PAR DOMINIQUE MEYLAN
C’est une nouveauté. Le procureur général et le Conseil d’Etat, en collaboration avec la police, ont élaboré une politique de lutte contre la criminalité. Les six priorités dégagées feront l’objet d’une attention toute particulière pendant les trois prochaines années. Cela ne signifie pas pour autant que les autres délits seront négligés. La police continuera à venir en aide à la population, a assuré hier son commandant Pierre Schuwey. Un bilan sera tiré en 2014 pour affiner ou redéfinir cette politique.
La lutte contre la violence constituera le principal champ d’action de la police et de la justice. Il s’agit de la première et de la principale priorité. Le procureur général Fabien Gasser avait d’ailleurs annoncé, au moment de sa nomination, vouloir faire de la violence gratuite l’un de ses combats. Définir les contours de ce type de délits n’est pas toujours aisé, a reconnu Fabien Gasser. «Il s’agit de lutter principalement contre les réactions de bandes qui, pour un regard, un refus de donner une cigarette, un mot mal compris, s’en prennent à un ou plusieurs individus.»
Eviter les relaxes rapides
Selon le procureur général, les autorités peuvent faire des progrès au niveau de l’instruction. Fabien Gasser milite pour l’examen systématique d’une mise en détention. Cette mesure doit résoudre un problème récurrent: les auteurs de violences gratuites sont rapidement relaxés après avoir été entendus. «Ensuite, ils narguent leurs victimes, expose Fabien Gasser, en leur montrant que la police et la justice sont impuissantes.»
Cette mesure est assez emblématique des moyens offerts à la justice pour intensifier son action: plus de sévérité et plus de réactivité. Passer quelques heures en détention préventive peut avoir davantage d’effets qu’un procès qui arrive beaucoup plus tard et débouche sur une peine avec sursis. Ce mode de faire possède aussi ses limites. Fribourg ne fait qu’appliquer la loi. Pour un cas de violence gratuite, la compétence d’ordonner une détention appartient au Tribunal des mesures de contrainte. «Le seul engagement que je peux prendre, c’est que l’emprisonnement sera examiné», reconnaît Fabien Gasser.
Déni de l’autorité
La violence s’excerce également à l’encontre des autorités. Les policiers, les gardiens de prison, mais aussi les enseignants, les tuteurs, le personnel médical, les élus politiques ou les magistrats subissent parfois des attaques verbales ou physiques. Ainsi, «les agents se font menacer de mort, frapper, insulter, puis des plaintes pénales sont déposées contre eux pour abus d’autorité dès qu’ils recourent à la force», explique Fabien Gasser. Le Ministère public veut donner un signal fort, en tentant de convaincre les tribunaux d’appliquer des peines plus dures dans ce domaine.
Sur les quatre homicides qui ont eu lieu dans le canton l’année dernière, trois étaient liés à des affaires familiales. La lutte contre la violence domestique fait également partie des priorités. «Rien que dimanche dernier, nous avons eu sept affaires à traiter», a illustré Pierre Schuwey. Dans le système actuel, la victime demande très souvent la suspension de la procédure. «Il convient toutefois de s’assurer de la pertinence d’une telle suspension, en auditionnant les personnes concernées», estime Fabien Gasser.
Dans la lutte contre le hooliganisme, «l’expérience démontre, selon le procureur général, qu’une sanction rapide a des effets dissuasifs bien meilleurs qu’une sanction intervenant plusieurs mois après les faits.» Le code de procédure permet de prononcer une ordonnance pénale à brève échéance. Cet outil devrait être davantage sollicité, tout comme la garde-à-vue.
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Les cinq autres priorités
Outre la lutte contre la violence, les cinq autres priorités sont également une réponse au sentiment d’insécurité. Elles couvrent des domaines plus larges, jusqu’à celui de l’économie. Ce nombre de six priorités est-il trop important? Pour le procureur général Fabien Gasser, la réponse est non. Il a reconnu, hier, que ces domaines avaient été difficiles à fixer. «On aurait pu mettre les infractions contre l’intégrité sexuelle, par exemple.» Toutefois, ces priorités ont pour particularité d’offrir une marge de manœuvre et une adaptation possible de la pratique actuelle.
La lutte contre les bandes organisées sera intensifiée dans le canton de Fribourg. Le commandant de la police Pierre Schuwey a présenté un exemple récent. Lors du contrôle d’une voiture sur une aire d’autoroute, les forces de l’ordre ont retrouvé une vingtaine de smartphones, dérobés lors du Carnaval de Lucerne. Les deux occupants du véhicule avaient l’intention de les revendre à Paris.
Le trafic de stupéfiants restera une priorité pour les autorités. Selon Fabien Gasser, il s’agit aussi bien de démanteler des bandes que d’arrêter des petits dealers, actifs dans la rue. Autre axe voulu par le canton, qui rejoint d’ailleurs une préoccupation de la Confédération: la lutte contre les chauffards. «Les procureurs seront amenés à réfléchir à des sanctions plus dissuasives.» Pour le procureur général, «le meilleur outil reste souvent le séquestre du véhicule».
La prochaine priorité du canton est basée sur les préoccupations des milieux économiques. Il s’agit de la lutte contre le travail au noir. Les infractions actuelles créent une importante distorsion de la concurrence, a souligné Fabien Gasser. L’outil de la créance compensatrice va être davantage utilisé. Les différents services seront mieux coordonnés.
Dernier point, peut-être le moins grave, mais pas le moins visible: les incivilités. Dommages à la propriété, comportements bruyants la nuit, injures ou menaces contribuent à augmenter le sentiment d’insécurité. Les sanctions devraient désormais tomber plus rapidement. DM
Commentaires
Philtor (non vérifié)
mar, 06 mar. 2012
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