Toujours plus d’héritiers qui répudient les successions

| jeu, 15. Jan. 2015
L’Office cantonal des faillites enregistre «une explosion» des demandes de répudiation de succession. Un phénomène lié à l’augmentation de l’endettement de la population.

PAR PRISKA RAUBER

Un nombre toujours plus important de descendants refusent l’héritage d’un défunt. Les successions répudiées représentaient 17% des cas traités par l’Office cantonal des faillites (OFAIL) en 2000, 25% en 2005, environ 30% en 2010 et 42% l’an passé. «Les chiffres confirment une explosion en 2014, indique Alexandre Freundler, préposé à l’OFAIL. Nous en avons eu 220 l’an passé, contre 135 ou 140 ces dernières années.»
Au décès du parent, tous ses droits et toutes ses obligations sont en effet transmis à ses héritiers. Ils deviennent titulaires des comptes et propriétaires de ses biens, mais répondent également de ses dettes éventuelles. Nul n’est donc tenu d’accepter un héritage. Difficile toutefois de cerner avec précision les causes de cette augmentation des répudiations.
«Elle est vraisemblablement liée à l’augmentation du nombre de personnes endettées, elle-même liée à la diminution du pouvoir d’achat des classes économiquement les plus faibles», suppute Alexandre Freundler. Dans la majorité des cas, les héritiers refusent la succession d’un défunt qui a régulièrement fait l’objet de poursuites, avec saisie sur le salaire.


Connotation morale
Autre élément, moral cette fois. «Autrefois, les gens avaient davantage de retenues à répudier une succession.» Ne pas accepter un héritage implique en effet une publication de faillite dans la Feuille officielle. «Ce qui poussait les gens à régler leurs affaires dans le cadre familial, précise Alexandre Freundler. Mais, avec l’urbanisation de la société, l’anonymisation qui en découle et l’éclatement de la cellule familiale, cette ancienne connotation morale à ne pas répudier a disparu.» Combien de fois le préposé a-t-il entendu des héritiers dire «mon père? Cela fait dix ans que je ne l’ai pas vu».
Si l’héritage se monte par exemple à 5000 ou 10000 francs, il est encore imaginable que le refus soit motivé par les dettes en souffrance de l’EMS ou les frais d’enterrement, à charge des héritiers. Mais s’il est vrai que les cérémonies coûtent cher – estimées à 8000 francs pour les modalités de base par le site enterrement.ch – elles ne semblent toutefois pas être couramment la cause d’une répudiation.
«Quand nous dressons les inventaires fiscaux, nous incluons toujours un forfait de 10000 fr. pour l’enterrement», explique Alexandra Fabbro, greffière en chef de la Justice de paix de la Gruyère. «Les héritiers répudient rarement pour cette raison, je pense. J’en ai plutôt rencontré qui souhaitaient quand même payer une belle cérémonie à leur parent, même s’ils avaient refusé la succession.»


Retour aux héritiers
Cas particulier: s’il s’avère qu’une fois la succession liquidée et les dettes du défunt assainies par l’OFAIL il reste de l’argent, eh bien, il reviendra aux héritiers. «C’est juste, mais il ne faudrait pas croire que c’est une bonne solution pour se débarrasser des embarras de la liquidation, répond le préposé. C’est prendre un très gros risque sur les actifs!» L’OFAIL ne remplacera jamais une fiduciaire ou un banquier. Ici, les biens sont vendus sans plus-value, au contraire. Ces cas où de l’argent peut être reversé aux héritiers sont par ailleurs rares, «trois ou quatre sur deux cents».
A relever encore que cette augmentation des cas de répudiation de succession représente un coût non négligeable, dont une partie devra être prise en charge par la collectivité. Non le recouvrement des cré-ances (puisque c’est une faillite), mais les pertes directes de la chaîne des offices impliqués dans la liquidation: Justice de paix, tribunal ou OFAIL.
«En effet, il faut interroger les familles, procéder à de nombreuses démarches administratives, régler, ici, la vente d’immeubles surhypothéqués, là, celle d’une voiture, pour, au final, nous retrouver avec des frais irrécupérables, car il n’y a simplement rien à récupérer!» note Alexandre Freundler. L’an passé, les pertes directes du seul Office des faillites se sont montées à 50000 francs.

 

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Trois mois pour répudier
Héritage ne rime pas toujours avec fortune. Au décès d’un parent, les héritiers deviennent titulaires de tous ses comptes, propriétaires de tous ses biens, mais répondent aussi de toutes les dettes qu’il aurait pu avoir. Raison pour laquelle on peut envisager de refuser l’héritage.
Les héritiers disposent de trois mois pour répudier la succession dès la date du décès ou dès le jour où ils ont pris connaissance de leur qualité d’héritier. La répudiation sera alors enregistrée par la Justice de paix et la succession liquidée par l’Office des faillites. A noter que dans le droit successoral suisse, si un héritier ne manifeste pas explicitement son refus, on considère qu’il accepte la succession. De même s’il a vendu un seul meuble ou mis en gage la montre en or du défunt avant le règlement définitif de la succession. «Est déchu de la faculté de répudier l’héritier qui s’immisce dans les affaires de la succession (par exemple
qui poursuit l’activité commerciale du défunt), divertit ou recèle des biens de l’hérédité», indique le Code civil. PR

 

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