PAR JEAN GODEL

La ville de Fribourg a fait son choix: la patinoire Saint-Léonard ne sera pas rénovée, comme le proposait le projet concurrent du promoteur Pascal Kuenlin, mais une nouvelle piste sera construite au sein d’un ensemble immobilier multifonctionnel estimé à 100 millions de francs, un projet développé par l’entreprise Losinger Marazzi. Du solide puisque le groupe a à son actif les réalisations des stades Saint-Jacques, à Bâle, et de Suisse, à Berne. Si tout va bien, la construction pourrait débuter mi-2015 et la nouvelle patinoire être inaugurée à l’automne 2017.
Dévoilé hier en conférence de presse, le projet prévoit une capacité de 8500 spectateurs (6700 à Saint-Léonard) dont deux tiers de places assises. La  piste de glace semi-enterrée satisfera aux dernières normes de la Ligue suisse de hockey sur glace. Elle comptera davantage de loges pour les sponsors du HC Fribourg Gottéron, des vestiaires, davantage d’espaces de restauration, un fan shop, une billetterie, l’administration du club, une salle de presse et des locaux techniques.

Tour multifonctionnelle
Sa conception, qui se veut de dernière génération, a été confiée au groupe Icon Venue, spécialiste des constructions sportives à qui l’on doit notamment la patinoire O2 World, de Berlin. Losinger Marazzi fera appel à des investisseurs privés, dont le choix sera arrêté d’ici un an et qui s’appuieront, pour financer l’ensemble, sur un programme immobilier faisant partie intégrante du complexe.
Selon les images de synthèse, une tour d’une quinzaine d’étages surplombera le site. Elle pourrait accueillir des bureaux, des logements, un hôtel voire des commerces en lien avec le sport – mais en aucun cas un centre commercial. La situation centrale de Fribourg et la qualité de l’équipement devraient inscrire sa vocation suprarégionale, espèrent ses concepteurs.
Le complexe sera construit derrière la patinoire actuelle, à l’emplacement de la piste d’entraînement, laquelle sera déconstruite et en partie recyclée (charpente). Le concept urbanistique prévoit de créer, au cœur du site, une vaste esplanade piétonne vers laquelle convergeront les entrées des deux patinoires, de la halle omnisports et de la salle des fêtes. Cette place débouchera sur la route de Morat, fermée au trafic les soirs de match. Un parking souterrain à usages multiples complétera le complexe.

Ville et canton au bassinet
Au chapitre du financement, la ville de Fribourg versera une réserve de 5 mio cash. Elle cédera en outre un droit de superficie capitalisé à hauteur de 10 mio à Losinger Marazzi en échange de la construction du complexe. Le canton, a annoncé Jean-Pierre Siggen, ministre des Sports, apportera une subvention équivalente (15 mio). «Le cadre financier est maîtrisé, sans risques inconsidérés», s’est réjoui Thierry Steiert.
D’ailleurs, le versement plafonné de ces deux subventions n’interviendra qu’à la mise en service de la nouvelle patinoire, estimée à elle seule à quelque 70 mio. Les frais d’étude sont à la charge de Losinger Marazzi, ceux de la construction du complexe incomberont à l’investisseur privé, a expliqué Pascal Baertschi, directeur de la région Centre chez Losinger Marazzi. Qui a assuré que 80% des travaux seront adjugés à des entreprises locales.

Réaffecter l’actuelle
Syndic de Fribourg, Pierre-Alain Clément s’est réjoui de cette avancée significative dans le «renouveau le plus complet possible du site sportif de Saint-Léonard» que la ville avait dès le départ à l’esprit. C’est qu’il y a encore du pain sur la planche, a rappelé son collègue Thierry Steiert: indépendamment du complexe présenté hier, la ville se doit de réfléchir à l’avenir urbanistique de tout le secteur, y compris les anciens abattoirs et la caserne de la Poya dont il s’agira de recycler les 50000 m2. Sans oublier l’avenir de la patinoire de Saint-Léonard qui, comme future piste d’entraînement, sera surdimensionnée: il faudra donc la réaffecter.
Un défi lancé aux collectivités publiques, cette fois seuls maîtres d’ouvrage. «Nous allons profiter des deux ans de la construction du complexe pour mener la réflexion», explique Thierry Steiert. L’ensemble devra bien sûr être en cohérence avec la nouvelle construction en termes d’urbanisme.

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La piscine n’a pas coulé pour autant
Revenant sur l’historique du dossier, Thierry Steiert, conseiller communal de Fribourg responsable des sports, a rappelé qu’en somme, pour ses propres besoins, la ville n’avait pas besoin d’une nouvelle patinoire. Ce sont les dirigeants du HC Gottéron qui l’ont approché, eux qui ne voulaient pas d’une piste de 1982 mise aux normes, mais d’une patinoire du XXIe siècle, sans déménagement à Forum Fribourg durant les travaux. Deux raisons qui condamnaient à leurs yeux le projet concurrent de Pascal Kuenlin.
Parmi les critères de Gottéron, rappelés hier par son président Charles Phillot, figurait aussi la hausse «substantielle» des ressources du club. Mais qui dit plus de spectateurs, plus de restaurants et plus de loges à sponsors dit aussi location largement plus chère! «Elle correspondra aux capacités financières du club», a rassuré Raphaël Berger, directeur de Gottéron.

Le dossier est désormais séparé
Reste la question du centre cantonal de natation, un temps liée à celle de la patinoire. En 2012, le projet de Pascal Kuenlin prévoyait, outre la rénovation de Saint-Léonard, une piscine olympique adjacente. Partenaire, l’Etat de Fribourg projetait même d’y acquérir des surfaces administratives. Cette piscine tombe-t-elle aujourd’hui à l’eau? Loin s’en faut, a assuré le préfet de la Sarine Carl-Alex Ridoré, présent à la conférence de presse: «Il est important de maintenir les perspectives sur ce volet.» Désormais indépendant, le projet de piscine poursuit donc son chemin. Et avance bien puisqu’une étude récente a arrêté trois sites privilégiés: la colline de Bertigny-Guintzet, la gravière proche de Forum Fribourg et le site sportif de Saint-Léonard.
Des représentants techniques des communes à l’origine de l’étude (Fribourg, Villars-sur-Glâne, Granges-Paccot, Marly et Matran) vont bientôt remettre leur rapport au comité de pilotage, lequel se déterminera sur le choix du site au début de l’automne. Quant au ministre des Sports Jean-Pierre Siggen, il présentera un modèle de subventionnement au Conseil d’Etat dans les prochaines semaines. D’ici là, motus et bouche cousue.

«Le meilleur site»
Si le préfet conduit le dossier, la ville de Fribourg, elle, s’est déjà fait une religion: «Saint-Léonard est le meilleur site», a affirmé Thierry Steiert, vu la conformité de la zone, son accessibilité et les synergies avec le site sportif existant. JnG