PAR ANGELIQUE RIME
Ils en parlent comme d’un «pèlerinage, comme de la route 66 des jeeps». Lundi, Pascal Pythoud, de Charmey, Jacques Suard, de Villars-sous-Mont, Stéphane Borcard, de Grandvillard, accompagnés par Patrick Dutoit, d’Henniez, sont montés à bord de leurs Willys direction les plages de la Normandie. Jean-Claude Dumas, de Vuister-nens-devant-Romont, les a rejoints hier et participera au retour, lundi prochain.
Au total, ils ont parcouru près de 900 km en deux jours, au volant de ce véhicule tout-terrain «mythique, symbole de la Libération», qui a touché le sol européen pour la première fois le 6 juin 1944. Demain vendredi, les compagnons participeront aux commémorations du septantième anniversaire du débarquement allié.
«Nous faisons ce périple pour rendre hommage aux vétérans, explique Jacques Suard, 55 ans, qui a déjà fait le voyage à cinq reprises. Il n’en reste plus beaucoup.» L’occasion aussi, pour ces férus de la Seconde Guerre mondiale, de découvrir la France «profonde». «Nous n’empruntons que les petites routes», précise Pascal Pythoud, 49 ans, pour qui cette traversée est une première.
Des craintes? «Non, répond-il. Nous espérons simplement que le beau temps sera avec nous.» Les Willys ne possèdent qu’une bâche amovible qui protège du gros de l’averse, mais pas des éclaboussures. «Il n’y a pas de vitres. Lorsqu’il pleut, il faut se coller le plus possible au pare-brise, conseil-le Stéphane Borcard. Et faire attention lorsque des camions nous dépassent!»
Mais finalement qu’impor-te. Tous se réjouissent d’entendre ronronner leur moteur – Go devil de son nom – qui les propulse à une vitesse maximale de 80 km/h. Il fonctionne grâce à de l’essence sans plomb, auquel il faut ajouter un additif. «C’est en fait un substitut au plomb, précise Jean-Claude Dumas. Le moteur, qui consomme en-tre 12 et 15 litres pour cent kilomètres, ne peut pas s’en passer.»
Prudents, ils ont tout de même emporté avec eux quel-ques outils et pièces de rechange: bougies, pompes à eau, vis platinées et joints de culasse. «Il faut également veiller à ne pas trop “coller” le véhicule qui nous précède, ajou-te Pascal Pythoud. La distance de freinage est plutôt longue. Pour freiner, il faut se mettre debout sur la pédale!» Lors de la traversée, tous resteront ensemble. «Le cortège ne passe pas inaperçu, décrit Jacques Suard. Les gens sont curieux, Surtout en France, ce véhicule leur parle.»
A réviser complètement
De 1941 à 1945, quelque 650000 unités de ces jeeps 4x4 sont sorties des usines américaines. «Deux tiers de Willys et un tiers de Ford», précise Jacques Suard. Pour la suite, chaque propriétaire ne connaît pas «l’histoire précise de son véhicule. Nous savons qu’ils ont débarqué en 1944 en France, raconte Stéphane Borcard. Ils ont ensuite été vendus à différentes armées. Ceux que nous possédons ont probablement tous été rachetés par l’armée suisse.»
Et enfin, acquis par des particuliers. «Notamment les agriculteurs, ajoute Pascal Pythoud. Ils les utilisaient comme véhicules utilitaires, avant l’arrivée des 4x4 japonais!» Le Charmeysan possède quant à lui sa Willys depuis 1991. «Il a fallu la réviser complètement. Mettre les pièces dans des caisses et tout remonter! J’ai parfois passé une journée à dégripper un boulon. Même si, mécaniquement, elles sont assez simples. Les Willys se situent entre le tracteur et la voiture de collection.»
Cas de figure similaire pour ses collègues, qui estiment avoir passé environ une année ou au moins mille cinq cents heures à les remettre en état. Du temps que les cinq amateurs de mécanique et d’histoire ont volontiers consacré à cette icône de la Seconde Guerre mondiale. «Afin de redonner une seconde vie à une dame de septante ans.»
Ajouter un commentaire