Fribourg: Voir un film sur l’inclusion relève du parcours du combattant

| lun, 10. juin. 2024
Le groupe a mis près de quarante minutes pour pénétrer dans la salle de cinéma. © Régine Gapany - archive/prétexte

Des personnes en situation de handicap et leurs éducateurs sont allés voir Un p’tit truc en plus, un film sur l’inclusion à l’Arena Cinémas. La réservation des billets, l’accessibilité et la réaction des spectateurs ont terni la sortie.

Sorti le 1er mai, le film Un p’tit truc en plus cartonne au box-office en invitant le public à rire non pas des personnes en situation de handicap, mais avec elles. A l’Arena Cinémas à Fribourg cependant, l’inclusion et la tolérance ne sont restées que sur grand écran. C’est en tout cas le sentiment qui prédomine après le récit de Laura*. Educatrice dans une institution fribourgeoise pour les personnes en situation de handicap, elle souhaite témoigner de la mauvaise expérience qu’elle, ses collègues et neuf bénéficiaires vivant avec une déficience intellectuelle ont vécue dimanche passé.

Les premières difficultés commencent lorsque le groupe souhaite réserver ses places. L’éducatrice décrit une mission complexe, en raison de bugs survenant sur le site internet. «Il est impossible d’effectuer une commande groupée avec des fauteuils roulants. Nous avons appelé le cinéma, mais on nous a dit qu’il n’était pas possible de réserver par téléphone.» Finalement, un éducateur parvient à obtenir les douze billets nécessaires le jour de la projection, en cinq commandes séparées.

Mais l’équipe n’est pas au bout de ses peines. A entendre Laura, l’accès au cinéma relèverait du parcours du combattant pour les personnes à mobilité réduite. Il faut d’abord emprunter un premier ascenseur (qui était fermé à leur arrivée) situé entre la rue de Romont et la rue de l’Abbé-Bovet pour rejoindre la galerie. Puis un second à l’intérieur du cinéma. «Avec trois personnes en fauteuil roulant et six autres capables de marcher mais nécessitant un accompagnement, cela a été très technique. Nous avons mis quarante minutes pour pénétrer dans la salle et sommes arrivés pendant les bandes-annonces.»

Assis par terre

Devant la rangée qu’ils pensaient être la leur, deux éducateurs demandent alors à des spectateurs de se décaler afin de rester à côté des personnes en fauteuil roulant. «Ces dernières étant épileptiques, elles nécessitent un accompagnement spécifique», rappelle Laura. L’une d’elles est déplacée de son fauteuil roulant à un siège de cinéma, «pour davantage de confort». Sauf que les dernières places de cette rangée appartenaient à des personnes arrivées quelques instants plus tard. Les explications et les négociations s’enchaînent, alors que le film commence.

Le gérant du cinéma interrompt alors la séance, allume les lumières et tente une réorganisation des sièges, en vain. «C’est à ce moment-là que nous avons remarqué que les emplacements des deux éducateurs et du bénéficiaire en question étaient en réalité avec le reste du groupe, en bas de la salle qui était pleine.» Résignés, les deux accompagnants s’assoient par terre et replacent le résident dans sa chaise roulante. «J’ai fait un plaidoyer en réaction à des remarques négatives pour expliquer qu’il y avait dû avoir un problème avec notre réservation et j’ai partagé ma déception face à l’attitude des spectateurs», relate Laura. A la sortie, le gérant conseille au groupe d’écrire un mail lors de sa prochaine venue. «Nous l’avions fait par le passé et n’avions jamais obtenu de réponse», réagit l’éducatrice.

«Je regrette que nous ayons dérangé et mis mal à l’aise le public, mais pour une fois qu’un film rend hommage aux personnes en situation de handicap, personne dans la salle n’a fait de geste pour elles. Alors qu’elles sont déjà invisibilisées dans l’espace public», confie l’éducatrice, encore passablement bouleversée. «En témoignant, je ne souhaite pas faire un scandale, mais vraiment sensibiliser à l’inclusion.»

Améliorations en cours

Contacté, le directeur d’Arena Cinémas, Patrick Tavoli, annonce avoir été averti de cette situation et se dit «profondément désolé par les difficultés que ce groupe a rencontrées lors de sa visite et de l’inconfort et du stress causés». Par écrit, il assure que l’accessibilité et le confort «de tous nos clients, y compris ceux à mobilité réduite, sont des priorités». Il indique qu’une situation d’une telle ampleur est une première. «Normalement, les associations similaires prennent contact avec nous par mail deux ou trois jours avant la séance, ce qui nous permet de gérer efficacement les réservations et l’accueil.»

Patrick Tavoli poursuit: «Pendant cette journée pluvieuse pour laquelle le cinéma était très fréquenté, nous avons tout fait pour gérer cette mésaventure.» Quant au premier ascenseur, «il appartient au centre commercial et n’est pas de la responsabilité du cinéma. Cela étant dit, notre gérant a tout de même réussi à le faire fonctionner afin que le groupe puisse l’utiliser.»

Ses équipes planchent sur plusieurs améliorations, assure-t-il. «Nous réfléchissons à intégrer une fonctionnalité qui permettrait de réserver plusieurs places, y compris celles pour fauteuils roulants (…) ainsi qu’une adresse e-mail dédiée aux réservations et questions concernant l’accessibilité, afin que les groupes de personnes à mobilité réduite puissent obtenir de l’aide directement et efficacement.» Elodie Fessler

>*Nom connu de la rédaction

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