L’Association romande de lutte suisse veut profiter de l’immense vitrine Estavayer 2016 pour promouvoir son sport de ce côté-ci de la Sarine. Les dirigeants rappellent comment les lutteurs seront sélectionnés et quels seront leurs objectifs. Le chef technique Ruedi Schlaefli se dit confiant.
PAR KARINE ALLEMANN
Jamais l’effervescence médiatique n’aura été aussi grande pour une fête fédérale de lutte suisse. Cet engouement sera sans doute l’un des (nombreux?) records que battra Estavayer 2016, les 26, 27 et 28 août prochain. C’est pour dire comment elle compte surfer sur la vague fédérale et ce qu’elle attend de ses lutteurs que l’Association romande de lutte suisse (ARLS) a mis sur pied une conférence de presse, hier, dans la commune de Châbles, près d’Estavayer.
L'ARLS c’est quoi?
L’ARLS regroupe les associations cantonales fribourgeoise, vaudoise, genevoise, neuchâteloise et valaisanne. Elle-même fait partie de l’Association fédréale, qui comprend les associations bernoise, du nord-est, du nord-ouest et de Suisse centrale.
Rappel étonnant en regard du gigantisme annoncé d’Estavayer, il n’y a «que» 640 licenciés dans toute la Suisse romande. Soit 316 actifs (dont 147 Fribourgeois) et 324 jeunes (dont 161 Fribourgeois). Si ces chiffres ont augmenté de 21,7% ces dix dernières années, la lutte reste quasiment un sport de niche au niveau des pratiquants (6000 licenciés jeunes et actifs dans tout le pays). Mais une Fédérale représente le plus grand rendez-vous sportif du pays. En août prochain, les organisateurs attendent 300000 personnes dans les alentours de la fête.
Neuchâtelois domicilié à Echallens, le président romand Blaise Decrauzat explique comment l’ARLS compte profiter de la vitrine offerte par Estavayer: «Nous souhaitons organiser des activités dans les écoles et chaque association cantonale compte un responsable de la promotion. Pour mettre notre sport en avant, nous avons notamment tourné un film de huit minutes.»
Pour Blaise Decrauzat, c’est après Estavayer qu’il faudra continuer le travail. «Nous allons notamment imposer à tous les clubs romands une journée portes ouvertes dès le week-end qui suit la fête.»
En tant qu’association organisatrice de la fête 2016, l’ARLS va recevoir une subvention de 100000 francs de la part de l’Association fédérale. «Nous en garderons une partie pour les 125 ans de notre association, en 2020, note le président. Pour le reste, il faudra investir en faveur de la jeunesse. C’est sûr que cela représente un gros montant. D’habitude, notre budget moyen pour une année est de 30000 francs…»
Il y aura 27 lutteurs
Sur les 285 lutteurs qui fouleront la pelouse de la future arène construite sur le site de l’aérodrome de Payerne, 27 d’entre eux seront Romands. «Les places par association sont définies au pro rata du nombre de licenciés», explique le chef technique romand, Ruedi Schlaefli.
Pour établir la liste des heureux élus, des critères de sélection ont été définis il y a déjà deux ans par la Commission technique romande, qui tient un ranking des lutteurs en fonction d’un nombre de points. Les couronnes obtenues, notamment en cette année fédérale, seront très importantes. Mais pas seulement. «Si un lutteur est opposé à l’un des trois rois en activités, il obtiendra 100 points, précise Ruedi Schlaefli. Ce sera 200 points s’il venait à le battre. Il y a également un système de minus selon les défaites. Nous comptons actuellement une quarantaine de lutteurs aux entraînements romands. Comme il n’y aura que 27 places, plus trois remplaçants, la bataille sera acharnée. C’est pour cela que nous attendrons le 4 août pour donner la liste des sélectionnés. Le choix final sera effectué par les cinq présidents cantonaux et moi-même.»
A noter qu’en cas de blessure un lutteur peut céder sa place à l’un des remplaçants jusqu’au samedi matin 7 h, le jour de la fête.
Eviter la déroute 2013
Le chef technique avoue volontiers que deux événements ont créé des électrochocs dans le camp romand: le fait qu’aucun lutteur de ce côté-ci de la Sarine n’ait obtenu la moindre couronne à la dernière Fête fédérale de Berthoud, en 2013. Puis, l’année suivante, la déroute avait été encore plus cinglante au Kilchberg, où aucun d’entre eux n’avait passé le cap des éliminations après quatre passes. «Ces deux déconvenues peuvent aussi être prises de manière positive, assure Ruedi Schlaefli. Dans le sens où il y a eu une vraie prise de conscience chez les lutteurs. Désormais, ils sont nombreux à s’entraîner davantage et à se consacrer vraiment à la lutte. Si je me refuse à donner un chiffre, je suis confiant sur le fait que nous allons obtenir des couronnes à Estavayer.»
L’Association romande compte sur le même staff depuis 2010 pour encadrer ses lutteurs: Benoît Zamofing et Frédéric Berset pour l’aspect sportif, Raphaël Nguyen comme préparateur physique, les masseurs Jacky Rod, Laurent Grand et Jeannette Häene ainsi que le médecin Michel Zadory.
Aussi des contrôles antidopage
Interrogé sur la question de la lutte contre le dopage, Blaise Decrauzat a expliqué qu’une commission antidopage effectuait une vingtaine de contrôles par année, et que dix contrôles seront effectués durant la Fédérale d’Estavayer. «Puis, dès l’année prochaine, cette question ne sera plus de notre ressort, rappelle le président romand. Car l’Association fédérale va intégrer Swiss Olympic. Elle sera alors soumise aux mêmes règles que les autres sports.»
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«Je suis suivi par des anciens couronnés»
Benjamin Gapany, vous êtes invité à cette conférence de presse en tant que «meilleur lutteur romand». C’est donc officiel: c’est vous le meilleur Romand. Comment vivez-vous ces attentes et ces attentions?
Ça me fait plaisir de voir que les efforts fournis paient. Mais, quand les gens vous reconnaissent à une fête, il faut aussi être capable d’assurer. J’essaie de ne pas trop y penser et de me concentrer sur le travail qu’il reste à faire. Même si, bien sûr, cette attention représente aussi une motivation supplémentaire. Après, il faut aussi savoir relativiser un peu. Je ne pense pas trop aux attentes qu’il peut y avoir. Le premier qui a envie que je gagne une couronne, c’est moi. C’est pour moi que je fais tout ça.
Il y a un côté contradictoire à être chef de file alors qu’il s’agira de votre première fête fédérale. Comment vous préparez-vous à cela?
Je m’entraîne pour ce rendez-vous depuis trois ans maintenant. Ça ne se prépare pas en trois mois. Mais, en effet, je ne sais pas ce que ça peut représenter, d’entrer dans une arène de 50000 personnes. C’est notamment pour cela que, cette année, je suis suivi par les anciens couronnés fédéraux du club, Rolf Wehren et Nicolas Guillet, qui ont l’expérience de ces grands rendez-vous. Et j’ai la chance d’avoir pu participer à une fête comme le Kilchberg, où les 10000 ou 15000 spectateurs permettent de s’habituer un peu au public.
Quel est votre rythme d’entraînement?
J’ai vécu un hiver très chargé: je me levais tous les matins à 5 h et je cumulais, par semaine, 45 heures de travail et 25 heures d’entraînement. Autant dire que, le vendredi soir, on a juste envie d’aller dormir... Maintenant que la saison va commencer, je vais diminuer mon temps de travail à une vingtaine d’heures et garder les mêmes entraînements, qui varieront en intensité en fonction des pics de forme à atteindre.
Où en êtes-vous de votre forme, justement?
J’ai disputé ma première fête le lundi de Pâques à Ibach, les sensations étaient bonnes. Mais j’en saurai plus sur mon état et sur ce qu’il y a à travailler ces prochains mois lors des premières fêtes à couronnes, notamment le 8 mai avec la Genevoise.
Sinon, physiquement j’ai atteint mon poids de 115 kg, je ne vais pas monter plus haut. Mais je dois entraîner l’endurance et la rapidité. Pour la rapidité, je fais énormément d’escaliers et j’enchaîne les grosses charges et les sauts.
Combien de lutteurs romands s’entraînent autant que vous?
Il y a William Häni, qui avait complètement arrêté de travailler. Mais, nous avons appris cette semaine que, malheureusement, sa saison est terminée. Il souffre d’une hernie aux cervicales. Fabio Casarico a également pris une année sabbatique pour se consacrer à la lutte et Pascal Piemontesi ne travaille qu’à 60%. Steven Moser s’entraîne bien aussi.
En cette année de Fédérale, est-ce plus facile de trouver des sponsors?
Je suis toujours très bien accueilli. Mais, il est difficile de trouver des entreprises qui acceptent de donner de l’argent. Les temps sont durs pour tout le monde. Mon but est juste de trouver du soutien pour compenser ma perte de salaire et pour payer mon préparateur physique. Actuellement, je ne pourrais pas me permettre d’arrêter complètement de travailler. Et puis, ça va parce que j’habite toujours à la maison. KA
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Un local au Centre sportif?
Président du Club des lutteurs de la Gruyère, Jean-François Sottas ne veut pas rater l’aubaine Estavayer 2016. «Nous avons créé un logo du club, chose qui n’existait pas avant, explique le Gruérien. Et puis, nous voulons profiter de l’engouement autour de la lutte pour nous approcher de certains projets. Comme celui du Centre sportif de la Gruyère. Notre idée serait, si c’est possible, d’intégrer un local d’entraînement au futur complexe.» Une initiative qui, forcément, aurait un coût. «Bien sûr. Mais, pour l’instant, nous avons juste un local à la Condémine, où nous sommes totalement tributaires de l’école. Avoir nos propres locaux, avec de la sciure, nous permettrait d’organiser des entraînements cantonaux, voire romands. Cela nous procurerait surtout davantage de libertés. L’indépendance coûte cher, mais notre club est sain financièrement et nous pourrions nous permettre un investissement de ce genre», souligne Jean-François Sottas.
Toujours dans un esprit de promotion, le club gruérien va également participer à plusieurs événements cette année: «Nous prendrons part à la cérémonie d’ouverture de Tutticanti, la Fête fribourgeoise des chorales, qui aura lieu du 26 au 29 mai à Bulle, et nous aurons un rond de sciure durant Bull’Bouge.»
Le club compte actuellement 156 membres, dont une petite quarantaine en activité (19 jeunes et 19 actifs). «Nous nous attendons à avoir beaucoup de monde au local cet automne. Comme il y a quinze ans, lors de la dernière Fédérale en Suisse romande. Et puis, pour le club, c’est génial d’avoir quelqu’un comme Benjamin Gapany. Même s’il évolue à un niveau supérieur, il est très fidèle aux entraînements du club et il participe parfois à ceux des enfants. Non seulement il motive les troupes, mais il apporte aussi des choses nouvelles qu’il travaille de son côté.» Pour rappel, la dernière couronne fédérale remportée par un Gruérien date de 1995, à Coire. Un certain Rolf Wehren avait arrêté sa carrière sur cet exploit. A voir le 28 août prochain si Benjamin Gapany, tout juste 21 ans, commencera la sienne coiffé des mêmes lauriers. KA
Commentaires
Brigitte grand... (non vérifié)
ven, 08 avr. 2016
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