PAR SOPHIE MURITH
Le château de Gruyères se découpe dans le ciel étoilé. En ce vendredi soir, la bise siffle entre les bâtiments du monument et les pas crissent sur le gravier et la neige gelée de l’esplanade. En blousons siglés et bardés de mallettes en aluminium chargées de caméras infrarouge, de détecteurs d’ondes magnétiques et d’enregistreurs, les sept membres de XBI Paranormal Investigations investissent la demeure des comtes de Gruyères. Et on exagère à peine...
Ces enquêteurs sont venus tout exprès de France pour vérifier et appuyer par des photos et des enregistrements les sensations de présence d’«entités» ressenties par Massimo, médium, fondateur et président du groupe bénévole, et Isabelle, l’une de ses membres, lors de leur visite deux semaines plus tôt (La Gruyère du 14 janvier).
Dans le hall d’accueil, Massimo prend les choses en main. Pas de temps à perdre, il est déjà 21 h. Une visite rapide – «l’esprit libre, pour sentir les lieux» – est organisée avec le conservateur. Raoul Blanchard fouille son impressionnant trousseau pour trouver la bonne clé. «Je les connais toutes, mais je n’ai pas l’habitude de chercher dans le noir.»
Tout a été éteint au château pour permettre aux investigateurs de travailler dans des conditions optimales. Et dans l’obscurité, les pièces, connues depuis l’enfance, se parent d’un mystère tout inédit. Dans ces conditions, tout semble possible.
Le protocole est décidé. Chacune des trois équipes analysera les salles qui ont été choisies lors de la visite préliminaire. Une heure par étage, du rez-de-chaussée au deuxième, sans oublier les extérieurs et la chapelle.
Localiser les interférences
Des caméras infrarouges en circuit fermé d’une portée de cinq à six mètres sont installées pour enregistrer une éventuelle activité en l’absence des investigateurs. Les films seront analysés ultérieurement.
A 22 h, toutes les équipes sont opérationnelles. On s’encourage: «Bonne chasse!» Avant tout, un relevé de la pièce est effectué pour détecter les nuisances: tableau électrique, câblage dans les murs, radiateurs en marche, ferraille. Isabelle, Massimo et Abdel, qui se décrit comme un sceptique, déposent ensuite l’enregistreur et les détecteurs d’ondes électromagnétiques dans une zone neutre.
«Nous sommes ici aujourd’hui pour entrer en contact avec vous. Pour vous manifester, vous pouvez vous approcher des petites boîtes qui font de la lumière ou d’un objet qui vous est familier, faire du bruit», lance Massimo dans le vide de la chambre ronde de la Belle Luce. «Y a-t-il quelqu’un dans la pièce avec nous? Si nous vous gênons, vous pouvez nous le dire», tente Isabelle.
Les flashes crépitent durant la séance pour tenter de capter un halo, une présence. Le cœur battant, impossible de détacher son regard des détecteurs d’ondes électromagnétiques. Ils ne bronchent pas. Seule anomalie, la caméra, pourtant chargée à bloc, s’arrête à plusieurs reprises. «Vous vous amusez avec notre matériel?» interroge Massimo. Pas de réponse. Finalement, on est presque déçus.
Juste un courant d’air
Après plusieurs tentatives de communications infructueuses, Isabelle, Massimo et Abdel changent de pièce. Le plancher craque sur leur tête. «C’est l’équipe B.» Aucun contact ne sera établi au premier étage.
Les marches de l’escalier en colimaçon sont gravies prudemment, à la lueur des lampes torches. «On dirait le Club des cinq», ose Anita Petrovski, collaboratrice de Raoul Blanchard. Les investigations reprennent dans la salle d’art fantastique. Massimo sent une présence.
«C’est comme si elle nous scrutait. Vous sentez ce courant d’air qui tourne?» Frissons partagés, mais insuffisants pour convaincre les incrédules. Aucune manifestation n’est enregistrée sur les appareils. «La pièce était coupée en deux et on y dormait», avance Massimo. Raoul Blanchard confirme. Abdel pense avoir pris une photo étrange. «C’est comme si tu avais une ombre sur le dos», décrit-il. Le mystère est vite levé. «J’ai dû bouger pendant que tu faisais la photo», estime Massimo.
Il est 23 h. L’horloge sonne dans la salle de musique, la «fameuse». Lors de sa visite préliminaire, Massimo avait dit ressentir la présence d’un homme. «Il répétait: “Je suis chez moi, je suis chez moi”.» Rien de tangible ne le confirmera. Pas même le POD, le dernier instrument acquis par Massimo. «C’est un détecteur de champ magnétique.»
A minuit et demi, le château a été quadrillé. Trois fois. Massimo est épuisé. Mais rien de particulier n’a été constaté en direct. L’équipe repart vers la France. Bredouille, frissonnante, mais confiante. «Il nous reste beaucoup de matériel à analyser.»
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Deux sons intéressants
«On ne va pas inventer des choses.» Massimo, président du groupe XBI Paranormal Investigations garde la tête froide. «Notre pire ennemi au moment d’analyser le matériel recueilli durant d’une visite est la paréidolie.» Une illusion d’optique qui fait voir des formes humaines dans n’importe quel reflet. Lundi, après un week-end à écouter les fichiers audio et à scruter les images, Massimo rend prudemment son verdict. Deux enregistrements sont intéressants. «Ils doivent encore être analysés en termes de fréquences hertziennes, donc officiellement, je ne peux confirmer qu'il s'agit de voix anormales.» Une vidéo et une photo doivent aussi être étudiées. SM
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