PAR DOMINIQUE MEYLAN
En cette fin d’année, le Parlement débat d’un projet essentiel pour le monde paysan: la politique agricole 2014-2017. Ce texte règle la nature des paiements directs qui seront alloués ces prochaines années. L’enveloppe s’élève toujours à 13,7 milliards de francs. Le combat porte sur les critères choisis pour allouer ces contributions.
Le Conseil national a accepté fin septembre cette politique agricole, avalisant dans la foulée le remplacement de la «prime à la vache» par une contribution liée à la surface. Le Conseil des Etats doit en débattre jeudi.
Les agriculteurs fribourgeois seront directement touchés, mais le canton n’a guère de pouvoir en la matière. La conseillère d’Etat en charge de l’Agriculture, Marie Garnier, n’en suit pas moins les discussions.
Quelle est votre position par rapport au projet de politique agricole 2014-2017?
De manière générale, il faut saluer l’effort: plus de 13 milliards sont alloués à l’agriculture. Certains paiements directs changent de nom, sans que la prestation demandée ne soit fondamentalement modifiée. On reste dans le même système de production intégrée. Il y a quelques volets qui sont développés, d’autres encore tout à fait nouveaux, notamment les contributions à la qualité du paysage.
A mon sens, ce projet de politique agricole va globalement dans la bonne direction. Il faudra encore informer les agriculteurs pour qu’ils puissent profiter des aides allouées.
Quelle a été l’attitude du canton jusque-là?
Le canton s’est engagé vis-à-vis de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) pour essayer d’éviter que les changements ne soient trop brusques, et faire en sorte que les contributions de transition soient plus élevées ou qu’un échelonnement soit prévu.
Le passage d’une contribution par tête de bétail à une contribution à la surface constitue l’un des principaux points de discorde. Quelle est votre position?
Cette proposition n’a pas encore été acceptée par le Conseil des Etats. Il existe aussi des solutions intermédiaires qui pourraient atténuer le choc. A mon sens, ce sont elles qui doivent être soutenues.
Sur le fond, ce que préconise l’OFAG me semble assez juste. Dans le canton de Fribourg, nous avons des domaines plutôt grands, de 26 hectares en moyenne. En termes de taille d’exploitations, nous nous trouvons au 5e rang suisse. Pour cette raison, nous devrions profiter, d n à Grangeneuve. Le Service d’agriculture met en ligne des formulaires d’inscription pour les contributions. Nous pouvons simplifier la vie des agriculteurs. Le canton a un rôle d’accompagnateur de la politique fédérale. Il offre également des contributions complémentaires.
Si les agriculteurs fribourgeois rencontraient des difficultés dans la mise œuvre de cette politique agricole, que pourrait faire le canton?
Le montant global des contributions fédérales s’élève à 200 mio pour le canton. L’enveloppe n’a pas diminué. Nous ferons tout pour que les Fribourgeois continuent à percevoir la même part. Des possibilités existent pour les agriculteurs. Un certain nombre de programmes complémentaires, qui ne sont pas suffisamment développés actuellement, pourraient être embrassés. Par exemple, les réseaux écologiques. Ils sont très peu nombreux dans l’ouest du canton, en Glâne notamment. Nous avons également lancé une étude sur la restauration collective dans les hôpitaux et les écoles, afin qu’on puisse y écouler davantage de produits locaux.
En comparaison intercantonale, les agriculteurs fribourgeois sont-ils en retard en matière de solutions novatrices?
Nous pouvons compter sur de nombreux agriculteurs à la pointe. Cela vaudrait la peine de s’en inspirer. Je ne parle pas en termes de maximisation, mais d’optimisation. Il faut maintenir, en mains paysannes, des exploitations productives, respectueuses de l’environnement et attentives à la qualité des produits.
On vous sent assez prudente dans vos prises de position. Chat échaudé craint l’eau froide?
Il faut rassurer les agriculteurs, tout en leur disant: regardez autour de vous. Si le métier de paysan est très dur, d’autres branches sont touchées par des difficultés. On ne coupera pas à un nouveau contrat entre l’agriculture et la société en Suisse. Ce n’est pas en se refermant sur soi-même qu’on aura le soutien, à terme, du consommateur et du contribuable.
Est-il difficile d’être une conseillère d’Etat Verte en charge de l’agriculture?
C’est difficile, mais intéressant. Les attaques ne manquent pas. Je pense que les craintes sont disproportionnées. Je ne peux pas changer toute la politique agricole du canton et je ne le veux pas. Souvent le diable se cache dans les détails. Sur un point, dans une directive. Je compte vraiment sur les agriculteurs pour qu’ils disent ce dont ils ont besoin. Ensuite, l’administration est à même de peser les intérêts. Nous pouvons travailler ensemble pour améliorer les conditions cadres.
Est-ce que vous avez dû mettre de l’eau dans votre vin depuis votre entrée en fonction?
Je travaille depuis longtemps avec les agriculteurs. Je ne peux pas affirmer que j’ai changé d’optique ou de programme. Parfois, j’ai dit des choses qui me semblaient normales, mais qui ont été considérées comme blessantes. Le défi pour moi est de mettre en valeur l’agriculture et de donner aux paysans la confiance dont ils ont besoin. Ils ont beaucoup à offrir: du savoir-faire, une tradition, une force de travail, autant de valeurs qui deviennent rares à l’heure actuelle. Il ne faut pas qu’ils se replient en pensant que le monde est contre eux. Le monde doit reconnaître les efforts faits pour le nourrir sainement. Pour ma part, j’ai un profond respect pour le travail de la terre.
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