«Les monnaies nationales ne vont pas disparaître»

| jeu, 27. nov. 2014
Les paiements en bitcoins augmentent. Principaux atouts de cette monnaie virtuelle: la rapidité des transactions et leurs faibles frais. Un spécialiste a donné quelques réponses à des représentants de l’économie fribourgeoise.

PAR THIBAUD GUISAN

Le bitcoin interpelle. Cette monnaie virtuelle, née en janvier 2009, a ses supporters, ses opposants et beaucoup de sceptiques. Preuve des interrogations que pose ce nouveau moyen de paiement, Fribourg International a consacré un débat à la question. Mardi à Fribourg, une vingtaine de membres de l’association ont dialogué avec Benoît Curdy. Le Valaisan de
37 ans, domicilié à La Tour-de-Peilz, est un spécialiste des technologies émergentes. Interview.

Comment fonctionne le système bitcoin?
C’est un réseau informatique qui réunit une communauté d’utilisateurs. La condition pour l’intégrer est de télécharger un logiciel sur son ordinateur ou son smartphone et de se créer un compte. La plate-forme se présente comme un livre de comptes ouvert. Les participants au réseau visualisent toutes les transactions. Il existe plusieurs plates-formes parallèles. Mais bitcoin est de loin la plus utilisée.

Les échanges en bitcoins sont-ils importants?
Ils sont estimés à environ 100000 transactions par jour à l’échelle mondiale. Ce nombre est en augmentation, même si ce n’est pas encore le raz de marée. Cela va de la microtransaction à plusieurs milliers de bitcoins. La technologie est émergente.

Comment acheter des bitcoins?
Il faut se rendre sur une sorte de bureau de change en ligne spécialisé. Pour convertir ses bitcoins en francs suisses, c’est la même chose. Le bitcoin – l’unité monétaire est un long code crypté – est divisible jusqu’à 0,00000001 bitcoin. Des distributeurs de bitcoins, sortes de bancomats, existent aussi. Ils ont la même fonction. On en trouve à Genève et à Zurich.

Quel est l’intérêt d’utiliser une monnaie virtuelle plutôt qu’une devise nationale existante?
La rapidité de la transaction. Avec le bitcoin, elle s’effectue en moins d’une heure. Ensuite, les frais sont quasi nuls: ils se réduisent à quelques centimes, quel que soit le montant transféré. Enfin, tout est transparent: tous les participants au réseau voient comment l’argent se distribue.

Que peut-on payer en bitcoins?
Des billets d’avion et beaucoup de gadgets. Aujourd’hui, dans la vie de tous les jours, c’est une façon de se démarquer, un argument marketing. Mais une PME peut aussi payer des fournisseurs ou des services en bitcoins. C’est particulièrement intéressant si l’entreprise a des partenaires dans plusieurs pays différents. Ça lui évite de jongler entre le yen, l’euro, le dollar, le franc suisse.

Les bitcoins vont-ils remplacer les monnaies nationales?
Non, elles ne vont pas disparaître. Je ne vois pas l’intérêt de régler mon café en bitcoins. Parce que cette transaction n’occasionne pas de difficultés. Plus généralement, à l’intérieur d’un même pays, les paiements en bitcoins ont peu d’intérêt. D’autant plus dans un pays politiquement stable comme la Suisse.

Alors, pour quels paiements le bitcoin est-il intéressant?
Les transactions internationales. C’est celles qui prennent du temps et qui occasionnent de gros frais. Prenez un virement de la Suisse vers le Venezuela. Ça m’a pris une semaine. Le destinataire a cru qu’il n’avait pas été payé. Ça a été de gros tracas. En bitcoins, ça n’aurait pris qu’une heure. Autre cas de figure: les virements d’argent effectués par les travailleurs immigrés dans leur pays d’origine. Les frais de transaction atteignent vite 10% du montant transféré. Avec le bitcoin, on n’a pas d’intermédiaire ni de frais. D’ailleurs, les cartes de crédit devraient souffrir du développement des paiements en bitcoins.

Quel est le cours du bitcoin?
Il vaut environ 350 dollars. A son lancement, le 3 janvier 2009, il ne valait rien. Ensuite, il est monté jusqu’à 1000 dollars, avant de redescendre. Le cours découle de la loi de l’offre et de la demande. Le manque de stabilité est toutefois un problème.

La force d’une monnaie reflète aussi la vitalité économique d’un pays ou d’un espace économique. La confiance dans le bitcoin – qui n’a pas le soutien d’un Etat – n’est-elle pas très fragile?
C’est surtout une question d’acceptation mentale. Et de philosophie: la naissance du bitcoin s’inscrit dans un mouvement libertaire visant justement à échapper au contrôle d’un Etat. La confiance, on la place dans l’algorithme. Il est tellement sécurisé qu’il n’y a pas besoin d’agent régulateur extérieur. Mais quand vous achetez des actions, vous n’êtes pas non plus certain de la valeur qu’elles auront dans dix ans. Il y a des indicateurs qui soulignent la solidité du système: le nombre de transactions, les recherches scientifiques. La création de nombreuses start-up liées au bitcoin dans le secteur financier montre aussi que c’est plus qu’un effet de mode.

Les avoirs en bitcoins échappent-ils à l’impôt?
Non. Il appartient au contribuable de déclarer sa fortune, en bitcoins, comme dans d’autres monnaies. Le cadre légal est suffisant. Les transactions en bitcoins sont en revanche soumises à la Loi sur le blanchiment d’argent. D’ailleurs, l’anonymat n’est pas garanti: les transactions sont certes anonymes, mais, derrière chaque compte, il y a un individu. Au même titre que chaque utilisateur d’internet peut être retrouvé grâce à son adresse IP.

Dans votre exposé, vous dites que le bitcoin offrira d’autres perspectives qu’un seul moyen de paiement. Lesquelles?
Le protocole pourrait servir à payer et à ouvrir une voiture de location. L’entreprise de car sharing saurait immédiatement qui est dans la voiture. Pareil pour une chambre d’hôtel. On peut aussi imaginer des assurances basées sur la technologie Bitcoin. On pourra définir que si tel événement a lieu – par exemple une catastrophe naturelle – un versement se déclenchera de tel compte à tel compte selon telles conditions. L’avantage, c’est les faibles coûts d’infrastructure et la transparence des transactions. C’est dans cette direction que je vois des révolutions colossales permettant de simplifier la vie des gens.

Dans dix ans, le bitcoin existera-t-il toujours?
Oui, mais l’intérêt ne sera pas seulement le moyen de paiement. On utilisera le bitcoin sans forcément le savoir. C’est comme aujourd’hui avec internet. Tout le monde surfe sur le Web. Mais qui sait ce que veut dire «protocole http»?

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