Un égyptologue gruérien traque les prépharaons

| mar, 30. déc. 2014
Depuis très jeune, Xavier Droux sait qu’il veut devenir égyptologue. Il termine une thèse sur l’époque prédynastique dans la célèbre université anglaise. En parallèle, il participe à des fouilles dans le sud de l’Egypte.

PAR SOPHIE ROULIN

Egyptologue, la profession n’est pas banale. On l’imagine aussitôt avec un chapeau à la Indiana Jones et un gilet couleur sable sur le dos, ses multiples poches emplies de loupes, de pinceaux, de sachets prêts à accueillir les découvertes intéressantes… Xavier Droux, 34 ans, est probablement le seul égyptologue gruérien, alors que les fribourgeois se comptent sur les doigts d’une main. Il termine actuellement une thèse consacrée à l’Egypte prédynastique.
Et, s’il revêt le costume de l’homme de terrain quatre à cinq semaines par an, le Bullois passe plus de temps dans les tiroirs des musées et les travées des bibliothèques qu’au bord du Nil. Son travail de recherche porte en effet essentiellement sur des objets appartenant aux collections de musées, en particulier le Musée Ashmolean de l’Université d’Oxford. «Les fouilles ne représentent qu’une toute petite partie de ma thèse. Par contre, ce travail de terrain m’aide beaucoup pour comprendre les choses.»
Surtout quand il permet au Gruérien de participer à des découvertes importantes, comme cela a été le cas en mars dernier. «Nous avons probablement mis au jour la tombe la mieux préservée de l’époque concernée (le 4e millénaire av. J.-C.).»


L’Egypte, depuis très tôt
Son intérêt pour la civilisation égyptienne, Xavier Droux le fait remonter au début de l’adolescence. «Je n’ai pas de souvenir précis, d’un déclic. C’était probablement lié à un cours d’histoire ou à une émission TV.» Le Bullois ne s’explique pas non plus pourquoi l’Egypte. «Les autres civilisations m’intéressent aussi. Mais, très tôt, ça a été l’Egypte.»
Dès la troisième du cycle d’orientation, il n’hésite pas. Ce sera le Collège du Sud, puis l’Université de Genève, la seule de Suisse avec Bâle à proposer une filière en égyptologie. Il obtient sa licence (ancêtre du master) en 2005.
Durant son cursus, il passe un an à Oxford pour étudier du matériel non publié. «C’est le coup de foudre!» Pour pouvoir poursuivre son parcours en Angleterre, le Bullois doit trouver un financement. Il termine donc sa licence, puis enseigne au CO de Bulle et codirige un travail de maturité au Collège du Sud.
En 2007, il décroche une bourse de la Fondation Berrow, qui soutient six ou sept ressortissants suisses qui souhaitent étudier à Oxford. «Pendant trois ans, cette bourse prenait en charge les frais universitaires et proposait un soutien pour vivre. L’objet de mes recherches, en revanche, m’appartenait.»
Xavier Droux décide alors de se spécialiser dans le 4e millénaire avant J.C. «Ce qui correspond à la période de formation de la civilisation égyptienne.» Un choix qu’il explique par trois raisons: encore peu étudiée, cette période présente un large potentiel de recherche; le musée d’Oxford dispose d’une des meilleures collections de cette époque; le Gruérien participait déjà chaque année à des fouilles sur un site datant du 4e millénaire av. J.-C. Pour sa thèse, le Bullois s’intéresse plus particulièrement aux animaux, à leur représentation dans les tombes et à l’utilisation pratique ou symbolique de leurs ossements.


La vie estudiantine
Mais les travaux n’avancent pas aussi vite que prévu. D’une part, parce que Xavier Droux s’investit beaucoup dans la vie estudiantine, en prenant des responsabilités dans le collège auquel il est rattaché, le Collège Lincoln qui compte plus de 600 étudiants. «On ne connaît pas d’équivalent en Suisse, mais cela correspond à une communauté à la tête de laquelle un comité s’occupe de gérer la vie des étudiants et de défendre leurs intérêts en discutant des loyers, des prix des repas, etc.»
D’autre part, en 2010, le Gruérien est engagé par le Musée Ashmolean, la plus ancienne collection publique d’Angleterre. «Je faisais partie de l’équipe chargée de refaire l’exposition des galeries égyptiennes.» En deux ans, quelque 80000 objets sont inventoriés, catalogués, déplacés et mis en valeur pour certains.
«J’ai repris mes travaux de recherche en 2012 et j’essaie de me consacrer principalement à cela pour terminer au plus vite.» Son ambition est de rendre son mémoire en février. «Avec la soutenance et les corrections, je suis probablement à Oxford encore jusqu’à l’été.»
La suite? «Si possible un postdoctorat ou, pourquoi pas, un job dans un musée. Je préférerais cela à un poste dans l’académique, pour le contact avec les objets.» Il sait que les places sont chères. «Mais je ne m’imagine pas faire autre chose, donc…»

 

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La tombe 72, quasi intacte
Depuis 2003, Xavier Droux prend quatre à cinq semaines par année pour aller fouiller un cimetière à Hiérakonpolis, comme les Grecs ont renommé Nekhen, ville de l’ancienne Egypte située à mi-chemin entre Louxor et Assouan. Des fouilles placées sous la direction de l’égyptologue américaine Renée Friedman. «Les tombes sur lesquelles nous travaillons accueillaient l’élite prédynastique. Et, cette année, nous avons été particulièrement chanceux.» L’équipe qu’il supervisait a trouvé une tombe quasi intacte.
«Celle-ci avait probablement été désacralisée quelques années après la mise en tombe. Car les ossements de la personnalité ont été retrouvés en dehors de la sépulture. En revanche, tous les objets et les autres ossements accompagnant le mort étaient en place.» Surmontées d’une structure en bois, les tombes de Hiérakonpolis sont probablement les plus anciennes structures funéraires construites hors sol d’Egypte. «Elles pourraient avoir inspiré les premières pyramides», note le spécialiste.


Le pillage comme risque majeur
Pour l’époque concernée, cette tombe, qui porte le numéro 72, est «la» découverte. Pour l’ensemble de ses objets, parmi lesquels une statuette d’une trentaine de centimètres représentant un proto-roi ou un dieu, sculpté dans une défense d’hippopotame, ou un peigne surmonté d’un hippopotame. «Cet animal symbolisait le pouvoir», commente Xavier Droux.
«Auparavant, j’ai déjà eu l’occasion de faire quelques découvertes intéressantes, note l’égyptologue. Mais si je peux mettre au jour de telles découvertes une fois tous les dix ans, je veux bien être patient.»
Connu depuis le XIXe siècle, le site est fouillé par la Hierakonpolis Expedition, sous la direction du Dr Renée Friedman, qui est soutenue par les Friends of Nekhen. «Même si aucun objet n’est autorisé à sortir du pays, l’Egypte ne finance pas les recherches.» Le pays a d’autres préoccupations…
La sécurité sur place s’est-elle précarisée depuis les printemps arabes? «Le secteur est loin de tout et se retrouve de fait relativement préservé, estime Xavier Droux. Le plus grand danger reste le pillage du site. On l’a constaté après la découverte de la tombe 72.» Et d’espérer que les objets mis au jour l’hiver dernier soient rapidement exposés au Musée du Caire. SR

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