PAR VALENTIN CASTELLA

Avec sa tenue de l’équipe nationale, Christophe Brodard est un homme heureux. Heureux et légitimement fier de raconter qu’il revient d’une escapade aux Etats-Unis, durant laquelle il a disputé quatre manches de Coupe du monde. Cette vie-là, le citoyen d’Arconciel l’a rêvée petit, lorsqu’il s’imaginait, comme tant d’autres, revêtir la combinaison nationale et triompher au pied de la Streif.
Sauf que le Sarinois n’avait pas imaginé que le destin lui réserverait une aventure différente et si particulière. Nous sommes le 23 novembre 2006. Au guidon de son scooter, Christophe Brodard se rend à son travail, heureux d’exercer le métier de mécanicien sur machines agricoles. Mais, ce matin-là, la vie de l’adolescent de 17 ans va être bouleversée par un choc frontal avec une voiture.

«Beaucoup de chance»
Résultat: dix jours de coma artificiel, un bras paralysé, un traumatisme crânien, l’occiput cassé, trois vertèbres tassées et fracturées, le fémur de la jambe gauche cassé, tout comme la rotule et les ligaments du genou, tous arrachés. «A un certain moment, les médecins ne savaient pas si j’allais survivre. J’ai eu beaucoup de chance.»
Alors que certains auraient pu s’apitoyer sur leur sort, Christophe Brodard a pris le parti de faire de cet accident une nouvelle page de sa vie. Une aventure placée sous le signe du sport et des défis permanents. Car le citoyen d’Arconciel, âgé aujourd’hui de 25 ans, a toujours été bercé par les activités physiques. VTT, lutte suisse, unihockey et ski alpin ont animé sa jeunesse.
Alors, lorsqu’il se réveille à l’hôpital après son accident et qu’il apprend que son bras gauche est paralysé: il se pose trois questions: pourra-t-il continuer son apprentissage, aura-t-il le droit de conduire et aura-t-il les moyens de poursuivre ses activités physiques. Logiquement, son apprentissage passe à la trappe. Aujourd’hui, il travaille dans un magasin de skis. Par contre, Christophe Brodard a pu acquérir son permis et continuer à skier.
Il se souvient: «En octobre 2007, avec la famille, on est partis skier pour la première fois. J’avais besoin de savoir si j’en étais toujours capable. Au départ, cela a été très difficile. Avec un bras attaché à son corps, il est très difficile de retrouver l’équilibre. Et puis, ma jambe gauche avait subi de lourds dégâts. Musculairement, je n’étais pas encore au point. Mais, ce jour-là, et même avant, je me suis tout de même dit que je pourrais peut-être tenter ma chance dans le sport handicap.» Une prise de contact plus tard, Christophe Brodard a été invité à prendre part aux championnats de Suisse. Une compétition qui devait faire office de course de sélection. «Malheureusement, quelques jours auparavant, j’ai participé à une manche de Coupe fribourgeoise et je me suis cassé le pouce.»
Ce n’était que partie remise pour le jeune Sarinois, qui est parvenu à faire ses preuves l’hiver suivant, en 2009: «J’ai commencé directement avec une épreuve de Coupe d’Europe. C’était le 11 décembre 2009. Deux jours plus tard, en course, je me suis fracturé le tibia. Une blessure qui m’a tenu éloigné des pistes pendant neuf mois.»

En Coupe du monde
Ce nouveau coup du sort n’a pas découragé Christophe Brodard, qui est reparti sans soupirer en rééducation pour retrouver la compétition l’automne suivant. C’est lors de l’hiver 2010-2011 qu’il a enfin eu tout loisir de démontrer ses qualités en disputant une saison complète sans blessure. C’est durant cette période également qu’il a pris, pour la première fois, le départ d’une manche de Coupe du monde. «J’ai participé à deux épreuves. L’objectif de l’entraîneur était que je découvre cet univers. Le niveau était élevé et les pistes beaucoup plus difficiles.»
La saison suivante sera celle de la confirmation. Figurant dans le tiercé des meilleurs athlètes du pays dans les disciplines techniques, notamment derrière le Singinois Michael Brügger, triple médaillé lors des championnats du monde en 2013, Christophe Brodard a confirmé les espoirs placés en lui en terminant 11e du classement général de la Coupe du monde. Classé 10e en géant lors des championnats du monde, il s’est finalement imposé comme l’un des meilleurs techniciens du pays.
Un statut et une confiance qui lui ont permis, l’automne dernier, de se qualifier pour les jeux Paralympiques de Sotchi. Celui qui rêvait, petit, de «percer dans le ski» mais qui s’était résolu à participer à la Coupe fribourgeoise aura finalement atteint son but. Comme quoi, parfois, un accident peut se transformer en une belle aventure.

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«Au moins un diplôme»
Du 7 au 16 mars, Christophe Brodard se retrouvera à Sotchi à l’occasion des jeux Paralympiques. Sa qualification, il l’a obtenue en début de saison, grâce à une première victoire internationale à l’occasion d’une course IPCAS, le niveau en dessous de la Coupe d’Europe. Depuis, le Sarinois skie en toute sérénité. La pression, il ne semble pas la ressentir: «Je commence à y penser, mais cela ne m’obsède pas. Je n’ai jamais vécu un si grand rendez-vous. J’ai hâte et j’espère pouvoir obtenir au moins un diplôme paralympique (n.d.l.r.: une place parmi les huit premiers).»
Pour pouvoir se rendre en Russie, le skieur parcourt le monde depuis plusieurs années maintenant. Que cela soit en Amérique du Nord ou en Europe: «J’ai la chance de travailler dans un magasin de skis et de bénéficier d’un 50%. Lorsque je suis dans la région, je m’entraîne le matin avant de me rendre au magasin. Sinon, je suis sur la route.»

Ce qui le contraint à assumer
un budget oscillant entre 20000 et 25000 francs par saison: «Je peux compter sur quelques sponsors et sur un fan’s club très actif qui m’aide beaucoup.» VAC