Noémie Kolly: la récompense à l’épreuve de la peur

mar, 29. Jan. 2019
En Bavière, la Gruérienne Noémie Kolly a su profiter d’une piste du Kandahar correspondant à ses qualités, avec un départ très raide et de longues portions techniques. KEYSTONE

Noémie Kolly a décroché dimanche la 29e place de la descente de Garmisch-Partenkirchen, marquant au passage deux points pour son premier départ en Coupe du monde. Une performance signée au courage pour la Rochoise, dans une épreuve marquée par les chutes et interrompue prématurément.

QUENTIN DOUSSE, À GARMISCH-PARTENKIRCHEN

Comptant parmi les doyennes de la Coupe du monde, la descente de Garmisch-Partenkirchen, en Bavière, est aussi l’une des plus impitoyables sur le circuit féminin. Cela s’est malheureusement encore vérifié dimanche, avec sept chutes et une interruption après la grave blessure de l’Italienne Sosio. Autant dire que l’attente, déjà difficile à gérer pour la délégation du Team La Berra (lire ci-contre), s’est révélée à la limite de l’insoutenable pour Noémie Kolly. Qui découvrait les images de ces chutes au sommet de cette piste du Kandahar. «J’avais tellement peur», a-t-elle avoué sitôt arrivée.

Cette peur n’a pas empêché la Gruérienne de 20 ans de prendre une belle 29e place, glanant au passage ses deux premiers points Coupe du monde. Au courage. Dans l’aire d’arrivée, Noémie Kolly savourait pleinement son baptême du feu avec son entourage. Pas question toutefois de (trop) s’éterniser, puisque la Rochoise était attendue à l’hôtel pour le repas avec le reste de l’équipe de Suisse. Puis, départ immédiat en direction des Diablerets pour deux journées de Coupe d’Europe. «Je retrouverai mon habitat naturel, sans tout ce stress au départ», souffle le membre du cadre C.

Avant de penser à la suite, Noémie Kolly a quitté brièvement ses proches pour conter son expérience sur la piste gelée de Garmisch-Partenkirchen.

SON SENTIMENT QUELQUES MINUTES APRÈS L’ARRIVÉE 

«(Elle éclate de rire) Franchement? Je n’ai jamais vécu ça de ma vie! C’est incroyable, avec ce monde venu spécialement. Avoir autant de personnes derrière moi, et les voir si heureuses pour moi, le plaisir est immense. Je savais que certains seraient présents, mais je ne m’attendais pas à tant de gens.»

SON ÉTAT D’ESPRIT AVANT LA COURSE 

«La veille, en voyant les autres skier en super-G, je ressentais de l’excitation. Car je savais que ce serait tout bientôt à mon tour. Me dire que j’allais courir une épreuve de Coupe du monde, aux côtés de mes idoles étant petites, c’était simplement incroyable.

»Au départ, en revanche, j’étais vraiment, vraiment stressée. Je n’avais jamais ressenti autant de stress pour une compétition. Mais aujourd’hui (dimanche), en voyant s’enchaîner toutes ces chutes, en plus de la mienne jeudi... Cette chute a eu un réel impact: j’avais peur. Car cela va très vite sur cette piste, les sauts t’emmènent loin.»

SA JOURNÉE

«Je me suis levée assez tard, vers 7 h 15 (la course a débuté à 11 h 30). J’ai effectué un bref réveil musculaire avant d’aller déjeuner avec l’équipe. On a quitté l’hôtel vers 8 h 20 pour aller faire directement la reconnaissance de la piste, qui est assez incroyable avec des parties plates mais aussi des parties raides et très gelées. Ça tapait énormément, nettement plus que lors des entraînements. J’ai fait quelques descentes en libre avant de rejoindre le restaurant, au sommet. A partir de là, c’était très long. A cause des interruptions, on a dû beaucoup attendre au départ. Autant d’éliminations, ce n’est jamais bon signe. Je me suis alors dit qu’il faudrait juste tenter d’arriver en bas, sans en rajouter.

 »Dans le portillon, j’ai réussi à faire le vide dans ma tête. Mais, au fond de moi, je savais que ce n’était pas une course normale. Je me suis lancée et, rapidement, j’ai pensé que c’était ma première Coupe du monde (sourire). Il m’a fallu un certain moment pour me remettre dedans. Au final, j’ai presque un peu trop ralenti. Dans certaines courbes, je sais que j’ai freiné par peur de sortir. Avec ce stress, je n’ai pas pu skier de façon libérée.»

CE QUE REPRÉSENTE CETTE 29e PLACE POUR ELLE

«C’est magique. Non, vraiment, je n’arrive rien à dire de plus. Je suis juste trop contente! Même si je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre des filles devant moi, qui ont beaucoup plus d’expérience. Ces deux points (de Coupe du monde), je les prends comme un bonus. Je ne dois pas me focaliser sur cette course, qui ne se reproduira pas cette saison vu que les deux dernières descentes (à Crans-Montana et en Russie) ont lieu en même temps que les Mondiaux juniors, où je viserai un podium.»

SON APPARITION AU PLUS HAUT NIVEAU

«Franchement, je n’y pensais pas étant petite. Heureusement que mes proches ont toujours été là pour moi. J’ai vraiment eu de la chance dans mon enfance, de pouvoir aller skier avec mon frère et ses copains. C’est là que j’ai appris à glisser. L’autre différence, c’est d’avoir skié en prenant un maximum de plaisir à cet âge. Et pas seulement pour s’entraîner tous les jours. »Aujourd’hui, je veux remercier ma famille et tous mes proches. J’ai reçu énormément de messages de félicitations, et j’ai tenu à répondre à chacun. Car je suis autant fière d’eux qu’ils le sont de moi.» ■


 «Bon pour sa confiance surtout»

Traceur pour les épreuves de Coupe d’Europe d’hier et aujourd’hui aux Diablerets, Ivano Nesa, l’un des trois entraîneurs de Noémie Kolly, a suivi à distance le baptême du feu de son athlète. Le technicien tessinois a néanmoins analysé sa performance, qu’il estime encourageante pour la suite.

Comment l’entraîneur juge-t-il cette 29e place obtenue à Garmisch-Partenkirchen?  

Pour sa première expérience mondiale, le bilan est très positif. Je suis fier d’elle comme de Juliana (Suter), deux jeunes classées dans le top 30. Pour Noémie, il a déjà fallu se qualifier, surtout après sa grosse chute de jeudi. J’avais peur qu’elle ne puisse pas courir. Une telle chute entraîne forcément de l’appréhension. Il est impossible d’être à 100%. Après, si elle s’est bien défendue sur les parties techniques, elle a manqué de vitesse de base. Ce qui a conditionné son résultat final. Mais il faut rappeler que Garmisch-Partenkirchen est une piste exigeante, de grande vitesse et de très haut niveau pour les dames.

Ce premier départ lui fera-t-il franchir un cap?

Au niveau de la performance pure, si ce n’est de la faire entrer dans le top 60 sur la liste de départ, cette course ne changera rien pour elle. C’est un début, bon pour sa confiance surtout. Et elle a pu vivre l’expérience de la Coupe du monde. La priorité reste toutefois la Coupe d’Europe, où elle ne doit plus quitter le top 10 désormais. Puis viendront les Mondiaux juniors (à Val di Fassa, en février), sur une piste qui lui convient bien. Sa saison prend bien forme, je pars confiant.

Où doit-elle progresser aujourd’hui?

Elle doit d’abord se renforcer physiquement, et garder son dos sous contrôle. En géant, Noémie doit aussi se montrer plus précise au niveau des appuis et des lignes. Après, on connaît sa glisse et son toucher de neige, très fin. C’est également une fille qui skie à l’instinct, une qualité qui constitue aussi son défaut. Car cela lui fait perdre parfois le contact au niveau de son positionnement exact sur la piste. QD


RÉSULTATS

Descente dames de la Coupe du monde, Garmisch-Partenkirchen, Allemagne
1. Stephanie Venier (Autriche) 1’37’’46; puis: 4. Corinne Suter (Suisse) à 0‘‘81; 12. Lara Gut-Behrami (Suisse) à 1’’44; 18. Juliana Suter (Suisse) à 1’’96; 21. Joana Hählen (Suisse) à 2’’27; 29. Noémie Kolly (La Roche) à 3’’05 – course arrêtée après le passage de 42 athlètes.


 «Pourvu qu’elle arrive en bas, sans se faire mal...»

Le Team La Berra a réuni une délégation de supporters pour soutenir Noémie Kolly en Bavière. Jusqu’au résultat final, sa famille et ses amis ont vibré dans une extrême tension, qui a laissé place aux larmes de tous ses proches. Immersion.

QUENTIN DOUSSE

Ils s’étaient promis d’être présents à ses côtés, le jour où Noémie Kolly découvrirait la Coupe du monde. Mais imaginaient-ils un instant vivre ce scénario? «Jamais! On n’aurait simplement pas pu rêver de ça», lâche Michael, un ami qui a longtemps contenu ses émotions, avant de craquer comme tous ceux qui se sont déplacés en Bavière. Parents, frère, sœur, cousins, tantes et amis: ils étaient tous là, dimanche à Garmisch-Partenkirchen, pour la première mondiale de «leur» Noémie. La Gruyère a passé cette folle journée en compagnie du Team La Berra.

Il n’est pas encore 3 h du matin lorsque la délégation gruérienne quitte Rossens. La trentaine de supporters, réunis de dernière minute par Bruno Sturny, membre du comité du club, prolongent leur nuit à bord du car. C’est à 9 h 30 que la délégation arrive au pied de la piste du Kandahar, où elle retrouve la famille Kolly partie la veille. A 11 h 30, la première concurrente, allemande, s’élance et chute. Silence de cathédrale dans la zone d’arrivée. La course reprend, sans toutefois permettre à Lara Gut-Behrami, 3e le samedi, de briller. Dans la délégation gruérienne, la tension se fait ressentir alors que 23 skieuses doivent précéder Noémie Kolly. Tous redoutent déjà la chute de leur protégée. «Pourvu qu’elle arrive en bas, sans se faire mal», glisse le papa Bertrand. Sandra, maman et jadis entraîneure de Noémie, semble plus tranquille.

Quoique. «Comme maman, je veux juste qu’elle passe la ligne d’arrivée. Mais avec ce départ, elle tient déjà sa victoire.»

Immense soulagement

L’attente prend fin à 13 h 33. Sur l’écran géant, le visage fermé de Noémie Kolly, dossard 39. La néophyte saute dans l’inconnu, franchissant les 100 km/h en sept secondes de course. Sur les visages de ses proches, la tension est extrême. Le papa, lui, préfère s’éclipser pour vivre la course de sa fille. Le retard sur la leader, l’Autrichienne Stephanie Venier, grandit jusqu’à atteindre 3’’05 après 1’40 de course. Qu’importe pour la délégation du Team La Berra, qui exulte à l’arrivée de la Gruérienne. Le soulagement se transforme en larmes de joie pour la famille. A l’image de Bertrand qui réapparaît soudain. «Depuis quinze ans, avant chacune de ses courses, je lui envoie le même message: «Tu es la meilleure.» Alors là, je suis juste heureux pour elle, s’exclame le papa, ému. Je me fiche totalement du rang. Bien sûr, ces deux points Coupe du monde sont la cerise sur le gâteau. Mais ils ne vont absolument pas changer Noémie.»

Les embrassades se succèdent au sein du clan gruérien. Dans la zone d’arrivée, Noémie Kolly savoure. Avant de rejoindre la joyeuse équipe venue la soutenir. La Rochoise, accueillie par une bruyante ola, est fêtée comme si elle avait remporté la descente. Son sourire s’accompagne de larmes. Ce «bout de descendeuse» d’à peine 52 kilos fait aussitôt pleurer (presque) toute la délégation, «solides et robustes» gaillards compris. S’ensuit la photo-souvenir, avec une Noémie Kolly hissée à hauteur des nombreux drapeaux gruériens. «Je n’y crois toujours pas. Vivement la prochaine (Coupe du monde)», livre son copain Guillaume.

«Le potentiel, elle l’a»

Sur le coup de 14 h 30, Noémie Kolly quitte les siens pour rejoindre ses coéquipières à l’hôtel. Dans l’aire d’arrivée, qui a accueilli pas loin de 2000 personnes au plus fort de la journée, il ne reste plus que la délégation gruérienne et les bénévoles, affairés au nettoyage des gradins. A l’écart, la maman semble gentiment réaliser. «Il y a quelques années, Noémie aurait sans doute terminé dans les filets sur une telle course. Elle a appris à calculer ses risques et ça lui a réussi aujourd’hui, souligne Sandra Kolly. Au niveau de son mental, elle m’épate de plus en plus. Elle a montré à beaucoup de monde ce dont elle était capable.» A la question de l’avenir, la maman refuse de s’avancer. «Le potentiel, elle l’a. Mais elle doit continuer à travailler, physiquement d’abord. Puis elle doit passer le prochain cap, celui des cadres B (de Swiss-ski).»

Les émotions retombées, la dernière bière terminée, l’équipe du Team La Berra remonte dans le car pour le retour. Les six heures de trajet sont rythmées par les chants des plus jeunes, dans une ambiance de victoire. Tout ce petit monde retrouve la Gruyère à 22 h, fatigué mais foncièrement heureux. D’avoir vécu, aux côtés de «leur» Noémie, un dimanche qu’ils n’avaient jamais osé imaginer. ■


La descendeuse de La Roche vue par son entourage

«Je suis hyper fier. Mais Noémie doit son succès à elle, rien qu’à elle. La différence? La peur. Elle n’a jamais été sur la retenue. Son caractère casse-cou lui a valu quelques belles chutes, mais il lui a aussi permis d’arriver ici.» BAPTISTE KOLLY, SON FRÈRE

«Noémie, très forte dans la tête, s’est toujours engagée à fond dans le ski. Elle n’a jamais débranché, car elle voulait être là un jour. Franchement, je peine encore à y croire.» ÉMILIE YERLY, UNE AMIE D’ENFANCE

«Au Team La Berra, Noémie est un modèle pour nos jeunes. Par son caractère très accessible, voire même timide. Elle est autrement plus “décidée” sur la piste. Où elle arrive à tendre des lignes uniques. En arriver là à son âge, c’est assez exceptionnel.» FRÉDÉRIC BIELMANN, PRÉSIDENT DU CLUB

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