On va voter sur une initiative visant à tirer au sort les candidats-juges au Tribunal fédéral. Tous les partis au Parlement sont bien évidemment vent debout contre ce texte de lèse-majesté, leur enlevant leurs pouvoirs de présenter et choisir nos autorités judiciaires. Pensez donc: tirer au sort des juges! Mais tous cachent l’essentiel: une commission, indépendante, exami­nera les qualités professionnelles et personnelles des candidats, avant le coup de sac final. Les partis adorent ces cuisines où mijotent leurs (grosses) légumes, au point de refuser tout fruit exotique, fut-il de saveur. Et nos cuistots s’arrangent pour varier les plats, du style: «Je suis d’accord d’ingurgiter ton poulain, mais tu me promets de déguster ma pouliche plus tard.» Bref, on promet de se repasser les plats et de changer de menu. Pour revenir aux consommateurs, comment est-il possible que seuls nos partis soient au final juges de la compétence, de la qualité personnelle et… du bon sens des candidats? D’après la Constitution (art. 191c), les juges fédéraux doivent être indépendants. Comment voulez-vous que des juges choisis grâce à leurs couleurs politiques soient incolores dans leurs jugements? Une fois élus, ne proclament-ils d’ailleurs pas qu’ils (re)deviennent sans couleurs partisanes? Certains juges élus quittent ensuite leur parti pour rien ne lui devoir! Et l’on oublie surtout une chose: toute cette cuisine met de côté la société civile, où mijotent aussi des juristes de qualité. Enfin, comment compren­dre que des intéressés doivent se mettre d’un parti pour concourir? Aberrant. Au fond, tout milite pour un tirage au sort final. La justice fribourgeoise devrait aussi avoir le même goût. Le tirage au sort est d’une logique imparable. Parmi les candidats estampillés «juges-compatibles», l’on choisit par le hasard, qui fait souvent bien les choses. Pour choisir un vin, ne procède-t-on pas souvent par une dégustation à l’aveugle? Benoît Rey, La Tour-de-Trême