Ah, la paix des morts… Ou plutôt celle des vivants, celle des souvenirs des vivants. Au détour de travaux universitaires dans les années huitante, j’ai découvert la variété et la précision des règlements régissant les cimetières. Les principes en sont souvent rigides. Heureusement, les employés chargés de les appliquer sont suffisamment proches de la nature humaine sensible des visiteurs des lieux et savent leur en concéder de larges interprétations. Avec le printemps, j’ai surpris, à proximité des jardins du souvenir des cimetières de Bulle et de La Tour, une fourmillante floraison de panneaux de mise en garde. Diable (!), à quoi est due cette atteinte à l’harmonie des lieux? Harmonie par ailleurs de plus en plus recherchée ici en ces temps où les cimetières sont de moins en moins des alignements de tombes et de plus en plus des endroits préservés des multiples errements urbanistiques de nos vies tourmentées… Alors, il est question des fleurs et ornements déposés qui seront régulièrement enlevés (est-ce vraiment nécessaire de le préciser?) et du dépôt interdit des «bougies qui endommagent la pierre et les plaquettes» (j’imagine que les bougies et les lumignons qui ne provoquent pas de dégâts seront toujours tolérés). Le tout accompagné d’un aimable appel à la compréhension des usagers et d’un dessin proprement angélique… Je salue la délicatesse du message. Cependant, ne serait-il pas plus judicieux d’accueillir et d’accompagner ce geste si porteur de sens et d’émotion qui consiste à allumer un feu éphémère à la mémoire d’un ou d’une disparu(e)? Depuis longtemps, les églises se sont organisées pour que les lumignons n’apportent plus de désagréments; pourquoi pas les cimetières? Les tombes individuelles sont en voie de disparition et les chemins du deuil n’en sont pas facilités. Laissons travailler les bougies et faisons leur une petite place. Le moment venu, je ne serai plus là, mais cela fera plaisir à mes enfants qui viendront me rendre visite. Merci pour eux! Marc Wicht, La Tour-de-Trême