PAR SOPHIE MURITH
Cloués au sol lausannois et genevois durant le mois de mars pour raison de réunions internationales, les drones ou multicoptères défraient l’actualité. Les Suisses les apprécient de plus en plus. Ils sont plus de 22000 à en posséder un. Et selon l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC), les accidents sont rares. «Et aucun ne s’est produit dans le canton de Fribourg», à la connaissance de Martine Reymond, porte-parole de l’OFAC.
La grande majorité des engins sont utilisés pour les loisirs de leur propriétaire. Mais géomètres, agriculteurs ou archéologues y trouvent aussi une utilité dans leur profession. «Il existe des drones ambulances avec un défibrillateur embarqué», fait remarquer Alex Cuneat, pilote pour RC-Tech, l’entreprise qui s’apprête à former les policiers fribourgeois au maniement du drone. Il a, en outre, effectué de nombreux tournages pour la RTS. «La représentation que le public a de ces engins est faussée. Ils ont des applications fantastiques.»
Ce n’est pas le Glânois Fabian Jobin, qui dira le contraire. Il a créé, avec Gianni Hengartner, une petite entreprise de prises de vue aériennes, Upperview productions, en juillet 2014. Leur vidéo du canton de Fribourg a cartonné sur le net avec plus de 20000 partages.
Les étudiants, qui cherchent toujours à surprendre, ont aussi filmé la manche de Coupe d’Europe de ski à Bellegarde et participent au projet du mémorial Erhard Loretan.
Pour l’habitant de Mézières – qui préfère le terme générique de multicoptère à celui de drone, à connotation trop militaire à son goût – la réglementation helvétique reste «vague», malgré la modification du mois d’août 2014 de l’ordonnance qui les régit.
Juridiquement, les drones sont assimilés aux modèles réduits volants et ne nécessitent aucune autorisation tant qu’ils n’excèdent pas un poids de 30 kg et à condition que leur télépilote maintienne un contact visuel permanent. Les engins ne doivent pas non plus survoler des rassemblements de plus de 24 personnes.
Un drame est vite arrivé
«On pourrait ainsi voler en pleine ville de Fribourg, pour autant que l’on ne survole pas de groupe de personnes trop nombreux», s’étonne Alex Cuneat, qui demande systématiquement le blanc-seing de l’OFAC. «La législation est sujette à interprétation. Les multicoptères sont des engins fabuleux, mais une mauvaise utilisation peut tourner au drame.» Il mentionne un drone, qui avait failli entrer en collision avec un Airbus.
Pour voler à moins de 5 km d’un aérodrome ou de 100 m d’une foule, une autorisation doit être demandée auprès de l’OFAC. Le vol en immersion, au moyen de lunettes vidéo, est aussi soumis à autorisation. «La grande nouveauté, c’est d’utiliser ces lunettes pour faire des courses de drones en forêt, dénonce Alex Cuenat. C’est de la folie.»
Les contrevenants risquent, s’il n’y a pas de blessé, une amende pouvant aller de quelques centaines de francs à 20000 francs pour infraction à la Loi sur l’aviation. «S’il y a un blessé, une procédure pénale administrative sera ouverte», précise Martine Reymond.
Pour une meilleure prise en compte des dangers, Fabian Jobin prône, lui, l’imposition d’un permis de voler. Une manière d’éviter les accidents et les mesures extrêmes, comme celles prises par l’Espagne ou la ville de Zurich. Les drones y sont interdits. «Tout le monde peut acheter un multicoptère sur internet. Les gens ne se rendent pas compte du danger. Même si l’engin ne pèse qu’un ou deux kilos. En cas de chute, les hélices en carbone sont de vrais couteaux.»
Alex Cuenat ne serait pas contre un test d’aptitude au pilotage. «En France, la licence théorique de pilote d’avion est obligatoire. Cela ne sert à rien. La problématique se rapproche de celle de l’aéromodélisme, les commandes peuvent s’inverser si l’appareil vole à l’envers. Il faut savoir piloter, mais aussi appréhender les dangers et les situations. En cas de problème, dans 90% des cas, l’erreur est humaine.»
Et Martine Reymond de répondre: «L’OFAC estime que la réglementation actuelle couvre les besoins et qu’il n’est pas nécessaire d’introduire l’obtention d’une licence pour des engins de moins de 30 kg.»
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Protéger le domaine privé
Très maniables, les drones peuvent survoler toutes sortes d’endroits. Equipés de caméra, ils peuvent filmer des personnes à leur insu. Qu’elles soient à des fins privées ou commerciales, ces prises de vue doivent respecter les dispositions sur la protection des données dès qu’elles contiennent des images – ensuite conservées ou non – de personnes identifiées ou identifiables. «Les clichés peuvent être facilement postés sur internet ou publiés d’une autre façon, ce qui aggrave le problème», indique, sur son site, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT). La personne filmée ou photographiée doit ainsi donner son consentement, libre et éclairé, à moins qu’il n’existe un intérêt prépondérant privé ou public à les filmer. Ainsi, le propriétaire d’un bâtiment locatif doit informer ses locataires s’il souhaite faire effectuer des mensurations à l’aide d’un drone. Il doit préciser l’heure à laquelle le drone sera utilisé et la finalité de l’opération. Dans tous les cas où des personnes peuvent y être identifiées, les clichés doivent être effacés ou rendus anonymes dans les plus brefs délais. SM
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