiés par une fiduciaire indépendante et un rapport sera remis au Conseil d’Etat. Enfin, le président de l’AFNF a salué la décision du canton de poursuivre son soutien «à raison de 11000 fr. par an pour le suivi du fonctionnement de la Casa Suiça de 2013 à 2018». A cela s’ajoute la contribution de la Loterie romande «qui vient de confirmer un don de 80000 fr. pour la réfection du toit».
Parmi les projets à venir, l’AFNF caresse l’espoir d’organiser des actions en lien avec la Coupe du monde de football qui se déroulera au Brésil en 2014, surtout si l’équipe de Suisse est de la fête. «En collaboration avec les agences touristiques fribourgeoises, nous voudrions organiser des visites de Nova Friburgo qui se situe à 130 km seulement de Rio, a expliqué Raphaël Fessler en marge de la conférence de presse. Une chose est sûre, chaque match de l’équipe de Suisse devra être une fête à la Casa Suiça!»
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La Casa Suiça à nouveau mise sur orbite
Décollage réussi pour la Casa Suiça. Autant du point de vue culturel qu’économique. De 2009 à 2013, la Maison suisse, administrée par l’Association Fribourg-Nova Friburgo (AFNF) et le consul suisse à Rio, a fait l’objet d’un plan de revitalisation soutenu par l’Etat de Fribourg et la Loterie romande à hauteur de 48000 fr. par an. Au terme du projet, la Casa Suiça est sur la voie de l’autonomie financière à 80%. L’autonomie complète est espérée pour 2018, année du bicentenaire de la fondation de Nova Friburgo et des 40 ans de l’AFNF.
Mauricio Pinheiro aura été le principal artisan de cette nouvelle dynamique. Sur le plan culturel, il a mis en place une nouvelle équipe dirigée par Rosane Canto. Le mémorial des émigrés, la bibliothèque, la salle d’exposition et celle dédiée au compositeur Pierre Kaelin ont été rénovés et disposent à présent d’un nouveau système multimédia. Du personnel a été formé et une «boutique suisse» a été créée à la réception.
Un renouveau à la fromagerie
Mais la révolution vient de la fromagerie et de son nouvel exploitant, Marc-Aurelio Grillo. Directeur de la société SM4, il possède déjà une ferme et une fromagerie qui transforme quotidiennement quelque 20000 kg de lait. La fromagerie, la chocolaterie et la boutique de la Casa Suiça représentent 10% de ses activités. Le Brésilien place beaucoup d’ambition dans les produits de la Maison suisse déposés sous la marque Frialp.
Cette dernière lui permet d’entrer dans une catégorie de fromages de qualité supérieure. Sur la lancée, il aimerait ouvrir une boutique Frialp dans un quartier chic de Rio. Dernièrement, il a créé une fête du chocolat qui a remporté «un grand succès». Cette semaine, Marc-Aurelio Grillo se rend d’ailleurs chez Nestlé pour établir des coopérations.
«Nous avons complètement réévalué notre instrument de travail», relève Mauricio Pinheiro. Résultat: les installations sont dorénavant louées conformément aux prix du marché, soit 6500 fr. par mois au lieu de 2500 fr. Alors que l’ancien exploitant stagnait avec un traitement de 800 kg de lait par jour, le nouveau prévoit d’atteindre la capacité maximale de 10000 kg quotidiens d’ici à 2014 en changeant progressivement les équipements. Il sera dès lors en mesure de reverser 2% du chiffre d’affaires pour la mission socioculturelle de la Casa Suiça.
Un véritable changement de paradigme pour Mauricio Pinheiro: «Ainsi nous ne sommes plus entièrement dépendants de l’argent que nous recevons, notamment de l’Etat de Fribourg. Nous pouvons contribuer au fonctionnement avec notre propre budget. De spectateurs, nous sommes devenus des acteurs.» YG
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