Par Thibaud Guisan
Il revenait de Hong Kong. Mais, huit mois plus tôt, c’est au Japon que Paolo Basso a brillé. Le 29 mars à Tokyo, cet Italo-Suisse de 47 ans a été sacré Meilleur sommelier du monde, devant… 4000 spectateurs! Jeudi, il était au Salon des goûts et terroirs à Bulle, pour une initiation à la dégustation de vin et un atelier. Interview.
Que représente ce titre de Meilleur sommelier du monde?
C’est un sentiment de sérénité face à un objectif atteint. La joie, je l’ai eue la première fois que j’ai terminé deuxième de ce concours (n.d.l.r.: en 2000, puis en 2007 et 2010). Le titre n’est remis que tous les trois ans. Il est très convoité. C’est beaucoup de travail pour y arriver.
Justement, comment se prépare-t-on pour une telle compétition?
L’expérience aide. Ça fait quatorze ans que je participe à des concours internationaux (n.d.l.r.: avant, il a été sacré Meilleur sommelier suisse en 1997). Mais il faut de toute façon beaucoup étudier. On cherche à en connaître le plus possible sur les vins du monde entier. Cela passe par la lecture de nombreux livres et la visite de régions viticoles. Après, il y a l’entraînement pratique. En une année, j’ai dégusté jusqu’à 2000 vins. Il faut des moyens financiers (rires). La dégustation, c’est quelque chose de sensoriel, de manuel et de physique, qui s’entraîne comme de la musique.
Sur quoi est-on jugé?
Il y a une partie théorique. Les questions sont très pointues. Cela va du nombre de fois où le vin et la vigne apparaissent dans la Bible à la personne qui a importé le vin en Uruguay, en passant par la formule de la fermentation malolactique. On peut aussi être interrogé sur les meilleures levures à utiliser pour la fabrication de saké, l’alcool de riz japonais. Car un sommelier ne s’occupe pas que du vin, mais de toutes les boissons qui sont servies dans un restaurant. Il y a aussi des épreuves de service et de dextérité. Enfin, on est jugé sur ses capacités psychologiques à mettre le client à l’aise. Car les sommeliers sont aussi des animateurs de soirées.
Quel est le quotidien du Meilleur sommelier du monde?
Je pourrais écrire un guide sur les compagnies aériennes, tellement je voyage (rires). Je suis beaucoup demandé pour animer des soirées sur le vin. Je conseille des commerces de vins, des chaînes d’hôtel ou des producteurs. En parallèle, je gère ma propre société de consulting en vins.
C’est quoi un bon vin?
C’est d’abord un vin qui donne du plaisir, mais il doit aussi avoir du caractère et de la personnalité. Par contre, il n’a pas besoin d’être compliqué. On peut habiter un château magnifique, mais on peut aussi très bien se sentir dans une petite maison, simple.
Quels conseils donnez-vous au grand public pour déguster un vin?
La règle d’or, c’est d’avoir l’esprit ouvert, de ne pas avoir d’a priori. Ensuite, la dégustation est une discipline où il faut être concentré pour comprendre la qualité d’un vin. Si on ne l’est pas, cela peut amener à la situation ô combien de fois vécue: on ramène un vin de vacances et, de retour à la maison, on ne le trouve pas bon. Le vin n’a pas changé durant le voyage. Mais la tête oui. Après, il faut savoir si on aime ou non ce qu’on goûte. Ça paraît bête, mais c’est essentiel. Ensuite, on peut se concentrer sur l’intensité et la longueur du vin (n.d.l.r.: la persistance du goût en bouche), deux critères très importants.
Comment jugez-vous les vins suisses?
D’un point de vue viticole, les producteurs sont très performants. La Suisse est d’ailleurs un paradis pour les sommeliers, car on a une diversité incroyable sur un très petit territoire. Par contre, on pourrait être un peu plus performant dans la commercialisation. Il faut faire savoir qu’on sait faire. En plus de la qualité de ses vins, la Suisse a un incroyable atout marketing: la beauté de ses paysages. Ça doit forcément aider à la vente d’un vin.
Quels pays pourraient s’imposer sur le marché mondial du vin?
Au niveau de la qualité, le vin du Chili pourrait bien franchir un cap. Jusqu’à maintenant, le Chili visait la quantité en plantant n’importe quoi n’importe où. Mais c’est en train de changer. Les Chiliens ont aujourd’hui la compréhension des sols et du terroir. Et ce pays a le grand avantage de ne pas avoir de maladies de la vigne, comme le phylloxéra ou le mildiou. On peut s’attendre à voir arriver une vague de grands vins du Chili. Après, il y a aussi la Chinen qui me surprend tous les jours.
Le vin made in China, vous y croyez vraiment?
Oui, la Chine pourrait bien s’emparer du segment bas de gamme. Depuis une dizaine d’années, les Chinois commencent à faire du bon vin à une petite échelle. Des joint-ventures italo-chinoises, franco-chinoises ou australo-chinoises ont été créées. D’ici à cinq ans, les Chinois seront prêts commercialement. Ils maîtrisent bien la production, mais ils seront obligés de vendre leur vin hors de leur pays. Les Chinois n’ont pas la culture du vin. Ce n’est peut-être pas imaginable pour ma génération, mais pour les jeunes, boire du français, de l’italien ou du chinois, ça pourrait bien être égal.
Commentaires
Carl Langevin (non vérifié)
sam, 30 nov. 2013
CLAUDE LADA (non vérifié)
sam, 30 nov. 2013
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