Par Karine Allemann

Thomas Bugnon sait bien qu’il ne marquera pas le panier de la victoire pour Fribourg Olympic. Celui qui aura la chance d’offrir le titre de champion de Suisse au club de Saint-Léonard, ce sera peut-être Edwin Draughan, d’un tir rapide pris en sortie de bloc. Ou le jeune Arnaud Cotture, épatant cette saison, époustouflant en play-off, d’un dunk rageur sur la tête des pivots luganais. Thomas Bugnon, lui, sera sans doute sur le banc, à encourager comme un fou les coéquipiers dont il partage le quotidien depuis l’été dernier. «Pour le public, ce n’est pas forcément évident. Mais, avec les jeunes de l’équipe, on a travaillé tellement dur que, si on devait gagner la finale, ce titre serait le nôtre aussi.»

Le Romontois de Fribourg Olympic s’entraîne deux fois par jour. S’il évolue avec la réserve en LNB, il est très peu entré en jeu avec la première équipe. Quelques minutes, le plus souvent en fin de match. C’est donc le quotidien d’un homme de l’ombre qu’il raconte. «Je suis meneur de jeu. Alors, quand j’entre sur le terrain, je dois déjà me débrouiller pour ne pas perdre la balle. Et saisir ma chance quand elle se présente.»

Dur de s’imposer à Fribourg
Qu’ils soient appelés à fouler le parquet ou non, les plus jeunes doivent toujours être prêts à jaillir du banc. «Si tu n’es pas prêt à le faire, il y en a un qui ne sera pas content…» Et, les Fribourgeois le savent, mieux vaut éviter d’énerver leur coach, le bouillonnant Petar Aleksic.

A l’entraînement, les plus jeunes sont parfois laissés sur le côté tandis que les dix joueurs principaux travaillent. Thomas Bugnon fait contre mauvaise fortune bon cœur. «Bien sûr, il y a un côté frustrant à rester au bord du terrain. La motivation connaît des hauts et des bas, parce que ce n’est pas le meilleur rôle. Mais ça fait partie du jeu, il faut l’accepter. Et puis, c’est une chance de pouvoir s’entraîner avec des gars comme Draughan ou Chapman. On progresse beaucoup et ça se sent quand on joue avec la LNB.»

Qu’est-ce que le coach attend de ses jeunes à l’entraînement? «Notre rôle est de mettre de l’opposition de la meilleure qualité possible. Sans nous, les autres ne pourraient pas s’entraîner à cinq contre cinq quand il y a des blessés. C’est pour ça que, si on gagne le titre, je me sentirai vraiment concerné.»

S’il ne sait pas encore de quoi son avenir sera fait (lire ci-dessous), l’étudiant de 20 ans est conscient qu’il lui sera difficile de s’imposer comme joueur majeur à Fribourg Olympic. Au contraire d’un Jonathan Kazadi, qui a franchi le cap il y a deux ans. «Vu son passé, le club aura toujours des ambitions très élevées. Aux joueurs qui se sont imposés d’entrée ici, je dis chapeau.»

Avec l’équipe de Suisse
De la rapidité, un sens de l’organisation du jeu et un engagement sans faille: le Romontois a des atouts à faire valoir. Des qualités qui lui ont permis d’intégrer l’Académie de Fribourg Olympic à 13 ans, d’inscrire son premier panier en LNA à 16 ans, avant d’y être appelé à temps plein. Sans oublier les deux campagnes européennes avec l’équipe de Suisse U16 et U18. «Avec les U16, nous avions terminé 7es sur 21. Un résultat historique pour la Suisse. Ça reste un magnifique souvenir. J’étais dans le cinq de base, avec le Genevois Clint Capela, bientôt le deuxième Suisse à jouer en NBA.»

Mais, pour lui qui rêve de basket depuis son plus jeune âge, son 1,71 m alors que tous les autres joueurs de l’équipe mesurent entre 1,87 m et 2,08 m n’est pas un cadeau. La vie est injuste, spécialement dans le sport. «C’est sûr que je ne pars pas avec un avantage. Mais, ma taille, c’est ce que la nature m’a donné. C’est désormais pareil  dans tous les centres de formation. Les entraîneurs regardent la taille du joueur et celle de ses parents. Ce n’est pas pour autant que je vais me morfondre. Je le vis plutôt bien au quotidien.»

Etre un joueur de l’ombre, un sparring-partner pour les stars du club, n’est jamais le premier choix. Mais, quand on le fait avec l’ambition de devenir meilleur et l’envie d’aider son équipe, il y a quelque chose de grand à être le petit jeune.

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Les bisous de Petar Aleksic

Thomas Bugnon s’y est repris à deux fois pour intégrer le club de basket de Romont. «J’avais 5 ans quand j’ai voulu commencer. On m’a dit que j’étais trop jeune. Comme je maniais déjà bien la balle, ça m’avait vexé. Je me suis donc tourné vers la gym artistique, j’ai même gagné deux médailles! Mais, après une année, un copain m’a proposé de commencer le basket avec lui.»

Le Romontois n’a pas de contrat avec le club fribourgeois. Il s’est toutefois donné une année de basket à temps plein. «Je suis des cours d’anglais et, en juin, je compte passer les examens pour entrer en sport à l’Uni. Mon idée serait de devenir coach sportif personnel. En ce qui concerne la saison prochaine, j’en parlerai avec les dirigeants à la fin du championnat.»

Mardi, Fribourg Olympic s’est incliné 77-87 face à Lugano. La série finale au meilleur des sept matches en est à 2-2 alors que les Fribourgeois se déplacent au Tessin samedi. Quand on demande à Thomas Bugnon comment il explique le succès de l’équipe cette année, la réponse fuse: «Le travail! On a bossé comme des fous. Notre coach sait qu’on est jeunes, mais il ne nous a jamais traités comme tels. Il veut qu’on soit des joueurs de LNA. Franchement, ce titre, on le mérite.»

C’est comment, la vie au quotidien avec le coach Aleksic? «C’est un sacré personnage… Il faut apprendre à le connaître. Il a fait de notre équipe une famille. D’ailleurs, c’est ce qu’on crie à la fin des matches: family. Il nous considère comme ses fils. Il nous engueule, c’est sûr. Mais après il nous tape toujours dans la main.» Et de rigoler: «Bon, moi, il me fait des bisous sur la tête. Parce que je suis à la mauvaise hauteur…»