Par Valentin Castella
«A l’époque, le port du casque n’était pas obligatoire. On avait dû se battre pour que les gens l’utilisent. Et puis, il n’avait parfois pas été facile de convaincre les agriculteurs de prêter leurs terrains. Comme beaucoup, ils ne connaissaient pas ce sport et ils ne savaient pas ce qui allait se passer.» Il y a vingt-cinq ans, l’Open Bike Haute-Gruyère s’appelait encore La Grandvillardine. Son président d’alors, Daniel Raboud, se souvient des prémices de cette épreuve qui se déroulait sous la forme d’une course humoristique, avant de se transformer en une épreuve VTT à part entière en 1991. Une période qui correspond au déferlement de cette discipline dans le paysage sportif helvétique.
Vingt-cinq ans plus tard, la situation a bien changé. Aujourd’hui à Grandvillard, ils ne seront plus 160 comme en 1991, mais entre 1300 et 1400 participants à s’élancer. Un bond immense qui a été rendu possible grâce aux progrès de ce sport. Matériel, niveau technique, infrastructures: tout a changé. Athlètes et responsables à la retraite ou encore en activité racontent cette évolution.
Les débuts
En 1977, le premier VTT était construit aux Etats-Unis. Dix ans plus tard, la discipline pointait le bout de son nez en Suisse. Membre fondateur de l’Open Bike, Daniel Raboud s’en souvient: «Le Grand Raid avait également été créé en 1989 et cette course avait fait beaucoup parler d’elle.»
Championne d’Europe de la spécialité en 1993 et 1997, Chantal Daucourt a fait partie de cette première volée de bikers: «En Suisse, tout a commencé en 1989. C’est à partir de cette année-là que les courses ont été officialisées. Tout de suite, le succès a été au rendez-vous. En 1993 par exemple, près de 50000 spectateurs étaient présents aux championnats du monde. Et ce sport est devenu olympique en 1996.»
Plus de confort
Principale raison de l’évolution du VTT: les progrès effectués au niveau du matériel. «Tout a changé en vingt ans», explique Laurent Gremaud, deuxième du Grand Raid en 2003 et 2004, troisième en 2007 et aujourd’hui représentant de la marque Scott. «A l’époque, les vélos n’étaient pas équipés de fourche. Ensuite, on est passé de 40 millimètres de débattement à 60, puis 80 et 100, avant l’hydraulique. Même chose pour les freins. Au départ, on devait utiliser les quatre doigts. Maintenant, tout est plus doux et on ralentit avec un seul doigt.»
Le Gruérien poursuit: «Les pneus aussi ont été modifiés, tout comme le diamètre des roues, passé de 26 à 29 pouces. Cette différence permet de franchir les obstacles plus facilement. Certains, comme Nino Schurter, utilisent également du 27,5 pouces.»
Technique et vitesse
Ce nouveau confort a permis aux pratiquants d’aller toujours plus vite et de s’améliorer techniquement. Un domaine qui a également évolué grâce à
l’apprentissage de la discipline: «Les enfants bénéficient d’une chance énorme», avance Xavier Dafflon, multiple lauréat de la Coupe fribourgeoise et
23e des derniers championnats du monde de marathon. «Parcours d’obstacles, équilibre, jeux: tout est fait pour qu’ils acquièrent une certaine technique.» «A leur âge, nous n’avions pas le niveau des jeunes de 20 ans d’aujourd’hui», complète Laurent Gremaud.
Disparus les touristes
Autre changement: le profil du biker. Hier, certains se retrouvaient sur une ligne de départ comme ça, sur un coup de tête. Aujourd’hui, le populaire s’est professionnalisé, comme le confirme Gérald Weissbaum, responsable du secteur au sein de l’Association fribourgeoise de cyclisme: «Le niveau du coureur populaire a augmenté. Pratiquement plus personne ne participe à une course sans entraînement. Chacun roule davantage.» Ceux qui n’alignent pas les kilomètres se contentent désormais des promenades, ou des grands rendez-vous accessibles.
Reste que les populaires demeurent la base de la réussite: «C’est grâce à eux que ça tourne, confirme Gérald Weissbaum. Et puis, au niveau financier, leur apport est très important. Car ce ne sont pas les élites et leur hygiène de vie irréprochable qui permettent aux organisateurs de ne pas subir de pertes.»
Autre raison de choyer la masse: la vente de matériel, qui augmente encore aujourd’hui: «Le biker est finalement assez matérialiste, sourit Laurent Gremaud. Comme ce sport évolue sans cesse, il veut toujours les dernières nouveautés pour aller plus vite.» «Le populaire qui prend le départ avec un vieux vélo, ça n’existe presque plus», conclut Gérald Weissbaum.
Forêt et artificiel
Ces dernières années, l’Union cycliste internationale a également modifié ses plans: «La stratégie consiste à rendre le VTT plus spectaculaire et télégénique, expose Xavier Dafflon. C’est pour cette raison que le cross-country olympique se fait maintenant sur des parcours très artificiels. Cette pratique se détache du VTT traditionnel. Ces prochaines années, il va y avoir deux tendances bien distinctes: le cross-country, qui force les concurrents à faire dix fois le même tour, et les marathons, qui se rapprochent de la discipline que les populaires pratiquent.»
De belles perspectives
En vingt-cinq ans, le VTT a grandi, mûri, connu quelques passages à vide, mais il est resté solide grâce à une base formée de coureurs populaires, motivés par l’engouement collectif et les bons résultats des coureurs du pays au niveau international. Va-t-il toutefois maintenir sa cote de popularité? «Dans le canton, l’avenir s’annonce positif, lance Gérald Weissbaum. Nous bénéficions de plusieurs structures pour que les jeunes puissent se former et avoir ensuite le niveau national. Au niveau de la Coupe fribourgeoise, cela devrait rester stable.»
Reste que le VTT ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Car d’autres disciplines cousines, comme le BMX, l’enduro ou le downhill (VTT de descente) se développent rapidement. «Le VTT devient de plus en plus tourné vers la compétition et il faut s’entraîner avec un certain sérieux, analyse Xavier Dafflon. Ces nouveaux sports peuvent séduire beaucoup de jeunes par leurs côtés ludiques.» Le multiple lauréat de la Coupe fribourgeois assure toutefois que ces nouveautés ne mettront pas le VTT en péril, maintenant qu’il est passé de la nouveauté sympathique à une discipline bien installée.
Le canton phare de Romandie
En vingt-cinq ans, le monde du VTT a donc connu une belle évolution. C’est également le cas au niveau de la participation. Coordinateur d’événements au sein de la société MSO, une entreprise de chronométrage et organisatrice de la Garmin Bike Cup, Jérémy Muller est bien placé pour en parler.
Jérémy Muller, comment évaluez-vous le taux de participation aux courses depuis l’apparition du VTT?
Il y a eu un gros boum au début des années 1990. Puis, la participation n’a cessé d’augmenter jusque dans les années 2000, avant de s’arrêter, de baisser et de remonter jusqu’aux alentours de 2012. Cette année-là, nous avons d’ailleurs observé un pic de popularité dans le canton de Fribourg. Actuellement, les chiffres sont stables et je pense qu’ils vont le rester. Car ce sport est maintenant bien installé.
Comment expliquez-vous ces baisses et ces augmentations de popularité?
C’est cyclique, comme pour toutes les disciplines, à l’image de la course à pied, qui connaît aujourd’hui un retour au premier plan après plusieurs années compliquées. Les gens pratiquent une activité, puis s’en lassent et essaient autre chose. Maintenant, le VTT peut compter sur une base de 60 à 70 % d’amoureux qui resteront dans ce domaine. Les autres vont suivre les modes. S’en aller, puis revenir.
Où se situe le canton de Fribourg en Suisse romande?
Ce phénomène cyclique se remarque également au niveau géographique. Entre 2008 et 2010, le canton de Neuchâtel était au sommet de la hiérarchie. Maintenant, c’est Fribourg qui a pris le dessus et qui est devenu le canton phare de Suisse romande. Cette région peut compter sur une belle masse de coureurs.
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