PAR SOPHIE MURITH

Malgré la dureté du secteur du commerce de proximité, certains n’hésitent pas à se lancer. Marc et Laura Grandjean ont ouvert leur échoppe au Crêt, en mars 2013, conjuguant boulangerie et épicerie. «Cela marche mieux que ce que l’on espérait», déclare le jeune homme de 28 ans.
En moyenne, une centaine  de clients passent quotidiennement le pas de leur porte. «Le double le week-end. Les gens discutent en faisant la queue, ça participe à la vie du village.»
Ils misent sur les produits locaux, un service irréprochable – «si quelqu’un est blessé, nous allons le livrer» – et la qualité de leur production. «Cela implique que nous n’avons pas toujours tous les produits disponibles, mais notre présence nous permet de justifier nos choix.» Ils se profilent également pour les apéritifs et les desserts. «Notre cerise sur le gâteau», déclare le boulanger. Une carte de visite pour se faire connaître au-delà du village.

Compter sur la solidarité
Christian Mettraux aussi a foi dans l’avenir du commerce de proximité. Avec quarante ans d’expérience dans le secteur, il va ouvrir le 22 août une supérette à Semsales avec son amie Patricia Guibert. «Il y a un besoin», assure-t-il, même s’il est conscient que les courses plus volumineuses se font désormais dans les grandes surfaces.
Placé un peu en retrait de la route cantonale, il compte surtout sur la clientèle villageoise. «Nous n’avons pas une politique des prix qui permet d’attirer du monde.» Il proposera toutefois une gamme premier prix. «Le village se développe, mais les gens travaillent souvent à l’extérieur. Ils ont pris des habitudes de consommation. Le propriétaire a été clair, si le magasin ne marche pas, il transformera la surface en appartement.»
Pour tenir son pari, Christian Mettraux pourra compter sur une enseigne connue. «Avec Vis-à-vis comme grossiste, cela me permet d’obtenir un assortiment complet sans faire appel à une cinquantaine de fournisseurs.» Il doit se fournir pour 60% de son volume d’achat auprès de son partenaire. Les 40% restants seront dévolus aux produits locaux.
A Remaufens, Thyl Kohler multiplie les activités depuis novembre 2012: pain frais, poste, cave à vin et à whisky, tea-room et traiteur. «L’originalité est nécessaire pour survivre. Il est inimaginable que le magasin tourne seul. On prend un peu d’argent où on peut et on exploite la surface disponible au maximum.»
A midi, il prépare ainsi des plats à l’emporter. «Nous avons entre 35 et 40 clients par jour, de Remaufens, de Tatroz et même de Châtel-Saint-Denis.» Le site internet amène aussi quelques clients et les grands-mamans du village y viennent volontiers faire leurs courses. «Durant les trois premiers mois, nous avons perdu de l’argent. Ce n’est qu’au mois d’août 2013, que cela a commencé à tourner.»

Horaires, nerfs de la guerre
Au Crêt, les horaires d’ouverture ont été pensés pour correspondre à la demande. «Nous ouvrons dès 6 h la semaine pour que les clients puissent venir chercher leur pain avant le travail, précise Laura Grandjean. L’épicerie est clairement au service de la boulangerie.» S’ils ferment le lundi et quelques heures dans l’après-midi, ils sont sur le pied de guerre les fins de journée, le samedi et le dimanche matin. «Nous ne pourrions pas nous passer financièrement de l’ouverture du week-end.»
Comme Christian Mettraux, Thyl Kohler ne pense pas que le samedi soit un bon jour pour les petits commerces. «Les clients vont faire les courses et ne s’arrêtent que parce qu’ils ont oublié des cigarettes ou pour acheter les étiquettes pour les poubelles. Ce n’est pas rentable.» Il n’ouvre donc plus le week-end.