PAR CHRISTOPHE DUTOIT
L’avenir des canons à neige en Gruyère semble de plus en plus compromis. Après un premier débat qui a secoué le microcosme du tourisme en 2007, le comité de l’Association régionale La Gruyère (ARG) proposera à ses délégués de refuser,
le 7 novembre, la demande de subventions émise par La Berra. Cette aide porte sur un montant de 229000 francs, à prélever dans le Fonds régional d’investissement, ce qui représente 18% des coûts totaux.
Pour étayer son argumentation, le comité de l’ARG a établi un rapport que son président Patrice Borcard a présenté hier à la presse. Intitulé Quel soutien de l’ARG pour l’enneigement artificiel dans les stations gruériennes?, ce document tient compte des investissements pour les dix ans à venir dans le district. A savoir, des montants estimés à 5 mio à Charmey, 3 mio à Bellegarde,
5,3 mio à Moléson et un coût de 1,25 mio pour l’actuel chantier de La Berra. Soit un total de 14,55 millions, dont 2,6 mio seraient à la charge de l’ARG, si elle conservait le même ratio que pour les trois demandes déjà accordées par le passé à Bellegarde et La Berra (à deux reprises déjà).
«Il ne reste plus que 3 millions à disposition dans le Fonds régional d’investissement jusqu’en 2020, avance d’emblée Patrice Borcard. Si nous acceptons la demande de La Berra, nous devrons dire oui aux revendications des autres stations durant ces prochaines années.» Or, le comité de l’ARG se voit mal consacrer l’entier de son capital à l’enneigement artificiel, après avoir déjà investi 70% de son fonds pour des projets en relation avec les remontées mécaniques.
«L’ARG est sollicitée de toutes parts, poursuit le préfet. Elle doit encadrer les communes face à l’essor démographique, par exemple avec un projet de mobilité autour du lac ou un site internet pour les structures d’accueil de la petite enfance.»
Changements climatiques
En outre, le rapport de l’ARG tient compte des futurs changements climatiques. «Pour les quinze années à venir, les saisons seront encore très diversifiées. A moyen terme (2030), les installations les plus basses rencontreront de plus en plus de difficultés, prévoient les experts. La hausse des températures s’accélérera et on rencontrera à 1400 m les conditions que l’on a aujourd’hui à 1000 m.»
Sans le concours de l’ARG, les stations pourraient toujours financer elles-mêmes leur parc à canons. Contrairement au canton de Vaud, qui soutient les installations à hauteur de 40%, Fribourg ne semble pas entrer en matière. «Nous avons demandé au canton que le financement des canons à neige soit intégré à la Loi sur le tourisme, avoue Patrice Borcard. Pour l’heure, nous n’avons reçu aucune réponse officielle.»
Si elle refuse d’entrer en matière sur l’aide aux canons à neige, l’association faîtière des communes gruériennes semble en revanche ouverte à aider les stations à rééquilibrer leurs activités touristiques vers l’été. «En 2014, nous allons organiser des Etats généraux du tourisme. Dans ce sens, l’ARG pourra donner des impulsions», promet Patrice Borcard.
D’ici là, une chose est certaine: la décision – unanime – du comité de l’ARG a au moins le mérite de relancer le débat sur l’enneigement artificiel.
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Réactions des stations gruériennes
Si, le 7 novembre, les délégués de l’ARG acceptent la proposition du comité de supprimer le soutien financier en faveur des canons à neige, les quatre stations devront revoir leurs projets. La décision ne remettra toutefois pas en cause la mise sur pied des installations d’enneigement artificiel, mais leurs modalités.
«Dans la logique politique de développement décidée il y a quelques années, il serait sensé de consentir encore à quelques efforts pour soutenir ces installations», confie Bruno Charrière, président de la station de Charmey. Une politique dont ont profité Bellegarde et La Berra. Au tour de Charmey et Moléson, élevées au rang de pôles touristiques cantonaux. «Certes, le développement des activités estivales est essentiel, mais il nous faut d’abord assurer l’exploitation hivernale. Qui passe sans doute par les canons à neige. La situation économique du village, voire de la vallée, en dépend. Contrairement à La Berra par exemple. Le village peut vivre sans les remontées mécaniques.»
Un avis partagé par Antoine Micheloud, directeur de la station de Moléson. «On peut soulever la discussion: est-il logique que les pôles régionaux, Bellegarde et La Berra, aient profité du financement pour assurer leurs hivers et que les pôles cantonaux ne le puissent pas? Le manque de neige ne met pas toutes les infrastructures en péril.» Ce débat mis à part, Antoine Micheloud comprend que l’ARG doive soutenir d’autres structures. «Nous ne travaillons pas avec des œillères. Nous sommes déjà contents des aides obtenues jusque-là. Il nous faudra simplement revoir le projet du système d’enneigement artificiel prévu sur la piste bleue reliant Plan-Francey à Moléson-Village. Mais pas l’idée.»
Du côté de La Berra, on espère que la décision sera refusée par les délégués. «Cela aura évidemment des incidences sur notre plan de financement, confie Philippe Gaillard, directeur des remontées mécaniques. Nous installerons les nouveaux canons à neige, mais sans ces 200000 francs d’aide, nous reverrons, du coup, d’autres projets.» Le bâtiment de service, par exemple, qui ne verra peut-être pas le jour. «On prendra acte. On sait que les communes ne peuvent pas tout donner aux remontées mécaniques. Mais on espère quand même un soutien, même moindre.»
A Bellegarde, on comprend aussi les arguments de l’ARG, «qui a pas mal de chats à fouetter pour accompagner la croissance démographique, indique Jean-Claude Schuwey, président de Skilift Jaun AG. Les communes nous ont déjà pas mal aidés.» Alors, si l’ARG devait supprimer cette manne, «nous attendrons, ma foi, avant de nous lancer dans la deuxième étape de l’enneigement artificiel. Et nous essaierons de trouver le financement ailleurs.» Cette suite est devisée à quelque 3 mio de francs. PR
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Centre sportif: vote en 2014
Le 7 novembre, les délégués des communes gruériennes (ARG) devront également se positionner sur une nouvelle étape pour le centre sportif régional. Ils devront en effet accepter formellement un crédit de 230000 francs – à prélever sur le Fonds régional d’investissement – pour la seconde phase de l’étude d’Ernst & Young.
Pour mémoire, une première étude de faisabilité (270000 fr.) a été lancée en novembre 2008. Elle a clairement porté son choix sur la variante d’un «centre intégré et compact». Trois sites ont été analysés (ne reste plus que ceux de la plaine des Marches, à Broc, et de la Ronclina, à La Tour-de-Trême) et un avant-projet technique a démontré le potentiel du projet.
En 2012, l’ARG a attribué un mandat d’analyse financière et juridique à Ernst & Young. Ce consultant pense que l’économie réalisée par les collectivités dans le cadre d’un partenariat public/privé oscillerait entre 18% et 26%, selon la variante retenue. Il est également d’avis de séparer les investissements obligatoires (piscine, patinoire) du programme optionnel (hôtel, zone de loisirs).
Donner le coût réel
La seconde phase de l’étude d’Ernst & Young permettra de mieux cerner les contours du partenariat entre les communes et le futur investisseur, qui aura la responsabilité de «construire, financer et exploiter l’infrastructure» en fonction des locations des installations par les collectivités. A noter que, pour cette étude, la Nouvelle politique régionale prendra en charge la moitié des frais (elle avait financé l’entier de la première phase d’Ernst & Young).
«La suite de cette étude va nous permettre de préparer les appels d’offres et de donner aux communes des chiffres réels sur le coût du futur centre sportif régional, explique Patrice Borcard, président de l’ARG. Nous aurons également le soutien de divers services de l’Etat, car notre manière de mettre sur pied le cadre légal d’un partenariat public/privé servira de base de travail pour les autres projets cantonaux.» Au passage, le préfet confirme que l’idée d’un bassin de 50 mètres a été abandonnée au profit de deux bassins (six à huit lignes d’eau de 25 mètres pour les entraînements et un second bassin dédié aux loisirs).
Cette seconde étude prendra six mois. «A son terme, les coûts, l’investisseur et le site devraient être déterminés.» Les délégués de l’ARG devraient voter à l’automne 2014 sur la suite à donner au projet, avant que la question ne passe en scrutin populaire (référendum obligatoire). CD
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