PAR THIBAUD GUISAN
«La Hollande est un pays de vélo, mais elle fait aussi la fête aux marcheurs. C’était l’ambiance du Tour de France durant quatre jours.» Sylvain Tercier a des images plein la tête. La semaine dernière, de mardi à vendredi, le Vuadensois de 28 ans a participé aux Quatre jours de Nimègue. «C’est le plus grand événement sportif des Pays-Bas», présente le Gruérien.
Cette année, 43013 marcheurs de plus de 70 pays ont pris le départ. Ils sont 39910 à être arrivés au bout de l’épreuve. Au programme: 30, 40 ou 50 km par jour – à choix, selon les catégories – au départ et à l’arrivée de Nimègue. La ville de 160000 habitants, Nijmegen en néerlandais, est située à l’est des Pays-Bas, près de la frontière allemande.
Depuis le 1er février 2013, Sylvain Tercier est garde suisse au Vatican. C’est avec quinze collègues engagés à Rome que le hallebardier de Vuadens a pris part à l’événement. Le groupe comptait un autre Fribourgeois, Sébastien Roulin, de Delley, vice-caporal. «Ça fait quelques années que la Garde suisse pontificale se rend à Nimègue, explique Sylvain Tercier. Pour moi, c’était un défi personnel.»
Devenu un gigantesque événement populaire, les Quatre jours de Nimègue conservent un caractère militaire, lié à leur histoire. «Il y avait environ 5000 militaires et anciens soldats cette année.»
Du sable dans le dos
Les Quatre jours de Nimègue ne sont pas une compétition chronométrée. L’objectif est de terminer chaque jour dans les délais. Tous les participants qui y parviennent reçoivent une médaille. Les groupes militaires ont l’obligation d’effectuer quatre boucles de 40 km, avec un sac à dos de 10 kg. «On portait le sac de l’armée rempli de sable. Le deuxième jour, on a eu un contrôle en pleine étape. Une patrouille a pesé notre sac.»
Les gardes suisses ont marché sans arme, mais avec la tenue d’assaut de l’armée suisse et en portant un étendard à croix blanche. «On faisait partie du détachement suisse. Il comptait environ 200 militaires, répartis en huit groupes.» Le groupe de la Garde pontificale a revêtu son traditionnel habit coloré pour les six derniers kilomètres, lors de la dernière étape. «C’était émouvant. J’avais les frissons à l’arrivée», confie Sylvain Tercier.
A Nimègue, tous les militaires logent au camp Heumensoord, construit au sud de la ville. «Nous avons rencontré des soldats de nombreux pays. Il y avait des Hollandais, des Français, des Portugais, des cadets de la Royal Air Force…»
Un cortège coloré
Sur les routes, les soldats se mêlent aux très nombreux civils, en groupes ou en solitaire. «Ça faisait un cortège très coloré. Il y avait des marcheurs de tous les âges. Les villages qu’on traversait étaient très animés. Dans la région, c’est l’événement de l’année. Il y avait des fanfares et les enfants venaient nous taper dans la main.»
Les départs sont matinaux. «On partait vers 4 ou 5 h, pour être de retour en début d’après-midi et avoir le temps de récupérer. On tenait une moyenne de 6 km/h. On évitait de faire des pauses trop longues, car c’est difficile de repartir.» Les gardes suisses pouvaient compter sur deux ravitailleurs, à vélo, qui leur apportaient des boissons sur le parcours. «On les appelait nos nounous.»
A quoi pense-t-on pendant ces quatre marathons pédestres? «Surtout à mettre un pied devant l’autre, rigole le Gruérien. Et on regarde à gauche et à droite le paysage. C’était de grandes plaines, avec quelques moulins. A la fin de la deuxième étape, j’ai eu un peu de peine dans les derniers kilomètres. Il faisait chaud et très humide.»
Les gardes suisses s’étaient préparés à l’effort. «On avait plus de 300 km d’entraînement dans les jambes. On allait pendant nos congés, dans les environs de Rome. On a aussi fait un stage de deux jours dans les Abruzzes à la fin mai.»
Les roses et les glaïeuls
Pour tous les groupes militaires, la troisième étape est marquée par une visite au cimetière des Canadiens. A Groesbeek, sur une petite colline, plus de 2500 tombes rappellent le souvenir des soldats tombés pour libérer les Pays-Bas lors de la Seconde Guerre mondiale. «Chacun a déposé une rose. C’était un moment fort.»
De fleurs, il est aussi question le dernier jour de la marche. Le vendredi, les marcheurs reçoivent des glaïeuls, tendus par le public, dans les derniers kilomètres. «C’est une tradition, explique Sylvain Tercier. En 1944, les Hollandais avaient accueilli les Alliés ainsi.» La fleur, symbole de force, de victoire et de fierté, couvrait aussi les gladiateurs victorieux à l’époque romaine. Voilà qui doit parler à des gardes stationnés au cœur de Rome.
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Première édition en 1909
C’est une vieille tradition. En 2014, les Quatre jours de Nimègue vivaient leur 98e édition. Depuis 1968, la manifestation, souvent présentée comme la plus grosse manifestation de marche au monde, ou «le Paris-Dakar des marcheurs», a lieu à partir du troisième mardi de juillet.
La première édition, principalement destinée aux militaires hollandais, a lieu en 1909, organisée par la Fédération royale néerlandaise d’éducation physique. Les 306 premiers participants (dont dix civils) partent de quinze points différents dans le pays. Dès 1910, les départs sont concentrés dans une seule ville. C’est en 1925 que l’événement se fixe définitivement à Nimègue, plus ancienne ville des Pays-Bas.
Les Suisses dès 1933
En 1919, la première femme accomplit victorieusement le défi. En 1928, l’année des jeux Olympiques d’Amsterdam, la marche s’ouvre aux délégations étrangères, militaires et civiles, avec des marcheurs d’Allemagne, de France, Norvège et de Grande-Bretagne. Quatre ans plus tard, en 1932, les sportifs civils dépassent déjà les militaires (total global de 2200 inscrits). Les premiers marcheurs suisses sont recensés en 1933.
L’événement, qui est interrompu en 1914 et en 1915, ainsi que de 1940 à 1945, prendra son essor après la Seconde Guerre mondiale. De 4000 en 1946, le nombre de participants franchit la barre des 10000 en 1954. Au début des années 1980, c’est le cap des 20000 marcheurs qui est atteint. A partir de 1990, la participation ne redescend pas en-dessous de 30000 participants et dépasse même plusieurs fois la barre de 40000 marcheurs dès 2000. Le record absolu est de 44812 participants au départ en 2003 (pour 40706 à l’arrivée). Des tirages au sort sont effectués depuis 2005, le contingent d’inscriptions étant bloqué à 46000. En 2006, en raison d’une très forte canicule, l’événement est annulé après un jour. Deux personnes meurent: l’un en marche, la seconde après la première étape. TG
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