PAR JEAN GODEL AVEC L’ATS
Les milieux patronaux fribourgeois, vaudois et valaisans lancent une carte pour lutter contre le travail au noir. Ouverte à tous les cantons et toutes les professions, CartePro – c’est son nom – sera délivrée aux collaborateurs des entreprises qui respectent les exigences légales.
Le nouveau sésame, au format d’une carte de crédit, est le fruit de la collaboration entre six associations patronales romandes: la Fédération patronale et économique FPE-CIGA, à Bulle, l’Union patronale du canton de Fribourg, le Bureau des métiers à Sion, le Centre patronal à Paudex, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), enfin Métallurgie vaudoise du bâtiment (Mevauba).
L’idée n’est pas nouvelle, ont expliqué, hier, les pères de CartePro, lors d’une conférence de presse à Paudex. Il y a environ dix ans, un système de badges a vu le jour à Genève, mais dans le seul secteur du bâtiment. La Fédération vaudoise des entrepreneurs (avec sa carte professionnelle Cerbère, en 2015) et, plus récemment, l’Association valaisanne des entrepreneurs, ont lancé leur propre carte.
Partout et pour tous
Mais l’avantage de CartePro, c’est qu’elle s’adresse à tous les cantons et à toutes les professions. «C’est un système alternatif aux solutions qui couvrent un seul territoire cantonal ou un seul secteur», insiste Gabriel Décaillet, directeur du Bureau des métiers.
Quelques exemplaires de CartePro circulent déjà, mais elle sera lancée le 3 avril. Toute entreprise qui le souhaite pourra l’obtenir pour ses collaborateurs au prix de 10 francs pièce. «Elle sera comprise dans la cotisation de nos membres», précise toutefois Mathieu Fehlmann, directeur-adjoint de la FPE-CIGA. La demande sera validée pour autant que l’entreprise soit affiliée aux institutions sociales obligatoires et respecte la CCT. L’employé devra avoir un permis de séjour en règle.
Un système simple et sûr
Les partenaires insistent: le système est simple et sûr. Sur un chantier, les maîtres d’ouvrage et les contrôleurs officiels pourront facilement vérifier si l’employé est en règle. A l’aide de n’importe quel lecteur sur un smartphone, il leur suffira de scanner le QR-code de la carte pour aboutir au portail d’entrée du système. Là, ils devront se connecter à l’aide d’un mot de passe pour accéder aux données du travailleur.
En plus de son nom et de son prénom, sa photo sera affichée pour éviter toute usurpation d’identité. Et un feu vert ou rouge s’allumera, certifiant – ou non – que tout est en règle. La carte sera bloquée en cas de problème. Les contrôleurs officiels auront accès à des informations plus détaillées.
Les données seront fournies par les organes de contrôle spécifiques: les caisses de compensation pour les charges sociales et les commissions paritaires pour le respect, par l’employeur, des conventions collectives de travail. A l’établissement de la carte, l’employeur fournira également un éventuel permis de séjour. Autant de données qu’il s’agira de contrôler avant de délivrer la CartePro.
Les six partenaires travaillent sur ce projet depuis un an. «La demande est venue de certains de nos membres confrontés à des maîtres d’ouvrage, notamment vaudois, qui exigent déjà un tel contrôle», explique le Gruérien Mathieu Fehlmann. Ils devaient alors passer par la Fédération des entrepreneurs vaudois.
«Dans les années à venir, avoir ce type de carte deviendra une nécessité», prédit pour sa part Philippe Miauton, directeur-adjoint de la CVCI. Mais aujourd’hui déjà, un privé peut exiger que tous les ouvriers actifs à la construction de sa maison soient en possession de la CartePro.
Pas de concurrence
Malgré la présence de plusieurs modèles, Mathieu Fehlmann ne voit pas de risque de voir la CartePro refusée par les contrôleurs vaudois ou genevois: «Nos cartes sont complémentaires, pas concurrentes. L’objectif numéro 1 est de lutter contre le travail au noir, pour éviter que les entreprises en règle ne subissent la concurrence déloyale des tricheurs.» Des discussions sont d’ailleurs en cours pour unifier les systèmes de lecture des différentes cartes. «C’est une simple question de technique informatique. Car sur le fond, un accord politique existe.»
Bien sûr, ce sont les entreprises de la construction qui sont intéressées en premier lieu, mais pas seulement celles actives dans le gros œuvre: les paysagistes, les storistes ou encore les installateurs de chauffage auront toujours plus besoin d’une telle carte pour accéder à certains chantiers.
Et d’autres secteurs sont visés. «Nous avons déjà été abordés par les transporteurs routiers», confirme Mathieu Fehlmann. Qui imagine que l’hôtellerie ou les professions de la santé pourraient aussi être intéressées. L’idée est d’étendre au maximum l’utilisation de la CartePro.
Une association sera bientôt créée pour ensuite aller aborder d’autres fédérations patronales de tout le pays. En mai dernier, la Société suisse des entrepreneurs a d’ailleurs approuvé l’idée d’une solution nationale de badge sur les chantiers. ■
Commentaires
Corinne (non vérifié)
jeu, 22 mar. 2018
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