Après avoir fait l’impasse cette année, les Francomanias de Bulle souhaitent revenir au centre-ville en été 2016. Le concept, qui sera bientôt présenté à la commune, comprend des scènes payantes (Hôtel de Ville et cour du château) et d’autres gratuites. Interview du directeur Jean-Philippe Ghillani, qui considère ce projet comme «le plus excitant» que le festival ait mis sur pied.
PAR ERIC BULLIARD
Depuis l’annonce, en décembre, du report de l’édition 2015, vous n’avez plus communiqué: que s’est-il passé dans l’intervalle?
Nous avons pris ce temps comme une année sabbatique qui permettait de repenser les Francomanias. Nous avions le sentiment de perdre un peu le côté fédérateur et identitaire du festival. Nous n’étions qu’à 200 m du centre-ville, mais, même si nous avons cru à fond dans ce projet à Espace Gruyère, nous avons malheureusement dû constater que nous nous étions éloignés des Bullois.
Nous avons donc cherché une solution qui soit plus en adéquation avec ce que la ville et ses habitants veulent réellement. Je crois que c’est le projet le plus excitant qu’on ait jamais mis sur pied.
Quels en seraient les grandes lignes?
Notre souhait est vraiment de réinvestir le centre-ville et de repenser une manifestation plus populaire et fédératrice. Nous sommes en discussion avec le Conseil communal et particulièrement Marie-France Roth Pasquier, responsable de la Culture, pour organiser un festival de première catégorie, qui va dans le sens d’une ville qui bouge, qui avance.
Dans les jours qui viennent, nous allons déposer le projet, qui est donc susceptible d’être modifié. Mais, dans les grandes lignes, il consisterait en une manifestation sur trois à cinq jours, selon la date qui sera choisie d’entente avec la ville. Elle aura lieu, dès 2016, durant les beaux jours, entre début juin et fin septembre et sera mixte: une partie se tiendra à l’intérieur, une autre à l’extérieur. Et une partie sera payante, une autre gratuite.
A l’intérieur et au centre, cela signifie donc à l’Hôtel de Ville…
Oui, ce serait le grand retour des Francomanias à l’Hôtel de Ville, pour une programmation de qualité et adaptée. Nous sommes aussi intéressés par la cour du château: j’ai pris contact avec le préfet Patrice Borcard, qui est ouvert et content que les Francomanias s’intéressent à ce site absolument superbe. Pour une programmation peut-être plus intimiste, en accord avec cette cour. Elle se prêterait aussi aux concerts assis, avec des gradins, comme le spectacle de Fun’en’Bulle l’a démontré.
Abandonner Espace Gruyère, n’est-ce pas donner l’image d’une manifestation qui redevient plus petite?
Notre conviction, c’est au contraire que nous allons passer à une ampleur supérieure, ou au minimum égale, mais avec un changement de philosophie, de vision. Parce que la manifestation sera plus populaire, avec la partie gratuite en plein air.
Vous imaginez combien de scènes?
Il y aurait la salle mythique de l’Hôtel de Ville et la cour du château, toutes deux payantes, ainsi que deux scènes gratuites sur la place du Marché et au Cabalet. Nous avons aussi envie de collaborer avec le Musée gruérien: nous avons pris contact avec la directrice Isabelle Raboud pour mettre sur pied des ateliers. L’idée est vraiment de garder l’esprit Francos, avec un public de tous âges et bon enfant.
L’esprit Francos, c’est aussi le côté francophone: allez-vous l’abandonner?
Oui, la chanson française est un peu en perte de vitesse et nous ne voulons plus nous limiter, afin de faire participer différentes sensibilités et pas seulement les amoureux de la chanson française.
Qu’en est-il du rythme? Et du nom, Francomanias?
Le bisannuel est illogique: tout le monde travaille chaque année, donc nous souhaitons continuer tous les ans. Pour le nom, nous n’avons pas prévu de le changer, parce qu’il est porteur d’une réputation, d’un état d’esprit, d’une qualité…
Les Francomanias ont énormément d’atouts: il y a les bénévoles, le savoir-faire, l’expérience… Ce qui nous permet de partir sur un tel projet non pas de zéro, mais en nous appuyant sur tout ce que ce nom représente. Cela ne signifie pas qu’il est impossible d’en changer, mais ce n’est pas la priorité.
Au niveau des subventions, pensez-vous que la ville va suivre avec un même montant?
On doit déposer le dossier et convaincre, mais on est confiants: la ville participe à son élaboration, donc je ne pense pas qu’on soit complètement à côté de la plaque. Elle a envie de soutenir la culture et, entre autres, les Francomanias. Et, de notre côté, on a envie de soutenir la culture et la ville.
Il y a aujourd’hui beaucoup d’initiatives pour valoriser ce centre-ville. A l’époque, c’était un casse-tête d’installer des tentes: les gens qui ne voulaient surtout pas que le centre-ville bouge étaient majoritaires. J’ai l’impression qu’ils sont minoritaires aujourd’hui.
Les festivals de musique s’ouvrent de plus en plus à d’autres genres, notamment à l’humour: pourriez-vous aussi l’envisager?
De la même manière que nous allons nous autoriser à nous ouvrir à d’autres styles musicaux et d’autres langues, nous pouvons aussi, s’il y a la qualité, penser à devenir pluridisciplinaires. La musique l’est souvent: on voit des performances qui la lient à la vidéo, à la danse… Ça pourrait faire partie d’une programmation novatrice. Je pense aussi que c’est une demande du public, de ne pas faire ce que tous les autres font.
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«Il faut montrer que cette ville vit»
Ce nouveau projet est-il un aveu que l’abandon de l’Hôtel de Ville et le déplacement complet à Espace Gruyère était une erreur?
Absolument pas: avec les travaux nécessaires à l’Hôtel de Ville, on ne pouvait plus y aller. Nous sommes reconnaissants envers Espace Gruyère, la directrice Marie-Noëlle Pasquier et toute son équipe, de nous avoir accueillis à bras ouverts et nous avons cru à ce projet. Ce n’est pas un échec: nous avons fait à Espace Gruyère 78 concerts dont la plupart étaient d’excellente qualité. Et cela nous a permis de nous remettre à flot.
Mais on a toujours dit qu’Espace Gruyère était indispensable pour pouvoir payer des têtes d’affiche à l’Hôtel de Ville…
Oui, mais le monde musical et des spectacles a changé: les dix artistes du moment en chanson française, à l’heure actuelle, sont devenus impayables même à Espace Gruyère. Par contre, des artistes d’excellente qualité qui se produisent dans des théâtres, c’est tout à fait possible. La salle de l’Hôtel de Ville sera un atout, avec sa jauge de 620 personnes debout. La programmation va se concentrer sur la qualité et non pas sur l’aspect commercial.
Avec le recul, comment expliquer que les Bullois n’ont pas vraiment suivi le festival à Espace Gruyère?
Je crois que le fait qu’on doive quitter l’Hôtel de Ville et le centre était une mauvaise nouvelle pour la plupart d’entre eux. Nous n’avons pas réussi à les convaincre que les grosses productions à Espace Gruyère pouvaient compenser. On devait énormément leur demander de venir nous voir. Cette fois-ci, c’est nous qui allons vers eux.
Le festival peut être un déclencheur de cohésion, de solidarité. Il peut vraiment devenir une manifestation de grande ampleur. Il faut foncer: nous serons observés de toute la Suisse romande et il faut montrer que cette ville vit, qu’elle a des atouts et qu’elle sait les mettre en valeur.
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