Quel est le bilan de Johann Schneider-Ammann en tant que ministre de l’agriculture?
Maigre. On n’a jamais vraiment senti qu’il comprenait les soucis de l’agriculture suisse. On a même l’impression qu’il n’a aucune idée en agriculture. Sa vue d’ensemble de la politique agricole 2022 +, publiée l’an dernier, a provoqué une cassure entre le monde agricole, lui et ses gens. Il n’a jamais fait une nette différence entre l’industrie et le secteur de l’agriculture. Bien sûr que nous sommes des entrepreneurs, mais on a d’autres lois et, surtout, d’autres fonctions que l’industrie. C’est l’une des causes originelles du malaise. On ne s’est pas sentis compris. Et donc pas défendus non plus.
Est-il venu sur le terrain, à la rencontre des agriculteurs?
Oui, il a essayé de créer des liens. Il est quasiment toujours venu au brunch du 1er Août. On avait l’image d’un homme convivial et ouvert à la discussion. Mais rien n’est resté de ces discussions. Il faut dire aussi que l’entrepreneur qu’on a vu prendre ce département à ses débuts était, à la fin, un homme très fatigué.
Sa vision libérale est-elle compatible avec l’agriculture suisse?
Menée intelligemment, notre mission – une agriculture productive répondant aux besoins du marché et de la population – est parfaitement compatible avec la durabilité, la préservation des ressources, l’entretien du paysage et la décentralisation de l’habitat qui caractérisent l’agriculture suisse basée sur des exploitations familiales.
Il aura été l’ennemi du protectionnisme alors que l’agriculture suisse ne survit que grâce à une dose de protectionnisme…
C’est vrai. Mais d’autres secteurs de l’économie profitent aussi du protectionnisme. Ne serait-ce que via la protection de la main d’œuvre ou de la propriété intellectuelle. Les pays comme ceux du Mercosur, qui négocient actuellement avec la Suisse, l’ont bien compris, eux qui s’appuient sur le libéralisme pour écouler chez nous leurs produits agricoles. Car, pour beaucoup, ils n’ont rien d’autre à exporter. Johann Schneider-Ammann s’est fait piéger en allant à leur rencontre, car l’agriculture est quasiment sa seule monnaie d’échange.
Quelle solution avec ces pays du Mercosur?
Comme on l’a fait avec la Chine, il faut négocier dans des secteurs moins sensibles que la viande bovine. Sur les quelque 50% de denrées importées, il doit bien y en avoir pour lesquelles on peut offrir des avantages par rapport à d’autres fournisseurs. Ne serait-ce que les produits que notre climat ne nous permet pas de cultiver.
La Suisse exporte aussi ses produits agricoles, comme le fromage. Les agriculteurs n’auraient-ils rien à gagner à l’ouverture des frontières prônée par Johann Schneider-Ammann?
Je constate que, sur des marchés comme celui du fromage, on perd en même temps des parts ici en Suisse – un phénomène qui date d’avant Schneider-Ammann, il faut le reconnaître. Ce qu’on a gagné en termes d’exportation du gruyère, l’emmental l’a perdu. Au total, la Suisse exporte moins et les importations augmentent. Il n’y a aucune raison de sacrifier un secteur au libéralisme pour protéger les autres. Il faut des conditions cadres correctes pour tout le monde.
Quel est le candidat des agriculteurs pour succéder à JSA?
On ne va pas élire un ministre de l’Economie, mais un conseiller fédéral. Après la répartition des départements, on discutera avec le chef de l’Economie. J’espère que ce sera quelqu’un de fort. Car avec un conseiller fédéral affaibli, comme Johann Schneider-Ammann sur la fin, on discute plus avec les chefs des offices fédéraux ou du Seco et la haute administration.
Johann Schneider-Ammann a-t-il au moins été un bon allié de Fribourg avec son projet de rassembler l’Agroscope à Posieux?
Je pense au contraire que ce dossier lui a échappé et que cela n’a pas été son initiative que de soutenir une solution plutôt qu’une autre. C’est typiquement un exemple où ses offices ont pris le relais. ■
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