Avec l’équipe de Suisse, il tire sur tout ce qui trouble

| jeu, 16. Jan. 2014
Marcel Enkerli est le chef de délégation de l’équipe nationale. Vice-champion du monde le printemps dernier, le Singinois vivra ses premiers JO à Sotchi. Il explique son travail dans l’ombre.

PAR THIBAUD GUISAN

Il se définit comme un troubleshooter. Littéralement, un gars qui tire sur tout ce qui trouble. En l’occurrence, ce qui peut perturber la bonne marche de l’équipe nationale de hockey sur glace. Marcel Enkerli, 56 ans, est le chef d’équipe de la Nati. Une fonction qu’il occupe aussi à Fribourg-Gottéron et pour le Team Canada.
Le 4 février, le Singinois – il habite à Saint-Ours et a grandi à Flamatt – s’envolera pour Sotchi où il vivra ses premiers jeux Olympiques. L’équipe nationale – qui ne comprendra, sauf miracle, pas de joueurs fribourgeois – suivra et arrivera le 6 février en Russie. «J’aurai deux jours pour vérifier que tout le matériel est bien arrivé, que les chambres sont en ordre au village olympique et que le vestiaire est prêt. Je devrai aussi voir où on pourra organiser des réunions d’équipe.»


Du bus à la machine à laver
Voilà une des tâches du polyvalent chef d’équipe. «Je suis responsable pour tout ce qui arrive hors de la glace. Je dois être prêt à réagir vingt-quatre heures sur vingt-quatre.» Le Singinois fait par exemple le lien avec les chauffeurs de bus, peut être amené à organiser un repas après le match («le médecin décide du menu») ou à trouver une machine à laver le linge pour le chef matériel. «Par contre, les hôtels ou les voyages sont réservés par la fédération suisse.»
Les matches de l’équipe nationale, Marcel Enkerli les vit en tribunes, où il occupe la fonction de statisticien. «Un accent particulier est mis sur les chances de buts, les engagements et les checks.» Le Fribourgeois est accompagné des trois surnuméraires (sur 25 joueurs, 22 peuvent être inscrits sur la feuille de match). Au tiers-temps, le chef d’équipe descend aux vestiaires transmettre ses observations aux assistants de l’entraîneur Sean Simpson. «Ce n’est pas mon job d’avoir de l’émotion durant les matches. Ça n’apporte rien, si ce n’est de la déconcentration.»
Marcel Enkerli touchera ses habits officiels de Swiss Olympic le 24 janvier prochain. Mais c’est déjà en 2007 qu’il a endossé le costume de chef d’équipe de Suisse. Il a vécu six championnats du monde, dont la récente épopée de Stockholm où la Nati a été sacrée vice-championne du monde.


La cote du bowling
Le groupe a ses rituels. La tâche du chef d’équipe, c’est aussi d’organiser une activité extrasportive avant le début de la compétition. «C’est important pour renforcer la cohésion. On par­le d’autres choses que de hockey.» Le bowling a la cote. «Ça dure deux heures, tout le monde est relax et on rigole bien. Les activités hors glace amènent du respect des joueurs vis-à-vis du staff. Chacun est important dans son rôle. Et au bowling, au golf ou au tir à l’arc, le médecin peut gagner le tournoi interne.»
En 2010 à Mannheim, l’équipe de Suisse s’était offert une séance de karting. En 2011 à Kosice, elle s’était retrouvée sur une piste de luge d’été, sur une colline en dehors de la ville. Le printemps dernier, à Stockholm, elle a effectué un petit tour du port en bateau. «D’autres fois, on va juste manger un bon morceau de viande.» Particularité: ces activités ne sont annoncées que quelques heures à l’avance. Pour éviter les défections.
Autre rituel d’avant-compétition: la répartition des chambres à l’hôtel. «En général, le plus âgé ou le plus capé peut choisir la seule chambre simple à disposition des joueurs. Pour le reste, Sean Simpson fait ses choix en fonction des affinités. C’est important de pouvoir discuter d’un match avec un coéquipier avec qui on s’entend. Le succès, c’est l’accumulation de tout petits détails.» Dans l’équipe, certains ont leurs habitudes. «Par exemple, Seger partage souvent sa chambre avec Blindenbacher.»


Le respect de Sean Simpson
De son côté, Marcel Enkerli commence à bien connaître Sean Simpson. «J’ai vécu six Coupes Spengler avec lui. Je sais comment il fonctionne.» Alors, il est comment le sélectionneur? «Il dit les choses de manière honnête. Et il est très fort pour sentir les joueurs et imposer un respect mutuel.»
Le soir, à l’heure du souper, figure aussi le programme du lendemain. Marcel Enkerli inscrit les horaires sur un flip chart, un tableau de conférence: quand, quoi, où. La scène est parlante. «On dit qu’on peut perdre une guerre pour deux raisons: à cause d’un manque de nourriture ou d’une mauvaise communication. Le hockey, n’est évidemment pas une guerre, mais la comparaison est valable», glisse le troubleshooter.

 

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L’argent de Stockholm au bout des doigts
«L’émotion la plus forte, c’est quand on a gagné la demi-finale contre les Etats-Unis. On était assurés de gagner une médaille.» A Stockholm, Marcel Enkerli a vécu l’exploit de l’équipe de Suisse, vice-championne du monde le 19 mai 2013. Seuls regrets: évidemment la défaite en finale – 5-1 face à la Suède – et l’absence de médaille pour le chef d’équipe lors de la cérémonie protocolaire. «Il y en avait 33. Or, nous étions 38. La fédération a commandé des supplémentaires. J’ai reçu la mienne lors de la réunion d’avant-saison, fin juillet à Wetzikon. Ça avait moins de saveur.»
En revanche, le Singinois est fier de sa bague. Un exemplaire personnalisé – «avec nom ou surnom à choix» – a été offert à chaque joueur et membre du staff. «Je la porte à chaque match de l’équipe de Suisse. Chaque fois que je l’enfile, je ressens des frissons.» La bague est une tradition nord américaine réservée d’habitude aux champions. «Oui, mais notre médaille d’argent, c’est comme un titre de champion», justifie Marcel Enkerli.


«La rapidité, notre force»
En connaisseur de hockey – il a joué en 1re ligue et a été entraîneur d’équipes juniors et féminines – le Singinois apprécie également les progrès de l’équipe de Suisse. «Le jeu a changé avec Sean Simpson, estime-t-il. Il mise davantage sur le jeu offensif que Ralph Krueger, même s’il n’ou­-blie pas la défense. D’ailleurs, à Stockholm, l’équipe n’a pas encaissé beaucoup de buts (n.d.l.r.: 16 en 13 mat­ches). Ralph Krueger prônait un jeu plus attentiste, plus tourné vers la préservation d’un résultat. Ça lui a aussi apporté du succès. Mais, aujourd’hui, la force de l’équipe, c’est la rapidité. A l’entraînement, Sean Simpson met l’accent sur la vitesse. C’est une des clés du succès. En plus, avec des joueurs comme Ambühl, Hollenstein ou Cunti, on est servi.»
S’il espère participer la cérémonie d’ouverture le 7 février à Sotchi – «ça dépendra du nombre de places auquel la Suisse aura droit» – Marcel Enkerli ne parle pas d’objectif pour l’équipe de Suisse aux JO. «Ce n’est pas mon rôle», coupe-t-il. Une chose est sûre: la Nati sera attendue après son exploit de Stockholm. Alors, un cadeau empoisonné cette médaille d’argent? «Non, c’est un grand plus pour le caractère et la confiance de l’équipe. Elle se sait capable de gagner. C’est comme au golf. Quand on est capable de faire un grand coup pour se sortir d’affaire, on s’énerve moins quand on se rate.»
A Sotchi, dans son groupe C, la Suisse affrontera la Lettonie (12 février), la Suède (14 février) et la République tchèque (15 février). TG

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