Le sandre, un poisson convoité, traqué depuis dimanche

| mar, 03. juin. 2014
Jean-Marc Chavaillaz et Michel Yerly
La pêche aux carnassiers est ouverte depuis dimanche sur le plan d’eau gruérien. Selon les pêcheurs, le sandre se fait de plus en plus rare. Reportage avec deux canotiers, dans la frénésie de l’ouverture.

PAR ANGELIQUE RIME
«Ce n’est pas une branche cette fois! J’ai une touche.» L’œil vif, Michel Yerly mouline. Sa canne à pêche se courbe. Le poisson se débat. Son collègue Jean-Marc Chavaillaz attrape la filoche, s’agrippe au bord du bateau et récupère la prise: un sandre de 43 centimètres. Le pêcheur plante un couteau suisse dans le crâne de l’animal tacheté de noir, aux reflets dorés et aux dents acérées. La messe est dite.
Dimanche, nombreuses étaient les embarcations à naviguer sur le lac de la Gruyère. Et pour cause, cette journée marquait, sur le plan d’eau, l’ouverture de la pêche aux carnassiers: sandres, brochets et perches. «Après la truite, c’est une sorte de deuxième ouverture, commente Jean-Marc Chavaillaz, d’Ecuvillens. Avec toute la frénésie qui l’accompagne.»
Rendez-vous était fixé à 5 h au port de la Serbache, à La Roche, où le bateau des deux membres du Club sportif de pêche de Fribourg est amarré. «Aujourd’hui, c’est spécial. On est un peu excités», confie Michel Yerly, 48 ans, de Lentigny. Surtout que certains ont déjà largué les amarres. Heureusement, le trajet n’est pas long. Les deux compères ont décidé de rester près du port. Une légère bise souffle. «Ce n’est pas bon, cela favorise les hautes pressions et elles clouent le bec aux poissons, qui préfèrent les basses pressions», explique Michel Yerly.
Les deux Fribourgeois lancent leur ligne. Leur objectif: le sandre. «Sa chair est fine et le lac de la Gruyère est réputé pour ça», commente Michel Yerly. Et Jean-Marc Chavaillaz d’ajouter: «En tout cas, il l’a été.» Dans les années nonante, Michel Yerly «faisait entre cinquante et soixante sandres par saison». L’année passée, il n’en a pêché que huit. Même s’il précise avoir été un peu moins assidu.

Deux brochets trop petits
Pour appâter le poisson, un gardon – mort – se balance au bout de la ligne. «Je soutiens qu’il est plus attractif de pêcher avec un vrai poisson qu’avec un bout de plastique. Mais je suis un peu de la vieille génération... Les jeunes préfèrent les leurres.» Jean-Marc Chavaillaz utilise quant à lui les deux méthodes: «Pour rendre les leurres plus attractifs, ils sont enduits de pommade à l’odeur de crevette, leur texture est aussi particulière.»
Les touches sont rares. Et s’il y en a, c’est plutôt avec le fond, ou avec des troncs. Un héron cendré survole le bateau. «Tout ça, c’est des concurrents, s’exclame Michel Yerly. Même si ça ne mord pas, il faut pourtant rester attentif. La touche du sandre est extrêmement discrète.» Ras le bol du calme ambiant, direction la crique d’Hauteville, à l’embouchure du Riau des Branches.
Les deux canotiers ont leurs spots favoris, qu’ils connaissent bien. «Nous allons bientôt installer un sonar sur notre bateau, ce qui nous permettra d’évaluer la structure du fond et donc de découvrir de nouveaux endroits, indique Jean-Marc Chavaillaz. Et aussi de voir s’il y a du poisson. Mais pas quelle espèce!»
La chance semble tourner. Le pêcheur d’Ecuvillens, 58 ans, sort un brochet. Malheureusement trop petit. L’animal doit mesurer cinquante centimètres au minimum, quarante pour le sandre. Il le rejette à l’eau. Et rebelote. Le brochet est à nouveau trop chétif. Frustrant? «ça fait partie du jeu.»

Une part de chance
L’atmosphère commence à se réchauffer, la luminosité augmente. Un peu trop même. Le sandre est un poisson lucifuge. Il est 10 h 30, après bientôt six heures de pêche, Michel Yerly et Jean-Marc Chavaillaz mettent le cap sur le port de La Roche. Le bilan de la journée est un peu «maigre, constate ce dernier. Il y  a aussi une part de chance.» Mais le moral des troupes reste bon. «La saison est encore longue, rappelle Michel Yerly. Nous ne sommes pas des hommes patients, mais passionnés.»

 

Les pêcheurs déplorent le manque de sandres
Le sandre est un poisson très convoité sur le lac de la Gruyère. Un carnassier à la chair fine, qui, selon de nombreux pêcheurs, se fait rare. «Des doléances allant dans ce sens remontent jusqu’à nous, confirme Bernard Jaquet, président de la Fédération fribourgeoise des sociétés de pêche. Depuis 2002, le canton a repris la gestion piscicole des lacs et des options de gestion concernant le sandre et le brochet, notamment, ont été prises. Nous n’en sommes pas convaincus.»
En cause, l’accent mis sur le frai naturel. «Nous ne sommes pas contre, nous avons d’ailleurs fait plusieurs propositions allant dans ce sens. Mais il faut que le canton nous démontre que sa méthode fonctionne dans un lac artificiel, avec un niveau d’eau qui fluctue. Il ne nous fournit pas de chiffres précis. Nous sommes dans le flou complet.» A noter que l’automne dernier, 8000 sandrettes ont été lâchées dans le lac de la Gruyère par la société de Basse-Gruyère sans autorisation cantonale. Cette action fait l’objet d’une plainte pendante, déposée par le Service des forêts et de la faune (SFF).
Collaborateur technique au SFF, Sébastien Lauper explique que globalement, depuis dix ans, les captures dans le lac de la Gruyère sont «stables. Le canton ne compte donc pas faire d’alevinage préventif. Et le rendement du lac est de dix kilos pêchés par hectare, soit trois à quatre fois plus que dans les lacs bernois.» Et Bernard Jaquet de rétorquer: «Mais qu’y a-t-il dans ces chiffres? Combien d’ombles, de sandres, de truites?»

Chiffres disponibles dès fin juin
Réponse de Sébastien Lauper: «Les statistiques de pêche et d’alevinage ont été présentées aux représentants de la Fédération le 13 février dernier.» L’ancien garde-faune souligne également que les pêcheurs s’investissent dans la revitalisation des rivières et que, de l’autre, ils prônent un apport artificiel de poissons: «Ils doivent comprendre que nous travaillons à la création d’un milieu favorable à toute la faune aquatique, sur le long terme.»
Des explications insuffisantes pour les représentants des pêcheurs, qui ont demandé à ce que les détails du financement attribué par le canton au repeuplement des eaux leur soient présentés. «Ces chiffres seront disponibles d’ici fin juin, précise Marc Mettraux, chef de secteur au SFF. Mais je peux d’ores et déjà dire qu’ils sont supérieurs aux 30% du produit des permis de pêche, soit le montant légal que nous devons affecter au repeuplement.»
 

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