PAR FRANCOIS PHARISA
Situé sur le site de l’ancien arsenal à Bulle, un grand hangar de forme convexe intrigue. A quoi peut bien servir cette immense bâtisse, surnommée la «halle Landi»? A-t-elle un lien avec la célèbre enseigne jaune et verte ou son origine est-elle tout autre? C’est pour répondre à ces questions, qu’on lui a si souvent posées, que Willy Schafer, ancien chef de l’arsenal fédéral de Bulle et de la place d’armes de Drognens, a entrepris de retracer l’historique de cet étrange bâtiment.
Pour ce faire, ce retraité de 79 ans s’est basé sur les nombreux documents déposés aux Archives fédérales et à la Bibliothèque nationale, ainsi que sur des entretiens tenus avec Thomas Urfer, l’architecte responsable du transfert et de la reconstruction du bâtiment à Bulle. Le résultat de ces recherches, décrit dans une brochure illustrée d’une trentaine de pages (prochainement disponible dans diverses bibliothèques de la région), est pour le moins surprenant.
Au centre de la fête
En 2010, le site de l’arsenal a été vendu par l’armée à une société privée. Depuis, une grande partie des locaux ont subi un important lifting. Seule la halle Landi, enregistrée au patrimoine national et donc protégée, est restée en l’état. Aujourd’hui à moitié vide, elle sert d’entrepôt provisoire à quelques sociétés, fonction qui contraste avec sa glorieuse origine.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Zurich reçoit la quatrième Exposition nationale. Le terme allemand pour désigner cette manifestation patriotique, Schweizerische Landesausstellung, est abrégé dans le parler populaire en «Landi». La halle des fêtes, érigée à l’occasion pour accueillir 1000 figurants sur scène et 5000 spectateurs, est rapidement affublée de ce diminutif. Aux vastes dimensions (103 m de long, 45 m de large et 18 m de haut, pour une surface de 4600 m2), elle est ouverte en son centre et séparée en deux espaces distincts.
L’un d’eux est par la suite transposé, en 1941, à Kehrsatz, près de Berne. Il sert successivement de halle de gymnastique puis de dépôt de foin. «En 1994, le Service des constructions fédérales décide d’une nouvelle implantation à Bulle», se souvient Willy Schafer. L’arsenal fédéral du chef-lieu gruérien devient le nouveau propriétaire.
Entrepôt militaire
Au total, le transfert de la bâtisse en Gruyère, incluant son démontage, son transport et sa reconstruction à l’identique (plus un complément de structure métallique et des blocs d’ancrage en béton) a coûté près de 4 millions de francs. «Cet achat a permis de rationaliser l’exploitation de l’arsenal, rappelle son ancien chef. Auparavant, les dépôts étaient dispersés dans quinze baraques différentes, à Broc, Charmey, Vuisternens-en-Ogoz et dans le Gibloux.»
La halle Landi complète le dispositif de l’arsenal, alors centre de compétence de génie et de sauvetage pour l’ensemble de la Suisse romande. Des plateformes, reliées entre elles par un ascenseur, sont aménagées pour gagner en superficie. «Le matériel de génie léger était entreposé à l’étage, alors que les pièces lourdes, notamment des éléments de construction d’abris souterrains, occupaient les 2800 m2 de rez-de-chaussée», relève le Bullois originaire de Heitenried.
Futur incertain
Ces dernières années, la halle a suscité de multiples projets, tous mort-nés, la faute notamment à son absence d’isolation thermique: patinoire artificielle, restaurant, caserne des pompiers, centre ludo-sportif ou encore salle de théâtre. Cette dernière hypothèse possède les faveurs de Willy Schafer: «Pensée et édifiée pour l’Expo nationale comme une salle de spectacle, il serait souhaitable qu’elle renoue un jour avec ses origines.»
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