PAR DOMINIQUE MEYLAN
Quatre nouveaux députés ont fait leur entrée au Grand Conseil mardi dernier. S’il est rare de voir arriver autant de têtes inconnues simultanément, le taux de rotation du Parlement fribourgeois demeure important. Selon une étude de l’Université de Berne, Fribourg possède le troisième Législatif cantonal le plus volatile après Genève et le Jura. Entre 1990 et 2012, le taux de rotation s’est élevé à 61% en moyenne.
Ce résultat inclut les départs en cours de route et le renouvellement aux élections. Malgré cela, la secrétaire générale du Grand Conseil, Mireille Hayoz, s’étonne de ces chiffres. «Je n’ai pas l’impression qu’il y a eu un grand changement ces dernières années.»
Depuis début 2012, dix-huit parlementaires ont quitté leurs fonctions, sans compter Marie Garnier, Christine Bulliard-Marbach et Valérie Piller Carrard qui ont immédiatement cédé leur place après leur accession au Conseil d’Etat ou au Conseil national. Les démissions sont autant le fait de la gauche que de la droite. A l’exception des femmes élues à d’autres fonctions, ce sont uniquement des hommes qui sont concernés. Cela a contribué à rendre le Grand Conseil un peu plus féminin.
Le temps et la santé
Les raisons professionnelles et les soucis de santé constituent les motifs les plus fréquemment invoqués. La multiplication des départs à moins de deux ans des élections suggère également des raisons stratégiques. Quelques cas se distinguent: le socialiste Urs Affolter est décédé en août 2013. Le démocrate-chrétien André Ackermann a claqué la porte du Grand Conseil sur fond de dissensions.
Pierre Mauron, chef du groupe socialiste au Grand Conseil, voit ce taux de rotation d’un bon œil: «C’est dans la logique même du système.» Les nouveaux députés amènent des idées et de l’énergie. Une bonne chose pour le parti, selon le président du groupe PDC-PBD Albert Lambelet, «même si un nouveau député a besoin de six à neuf mois pour se mettre en route». Les formations apportent un grand soin à l’encadrement des apprentis députés. «C’est plus facile d’intégrer une personne nouvelle, plutôt que dix simultanément», note encore Pierre Mauron.
Pour Markus Ith, président du groupe PLR, le renouvellement en cours de législature est à double tranchant: «Pour une personne nouvelle, ce n’est pas évident de se faire immédiatement un nom.» Aucune assurance donc d’être réélue facilement.
Le chef du groupe UDC Emanuel Waeber juge ce taux de rotation éminemment négatif: «Il manque une continuité.» Ce tournus péjorerait le travail des commissions. Et le Grand Conseil perdrait un peu de poids face au Conseil d’Etat, à chaque démission d’un ténor.
Rémunération en question
La charge de travail d’un député correspond à un emploi entre 10% et 20%. Certaines commissions peuvent être particulièrement chronophages. Pour Pierre Mauron, il faudrait jouer sur la rémunération afin de rendre la fonction attractive. «Moins un député est payé, moins il peut adapter son temps de travail.»
A droite, parler d’augmentation semble tabou, d’autant qu’en moyenne romande, les Fribourgeois ne sont pas mal lotis. «Je ne crois pas qu’on résout le problème ainsi, estime Albert Lambelet. Peut-être qu’il y a une réflexion à faire sur les commissions permanentes.» Pour Emanuel Waeber, il faudrait plutôt revoir la durée de la législature: «Cinq ans, c’est très long.»
Alors que le premier des viennent-ensuite est appelé à remplacer le député sortant, il arrive que la manœuvre soit plus compliquée. Ainsi la libérale-radicale Isabelle Portmann, qui a remplacé Fritz Burkhalter ce mois-ci au Grand Conseil, avait terminé à la huitième place de sa liste, tout comme le chrétien-social Silvio Serena qui a pris la succession de Bruno Fasel.
Pour Markus Ith, le cas d’Isabelle Portmann constitue une exception, qui ne dénote pas d’un désintérêt pour la fonction. «Les élections ont eu lieu en 2011. Les situations personnelles peuvent changer. Il n’est pas sûr que les candidats d’hier aient envie de se représenter en 2016.»
Sur l’important taux de fluctuation fribourgeois, personne ne semble avoir une explication. Selon l’étude bernoise, la volatilité des Romands pourrait s’expliquer par le prestige accordé à la fonction de parlementaire, qui induirait une forte concurrence.
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