Bilan positif, dix ans après le Concept

| mar, 22. oct. 2013
En 2003, le Concept directeur du tourisme gruérien, du professeur Francis Scherly, donnait de nouvelles pistes pour améliorer les infrastructures et l’offre touristiques. Dix ans plus tard, La Gruyère tire un premier bilan, plutôt positif.

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

Dans son rapport commandé par l’Association régionale la Gruyère (ARG), le professeur Francis Scherly donnait six recommandations et une dizaine de mesures d’accompagnement pour améliorer le tourisme en Gruyère. Dix ans plus tard, nous avons ressorti des tiroirs ce document et nous l’avons soumis à l’analyse de son auteur, mais aussi de Raoul Girard et de Pascal Charlet – respectivement président et directeur de La Gruyère Tourisme – et de Patrice Borcard, président de l’ARG. Bilan en dix points.

1. Développer les rives du lac
Depuis plusieurs décennies, les rives du lac font l’objet de projets divers. Aujourd’hui, avec l’aboutissement du sentier et l’aménagement de ses berges (on pense notamment au port de La Roche), le lac est devenu «une vraie attraction, qui apporte beaucoup en Basse-Gruyère», note Raoul Girard.
«Le lac nous permet d’élargir la palette d’activités proposées et de toucher d’autres cibles, avoue Pascal Charlet. Nous avons pas mal de demandes au niveau familial, pour le kayak par exemple.» Quelques questions de jeunesse sont encore sur la table: comment raccourcir les étapes du sentier? Comment améliorer l’accès et le parking? Pour Patrice Borcard, «le lac est devenu un objet touristique et il faudra désormais mieux le vendre».

2. Organiser des événements ponctuels (Goûts & Terroirs…)
Dans son Concept, Francis Scherly mettait en avant l’organisation d’événements ponctuels pour attirer les touristes. «En Suisse, on ne peut régater que sur la qualité et l’événementiel, répète-t-il aujourd’hui, en brandissant l’exemple du Montreux Jazz Festival. Sinon, nous sommes trop chers.»
Le professeur honoraire d’HEC Lausanne n’en démord pas: «Il faut continuer dans l’événementiel, c’est notre force. Déclinons par exemple mieux encore la bénichon.» Jadis très bien positionné en matière de salons (Energissima, Aqua, mariage…), Espace Gruyère a subi une «concurrence féroce», selon Raoul Girard. En revanche, «nous avons bien réussi à positionner Gruyères pour des sorties d’entreprise ou encore avec le spectacle Délivrance, en 2010.»
«Il ne faut pas oublier le SlowUp de la Gruyère et beaucoup de petites manifestations au niveau local, rappelle Pascal Charlet. Notre défi est maintenant d’harmoniser le calendrier et la promotion. Faut-il créer un poste de responsable des events? Oui, si on pense que c’est un axe stratégique. Mais, on n’en a pas les moyens pour l’instant.»

3. Construire un hôtel d’affaires à Bulle
Longtemps espérée, la construction d’un nouvel hôtel à Bulle s’est concrétisée en juin 2011 avec l’ouverture de l’Ibis. «Il ne faut pas oublier l’agrandissement du Rallye, note Raoul Girard. C’est un grand plus, notamment pour accueillir les tour-opérateurs.»
«On aura sans doute d’autres besoins à l’avenir, par exemple un hôtel lié au projet de centre sportif régional, argumente Patrice Borcard, qui vise un partenariat public/privé. «Cet hôtel manquait clairement, les statistiques le prouvent», affirme Pascal Charlet. Cependant, seuls 40% des touristes passent une nuit en Gruyère. «Si l’on augmente le nombre de lits, on augmentera les nuitées, donc les taxes de séjour et finalement notre budget marketing, détaille le directeur de La Gruyère Tourisme. Il y a encore de la marge, par exemple pour un hôtel trois étoiles familial, avec des prix accessibles.»

4. Faire un effort sur la qualité de l’accueil et le bilinguisme
En 2003, Francis Scherly mettait le doigt sur la question – taboue – de la qualité de l’accueil et du bilinguisme. «Un effort phénoménal a été fait par les offices du tourisme qui ont obtenu le label Q2, plaide Raoul Girard. Nous avons une constante volonté de nous améliorer. Par exemple, nous réfléchissons à la question d’une ouverture le dimanche de l’Office du tourisme de Bulle.»
Il est à relever que la qualité de l’accueil s’est sans doute davantage améliorée dans l’hébergement que dans la restauration. «Les gens qui séjournent à Charmey ne sont pas les mêmes que ceux qui viennent à Bulle, explique Pascal Charlet. On a besoin de mieux connaître nos touristes et d’ailleurs une étude est en cours au niveau cantonal à ce sujet.»

5. Réorganiser les structures touristiques
«En dix ans, Fribourg est passé du Moyen Age à la modernité grâce à l’appui de politiciens éclairés, image Francis Scherly. Il y a maintenant une volonté de collaborer de haut en bas et de bas en haut. Mais attention à ne pas s’endormir sur ses lauriers.»
Entrée en vigueur en 2006, la nouvelle Loi sur le tourisme a permis de réformer le système. Dans la foulée, La Gruyère Tourisme a repris l’Office du tourisme de Bulle et de Gruyères. «On est même allé au-delà du rapport Scherly», sourit Raoul Girard. «Il reste encore des points à parfaire, souligne Patrice Borcard, notamment le lien entre les sociétés d’animation villageoise et les sociétés de développement proprement dites.»

6. Fusionner les remontées mécaniques gruériennes
Il y a dix ans, le consultant appelait à la fusion des remontées mécaniques. «Les Rochois me sont tombés dessus et les Micheloud n’étaient pas très contents, car leur station de Moléson faisait déjà la moitié de ses revenus l’été, alors que d’autres comme Charmey ou Bellegarde fonctionnaient à peine durant la saison estivale.»
Sur ce point, Raoul Girard était d’accord avec le professeur Scherly. «J’ai toujours pensé qu’il fallait fusionner avant d’investir. Ça s’est fait autrement, n’en parlons plus!»
«En revanche, les stations ont nettement amélioré leur collaboration au moment de la construction des nouvelles installations, explique Patrice Borcard. On peut dire qu’elles ont fait les trois quarts du chemin.»

7. Inciter l’hébergement simple et Familial (B&B, gîtes…)
Dans son Concept, Francis Scherly disait tout le bien qu’il pensait de l’hébergement simple et familial, à développer en Gruyère. «Dans un bed & breakfast idéal, il se construit une forte relation “affective” entre l’hôte et le client. Ça marche bien dans l’Intyamon. Mais il faut être encore meilleur, imaginer des B&B confortables à prix sympa.»
De son côté, Raoul Girard relève la difficulté pour le monde politique de promouvoir des initiatives privées. «Comment faire évoluer les mentalités?» Par exemple, le système de colonies Viva Gruyère fonctionne très bien, malgré la vétusté de certains bâtiments.
«En revanche, le domaine agricole ne ressent pas – encore – le besoin d’aller dans ce sens, analyse Patrice Borcard. D’ailleurs, il avoue que la préfecture rencontre des difficultés avec l’octroi de certaines patentes. «J’ai récemment mis sur pied un groupe de travail pour mener une réflexion sur les chalets d’alpage. Quelle est leur intégration possible dans le domaine du tourisme? C’est une question à se poser aujourd’hui.»

8. Créer un centre thermal à charmey
De l’avis unanime, Les Bains de la Gruyère sont une totale réussite. «Le centre thermal a généré un incroyable dynamisme immobilier à Charmey et dans la vallée de la Jogne», relève Francis Scherly. Sans parler des retombées indirectes qui profitent à toute la région.
«Les Bains attirent beaucoup de monde et permettent de diversifier l’offre, en été comme en hiver, se réjouit Raoul Girard. En outre, ils contribuent à garder les gens sur place. Et, de plus, le bâtiment est très beau, ce que l’on ne dit pas assez souvent.» Des propos corroborés par Pascal Charlet, qui voit dans le centre thermal un «bel outil marketing qui stimule toute la région. Sans compter qu’il offre une alternative non négligeable en cas de mauvais temps.»

9. Mettre sur pied une zone sports & loisirs à Broc
En 2003, Francis Scherly voyait dans la plaine des Marches une zone de loisirs à potentiel réel. «Les lieux ont été visités avec un architecte spécialiste du swin golf: les conditions étaient idéales pour y installer un premier parcours. Mais si la commune avait manifesté un sentiment d’intérêt, il n’en a pas été de même avec un certain paysan qui ne l’entendait pas de cette oreille… Il a fallu bâcher!»
Encore en sursis ces dernières années, la piscine de Broc est sauvée par la régionalisation des sports, mise en place dès le 1er janvier 2014. L’avenir de la plaine des Marches est lié au futur centre sportif régional. «Elle garde encore un beau potentiel de développement.»

10. Mettre l’accent sur l’écotourisme (tourisme doux)
Au milieu des années 2000, Francis Scherly avait mis sur pied le projet Préalpes sans frontière, qui reliait Montreux au Lac-Noir, en passant par les alpages. «Nous avions eu un très bel écho, notamment grâce à notre guide de l’hôte et du visiteur. Ce furent les prémices de la création du Parc naturel régional la Gruyère Pays-d’Enhaut. «Il faut foncer dans cette idée, qui correspond parfaitement à l’image de verdure de la Gruyère, avec ses montagnes chaleureuses et facilement accessibles.»
Pour Raoul Girard, le PNR est un énorme plus. «C’est exactement l’image qui colle à la région, parfaite pour la randonnée ou les balades à VTT.»
«Le PNR est idéal pour le positionnement de la Gruyère, complète Pascal Charlet. La Confédération met à disposition beaucoup de moyens. En outre, il permet de développer le tourisme dans l’Intyamon.» Même son de cloche du côté de Patrice Borcard, pour qui «le PNR est clairement un moteur de la région». Le projet de signalisation du parc devrait, à ce titre, bientôt voir le jour.

 

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Les canons bientôt au centre du débat
En dix ans, la Gruyère a connu des évolutions de son paysage touristique qui ne figuraient pas dans le rapport Scherly. Résumé en cinq thèmes.

11. Amélioration de la mobilité douce
«On a déjà augmenté l’offre en mobilité douce avec l’arrivée du RER, qui place la Gruyère à une heure de Berne, affirme Raoul Girard. Il faut encore améliorer la desserte, notamment entre la Maison Cailler et Gruyères. L’étude d’un bus touristique est en cours, mais il reste à trouver son financement.»
«Il faudra également trouver des solutions de mobilité douce pour l’hiver», poursuit Patrice Borcard, sensible au flux de voitures vers les stations. De même, «les vélos électriques mériteraient une meilleure promotion, car on ne sait pas bien à quel public ils s’adressent», note Pascal Charlet. Sans parler de la construction de pistes cyclables, inexistantes en Gruyère.

12. Ouverture de la Maison Cailler à Broc
Avec 340000 visiteurs en 2012, la Maison Cailler est désormais le site touristique le plus visité en Suisse romande, devant le château de Chil-lon. «Ce succès phénoménal est très bon pour l’image de la région, reprend Raoul Girard. Encore faut-il trouver le moyen de garder les gens sur place.» En effet, le nombre de séjours est encore faible. «En Gruyère, la somme des sites visitables est énorme, peut-être le plus important de Suisse. Les touristes peuvent aisément passer une semaine ici sans s’ennuyer.»

13. Création d’un centre sportif régional
Lancée en 2009, l’idée d’un centre sportif régional met davantage de temps que prévu à se concrétiser. «On peut pratiquer tous les sports en Gruyère, mais pas de manière centralisée, explique Pascal Charlet. La zone de Bouleyres est coincée. Il faut trouver une solution.»
«L’ARG doit maintenant déterminer son lieu d’implantation et choisir l’investisseur», affirme Patrice Borcard, qui en dira davantage le 7 novembre, lors de la prochaine assemblée des délégués de l’ARG. En parallèle, la régionalisation des sports entrera en vigueur le 1er janvier 2014, avec un budget de 1,3 million réparti entre les communes. «Il y a une réelle volonté politique de chercher une solution durable, pense Raoul Girard. Ce sera un vrai apport pour la population locale et pour le tourisme à caractère sportif, qui a encore une bonne marge de progression.»

14. nouvelles remontées mécaniques
Peu présentes dans le rapport Scherly, les remontés mécaniques avaient fait l’objet d’une étude en 1993, qui concluait à leur maintien. «Sans Vounetz, il n’y aurait pas de Bains à Charmey», affirme Francis Scherly.
«Maintenant qu’elles sont faites, il faut les faire vivre, avec la conscience de développer les activités estivales», prétend pour sa part Raoul Girard. Avec la moitié de son chiffre d’affaires réalisé en été, Moléson est clairement l’exemple à suivre.

15. Installation des canons à neige
«Si on investit pour la montée, il est cohérent d’investir pour la descente, affirme le Valaisan Pascal Charlet. Je suis partisan des canons à neige, car il ne faut pas négliger les retombées indirectes qu’ils engendrent.» «Il faut leur trouver une rentabilité économique, sans parler de la compatibilité avec l’image de la région et la qualité de l’environnement», rétorque Raoul Girard. Prochaine étape le 7 novembre, lorsque la demande de subventionnement de La Berra sera traitée par l’ARG, ce qui ne manquera pas de provoquer le débat. En effet, cette décision déterminera la position de l’ARG face aux futures demandes de subventions qui ne manqueront pas d’arriver ces prochaines années. CD

 

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La marque Gruyère mérite l’investissement
En dix ans, le nombre de nuitées hôtelières a été multiplié par deux en Gruyère. Ce constat est à double tranchant: soit la situation en 2003 était réellement catastrophique (en tout cas suffisamment mauvaise pour commander une étude à ce sujet), soit les milieux touristiques ont mis les bouchées doubles depuis dix ans et leur travail a porté peu à peu ses fruits.
Même s’il convient de prendre cette statistique avec un certain recul (les nuits d’hôtel des ouvriers qui œuvrent sur le chantier d’UCB à Bulle sont, par exemple, comptabilisées com-me des nuitées touristiques), elle montre à quel point l’industrie du tourisme a besoin de professionnels aguerris pour anticiper les défis à venir.
Directeur de La Gruyère Tourisme depuis ce printemps, Pascal Charlet a pu observer les spécificités locales depuis son arrivée. «Je vois plusieurs axes pour le futur. Il faut que nous mettions encore plus l’accent sur le tourisme d’été, pour rendre les remontées mécaniques vraiment viables.»
Autre facette à améliorer: la fidélisation du client. «Comment faire pour que les touristes reviennent en Gruyère? Pour cela, nous devons mieux les connaître. Au niveau cantonal, nous cherchons à obtenir un outil efficace. Mais nous affrontons des difficultés à le mettre en place à cause de la protection des données. Une solution devrait être trouvée, à condition qu’elle garantisse l’anonymat des gens concernés.»


Nouvelles pistes
«En termes de ressources humaines, La Gruyère Tourisme n’a pas augmenté son personnel depuis plusieurs années, poursuit son directeur. Les moyens n’ont pas suivi. C’est l’un de nos principaux défis: explorer de nouvelles pistes de financement pour obtenir davantage d’argent pour le marketing et la communication. La marque Gruyère mérite qu’on investisse davantage pour elle. Notre but n’est pas de prendre le dessus sur l’Union fribourgeoise du tourisme (Fribourg Région), mais on doit ensemble être plus forts sur la marque Gruyère.»
Avec 600000 visites mensuelles, le site www.la-gruyere.ch est l’un des plus consultés de la région. «Nous devons encore accroître notre présence sur internet, surtout sur les réseaux sociaux. On peut également augmenter nos ventes via internet. C’est un centre d’activité à renforcer.»


Une meilleure information
Au rang des améliorations qui pourraient être apportées, le Valaisan pense à la signalétique touristique dans la région. «C’est peut-être une utopie, mais on pourrait sans doute davantage la coordonner.»
En outre, il est d’avis qu’il faut trouver de nouveaux moyens pour transmettre l’information en dehors des offices du tourisme. «Par exemple, une personne sur six consulte notre site internet depuis son téléphone mobile, explique-t-il. Le comportement face à l’information est en train de changer. Doit-elle passer par des bornes interactives? Ou davantage par les hôtels? Il faut se poser ce genre de questions.»
A un niveau plus interne, le directeur de La Gruyère Tourisme souhaite être «plus proche de ses partenaires. J’aimerais rapprocher tous les acteurs touristiques. C’est un sacré défi, car les attentes sont très différentes.» CD

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