Une référence en son domaine

| jeu, 09. Jan. 2025
Laurent Bovet est l’un des fondateurs du Centre de gymnastique régional de Romont (CGRR) qui va pouvoir jouir de la salle de gymnastique spécialisée du nouveau complexe scolaire En Bouley à Romont. ©Antoine Vullioud

La Gruyère retrace le parcours de ces acteurs indispensables du sport: les arbitres.

Quatrième épisode de cette série thématique avec Laurent Bovet, juge de gymnastique masculine.

En plus de trente ans, le Romontois a sillonné la Suisse et le monde pour des compétitions.

VALENTIN THIERY

Jusqu’au 31 décembre 2024, Laurent Bovet appartenait au cercle fermé des quatre meilleurs juges suisses de gymnastique artistique masculine. Ce statut a permis au Romontois de 53 ans d’officier à sept championnats du monde et dix d’Europe, dont le dernier à Rimini (Italie) au printemps passé. «J’ai visité le Qatar, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie: des pays dans lesquels je ne serais jamais allé sans ma fonction, lance Laurent Bovet. C’est l’un des côtés sympas de cette activité, même si ce n’était pas évident à gérer pour ma femme quand nos filles étaient petites.»

Aujourd’hui, Luce et Nora ont 12 et 14 ans. Elles sont aussi mordues de gym que leur papa qui est président, entraîneur et cofondateur du Groupement artistique du Sud fribourgeois (GASF) en 2005. «Pas très doué», le Glânois originaire de Rue a été champion cantonal P5 avant de se tourner naturellement vers le coaching et le jugement. Jouait-il déjà à la police étant enfant? «Non, j’étais toutefois plus un leader qu’un suiveur. Au quotidien, je m’affirme dans ce que j’entreprends, note-t-il. Je ne me souviens par contre pas de ce qui m’attirait dans cette tâche, mais bien de ma première compétition, à la fin des années 1980. Un collègue n’arrêtait pas de me parler.» Pas idéal pour la concentration.

Pression allemande

Ce n’est pas le seul numéro que Laurent Bovet a croisé dans sa carrière. «Il y en a, des vedettes. La grande majorité fait son travail correctement. Je me demande cependant ce que certains juges font là.» Quand l’un n’est pas sur son téléphone devant un sportif en représentation, l’autre évalue sur base de la vidéo projetée sur les écrans géants. «J’exagère un peu, mais certains dirigeants comptent parmi les plus malhonnêtes.»

Remarque en lien avec une expérience qui interroge lors de son baptême en championnat d’Europe en 2010 à Birmingham (Angleterre). «A la barre fixe, le chef de l’engin, membre du comité technique, était allemand. Deux de ses compatriotes se disputaient le titre. Il vient me trouver et me dit “notre ennemi en finale, c’est le Grec“», narre l’ingénieur en télécommunication qui ne s’est jamais vu proposer d’argent. La pression, elle, émane davantage des supporters, pas des athlètes ou de leur staff. «Globalement, le gymnaste est très sympa.»

Mais c’est bien avec un juge français que Laurent Bovet a tissé un lien fort. «En concours, je suis souvent avec Jean-François Blanquino. Les Suisses alémaniques me taquinent toujours par rapport à ça. Il est même venu chez moi en 2016 lors des européens à Berne.»

«Tout est très politique»

A l’époque de cette manifestation dans la capitale fédérale, le Glânois faisait partie depuis dix ans de la catégorie 2 des juges internationaux. Encore aujourd’hui, seuls 24 confrères de la catégorie 1 le devancent au classement. Grâce à son vécu, Laurent Bovet forme d’ailleurs ceux qui lui succéderont. Il estime avoir eu un bon suivi quand il a débuté dans le milieu. «J’ai aussi travaillé seul. Avant un examen, on se voyait avec des amis pour échanger sur la matière. Je regardais également des vidéos. C’est plus facile désormais avec YouTube qu’avec les VHS», sourit-il.

Malgré tout son investissement, un prestigieux rendez-vous manque au tableau de chasse du Romontois: les Jeux olympiques. Un regret? Pas vraiment. Un changement de règlement l’a notamment empêché d’œuvrer à Paris cet été. «Et tout est très politique. Mais j’imagine que c’est comme ça dans beaucoup de sports.»

Son départ du quatuor de référence des juges helvétiques ne l’autorisera plus qu’à se rendre sur des événements d’envergure moindre comme les Coupes du monde. «J’ai eu la chance de connaître tant de compétitions. D’autres ont envie de me suppléer.»


Deux Andreas, une polémique

Aux Mondiaux de gymnastique 1989 à Stuttgart, Laurent Bovet se souvient d’un duel qui a fait beaucoup parler en finale des anneaux. L’Allemand de l’Ouest Andreas Aguilar s’impose à domicile avec 13 millièmes de point d’avance sur Andreas Wecker, son concurrent de la partie est. «Le local Andreas Aguilar a empoché la médaille d’or au mépris de toute justice, sous prétexte qu’il fallait récompenser la ferveur du public allemand», écrit le journal récapitulatif de Larousse Le Monde de 1989. «Il fait pourtant une grosse faute avant de sortir, mais il gagne. Peut-être y a-t-il eu discussion ou intimidation avant. A l’influence, les gens essaient», complète Laurent Bovet.

Aujourd’hui, le Romontois estime que favoriser un athlète est de plus en plus compliqué. «Depuis quelques années dans les grosses compétitions, un système d’évaluation via un logiciel est en place. Tous les exercices sont filmés, les notes des juges analysées. Puis derrière, un comité réévalue. La technologie a fait du bien à notre fonction», conclut Laurent Bovet.


Du tac au tac

Si vous étiez…

…une personnalité?

Nelson Mandela, pour sa lutte contre les inégalités.

…un compliment?

Que je suis persévérant, que je prends le temps nécessaire pour faire les choses.

…un événement sportif marquant?

Aux Jeux olympiques 1996, quand le Suisse Li Donghua a remporté l’or aux anneaux. Je m’étais levé pendant la nuit.

…un film?

Mississippi Burning (n.d.l.r.: le drame américain signé Alan Parker en 1988) sur l’apartheid et l’injustice.

…une émotion?

J’ai une carapace (sic). Je ne suis pas trop sensible aux critiques.

…un pays?

La Mongolie. J’y suis allé il y a vingt ans. Les paysages étaient incroyables.

…une pièce de la maison?

La cave. C’est là qu’est mon vin. J’en suis un grand amateur.

…un livre?

Un roman policier assez noir de Franck Thilliez, Bernard Minier ou encore Maxime Chattam

…une mauvaise habitude?

Je m’énerve vite, j’ai une sale tronche (rires).

…un lieu mythique du sport?

J’ai toujours aimé Macolin. Un endroit qui respire le sport, où tout est fait pour l’athlète.

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