PAR YANN GUERCHANIK

C’est l’histoire d’un film qui change de ton. Un film qui ne proclame pas le désenchantement. Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, se propose de recenser une foule d’actions possibles pour faire tourner le monde plus rond. Dès sa sortie en décembre dernier, c’est devenu un phénomène. Il essaime partout des militants d’une ère nouvelle.
A la suite des projections, des rencontres s’organisent, des comités citoyens se forment. Il s’en est créé un en janvier à Fribourg. Et la Gruyère compte le sien depuis quelques semaines. «C’est une amie qui a lancé le mouvement à Fribourg. Après quoi, elle m’a proposé de faire de même. Je me suis dit que je ne risquais pas grand-chose à créer une page Facebook.»
Demain la Gruyère prend forme à l’initiative du Bullois Didier Leibzig. La page Facebook se met très vite à crépiter. «Cela a d’abord permis aux gens de se mettre en lien, de faire savoir ce qui existait déjà.» Entre espaces de permaculture, systèmes d’échange local, démarches en faveur de la mobilité douce, tout un réseau d’actions est mis en lumière.
«Et puis, on s’est dit que ce serait bien de tous se rencontrer pour de vrai. Quarante personnes se sont inscrites. Au final, on était plus d’une centaine à la halle d’escalade Laniac, à Bulle. Des jeunes, des plus âgés, des enfants… dans une superénergie. Cette première rencontre nous a permis de passer en revue les envies qui existaient par rapport à la région.»

Cinq projets à mener
Dimanche à l’Hôtel de Ville de Bulle, quelque 120 personnes se sont retrouvées lors d’un deuxième événement. Ce soir-là, il s’agissait de définir les grandes lignes des cinq thèmes sélectionnés: créer ou promouvoir un magasin en vrac, faire la promotion du commerce local, agir pour diminuer les emballages en magasin, aménager des surfaces «d’incroyables comestibles» et mettre en place des bennes d’échanges dans les déchetteries.
Loin des protocoles et du droit associatif, la soirée s’est déroulée dans une étonnante spontanéité. Bien qu’un «comité» ait tout de même été mis sur pied pour assurer un minimum d’organisation. Ils sont une poignée à former ainsi le «groupe de gestion». Cinq ou six personnes qui sortent de l’ombre de temps en temps, pour donner une impulsion, alimenter la discussion, avant de se fondre à nouveau dans l’assemblée.
Assis en tailleur, les participants ont formé des petits cercles de travail. On parle missions à remplir, actions à planifier. Et déjà, tout un chacun s’approprie les projets. «C’est le but, sourit Didier Leibzig. Il s’agit avant tout de connecter les gens, de proposer quelques outils.»
On dirait un organisme vivant, multicellulaire: les cercles de travail se divisent bientôt en sous-groupes qui prennent en main des bouts de projets. Telle personne se propose d’obtenir une autorisation communale, telle autre de solliciter les conseils d’un expert. Ici, on promet de faire l’inventaire des emplacements disponibles. Là, d’esquisser un programme de sensibilisation.
Tout le monde est attentif, personne ne semble de trop. Et quand vient le temps de con­clure, des participants font part de leur avancée à tour de rôle. La parole circule. «En septembre, indique Didier Leibzig, nous nous réunirons à nouveau pour voir où en sont les projets.» Et pour refaire le plein d’énergie.

Changer le monde?
A bien observer la région, on commence à voir poindre quelques réalisations dans la veine du film Demain. Un marché de producteurs locaux, un terrain vague devenu jardin, une boîte à livres au bord du chemin.  De quoi changer le monde? Pas sûr. Mais peut-être qu’il faut l’oublier un peu le monde. Au fond, peu importe combien de projets se concrétiseront. Le plus important, c’est peut-être le nombre de personnes qui passent dans ces projets. Le nombre de personnes qui s’en trouvent transformées. Diman­che soir, ils étaient 120 à vouloir faire autrement, 120 à désirer être différemment.
La prochaine fois, ils seront peut-être 120 de plus. Toujours plus nombreux à penser comme l’agroécologiste Pierre Rabhi: «Ce qui va changer le monde, c’est que l’être humain lui-même change.»

info@demainlagruyere.ch
Facebook: Demain la Gruyère

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Toujours à l’affiche à Bulle

Demain tient du phénomène de société. D’abord, il fait partie de ces films qui déjouent les lois classiques du cinéma: son audience n’a pas chuté de semaine en semaine, elle a augmenté. En France, il a franchi la barre du million d’entrées. Pour un documentaire, cela tient de l’exploit.
Ensuite, il semble réveiller quelque chose chez les gens. Le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, César du meilleur documentaire cette année, étaie des réalisations concrètes que beaucoup veulent reprendre à leur compte. Pour cela, on s’organise en comité citoyen un peu partout. En France, comme à Fribourg ou en Gruyère.
«On entame cette semaine la 23e semaine d'exploitation à Bulle, indique le programmateur du groupe Cinemotion Xavier Pattaroni. Quelque 2418 spectateurs ont vu le film. Entre nos salles de Bulle, Fribourg et Payerne, on comptabilise 10000 entrées payantes.» A Bulle, le film est donc bien parti pour se retrouver dans le top 5 des meilleurs scores à la fin de l’année.
Et Xavier Pattaroni a constaté chez nous aussi une exploitation inhabituelle: «Après un démarrage moyen, il a décollé au fil des semaines grâce au bouche à oreille.» Surtout, le programmateur relève son impact: «Dans ma longue carrière d’exploitant, c’est la première fois que j’observe ce genre de répercussion par rapport à un film.» YG

Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent, à l’affiche aux Rex de Fribourg et aux Prado de Bulle