PAR CLAIRE PASQUIER

Par classe, ils pénètrent calmement dans la salle CO2. En cette rentrée, on leur a annoncé une surprise. «Rien de plus», nous assure-t-on. Pas spécialement pressés, les adolescents du CO de La Tour-de-Trême s’installent dans leur siège tandis que la lumière s’éteint sans autre explication. La bande-annonce du télécrochet TheVoiceest projetée sur grand écran et une voix familière résonne… Le film s’arrête. Sur scène, Gjon’s Tears reprend le titre Jenetienspasdebout de Christine and the Queens, assis à son piano. Les yeux écarquillés, les élèves se regardent: certains n’ont pas l’air de bien comprendre, d’autres soufflent un «woooh» timide.

«Faire parler un talent qui vient de cette école et qui a cultivé sa passion ici, ça m’a paru intéressant pour les élèves.» Initiateur de ce concert surprise, l’adjoint de direction Jérôme Maradan est ravi. Sur scène, il interviewe le jeune Brocois Gjon sur sa participation au télécrochet de TF1: «C’est vrai que tu ne vois pas beaucoup ton coach Mika?» – «Oui, ce qui est filmé et montré à la télé, c’est quasiment l’intégralité de notre rencontre. Mais l’on côtoie des professionnels du milieu comme le metteur en scène de Lady Gaga et Alicia Keys notamment», partage le chanteur de 20 ans.

Méconnu des plus jeunes

Interrogé sur le côté «pathos» de l’émission, Gjon Muharremaj, de son vrai nom, répond: «Les interviews durent une heure et demie. Ils creusent pour trouver quelque chose qui pourra toucher le public. On a chacun notre souffrance: moi je suis Gruérien», lance-t-il dans un éclat de rire. A l’aise dans l’exercice de l’interview, le chanteur est également doué pour faire rire son jeune public: «Certains disent que le stress part quand ils commencent à chanter. Moi, je suis plutôt en train de me dire “retiens ta vessie, retiens ta vessie”.»

Alors qu’il entame un morceau qui plaît particulièrement à l’assistance du jour, Lovely de Billie Eilish, il s’interrompt: «Ah! au fait, vous avez le droit de sortir vos portables pour filmer. Vraiment!» Ni une ni deux, les smartphones sont dégainés et le morceau balancé sur les réseaux sociaux Instagram et Snapchat. Au terme du concert, élèves et enseignants l’applaudissent chaleureusement. Alors, heureux? «On ne le connaissait pas en fait. Mais c’était trop cool», confient plusieurs groupes.

D’anciens profs de l’artiste mués en véritables groupies et quelques élèves le rejoignent. «Gjon, Hugo est ton successeur. Il est le chanteur du groupe variété de l’école», présente le prof de musique Lionel Chapuis. Grand sourire, l’adolescent pose fièrement au côté du chanteur tandis qu’une autre fan apparaît toute tremblotante pour prendre une photo. Suit la jeune Nina qui présente, elle, un petit carnet rouge: «C’est mon carnet de dédicaces. Il y a les signatures de plusieurs pianistes, mais aussi de l’astronaute Thomas Pesquet.»

Et le chanteur de revenir sur sa prestation: «J’étais stressé au début. Un public reste un public, même si c’était des adolescents. Ça m’a fait drôle, je me suis senti comme ces artistes qu’on venait voir ici. Et puis, cette salle, c’était ma première scène. Je l’adore.»

«On voulait dire aux élèves que tout est possible: on peut venir d’un coin un peu perdu et se retrouver à The Voice. Il faut croire en ses rêves», conclut Jérôme Maradan. Le rêve éveillé de Gjon’s Tears se poursuit samedi lors de l’épreuve des Battles. S’il réussit cette étape, il participera à l’émission en direct du 18 mai où seize candidats s’affronteront pour les quarts de finale. ■